La Folle Journée, c’est le rendez-vous nantais de la musique classique. Précédemment consacré à un compositeur, l’événement a désormais un thème. Cette année, l’ambitieux Passions de l’âme et du cœur a à nouveau fait bouillonner Nantes !
Les deux journées du week-end de La Folle Journée ont été ouvertes par le Renegades Steel Band dans le grand auditorium de la Cité des Congrès. Le groupe, venant de Trinidad et Tobago, berceau du steel drum, a déjà été invité à plusieurs reprises à La Folle Journée. Leurs bidons d’acier martelés, harmoniques, ont enchanté le public sur des morceaux de Schubert et Chopin en 2008 et 2010.
Pour l’édition 2015, le groupe débute le concert par deux morceaux de Jean-Sébastien Bach, un choral de la Passion selon saint Matthieu et un extrait de la Suite n°3, deux morceaux à l’émotion très puissante, palpable dans la salle. La douceur d’attaque des bidons permet une interprétation très mélodique et douce, propice à transmettre cette émotion. Le concert se poursuit par le fameux Ave Maria de Schubert, puis le groupe ose la Toccata et fugue de Jean-Sébastien Bach. Les steel drums réinterprètent totalement l’œuvre, virtuose et spectaculaire. Le son du pan adoucit certains passages, les attaques étant moins nettes que sur un clavier mais les résonnances si particulières de l’instrument rappellent par moment l’orgue auquel est destiné l’oeuvre. Enfin, le groupe entame deux calypsos typiques de l’île et c’est tout l’auditorium qui scande avec ses applaudissements la prestation du groupe, pour finir par une standing ovation.
Comme à chacune de leur venue, les Renegades Steel Band ont émerveillé le public exigeant de La Folle Journée par leur virtuosité et par les arrangements de Desmond Waithe. Plus encore, ce qui me touche dans leur venue lors d’un festival de musique classique, c’est la transmission, le partage et l’inter-culturalité pour réunir le temps d’un concert, un public très varié.
Le deuxième concert que j’avais choisi était Les valses nobles et sentimentales de Ravel. La pianiste Mami Hagiwara, magnifiquement drapée dans une robe en voile bleu ciel, débute son programme par cette oeuvre. Celle-ci est parfaitement interprétée avec virtuosité, passant des mouvements rapides, vifs, aux mouvements lents, plus introspectifs. La spécificité de la composition de Ravel est présente, ces accords savamment dissonants, prémices du jazz pour cet auteur du début du XXème siècle.
Puis, elle entame La Valse, toujours de Maurice Ravel, une œuvre que je ne connaissais pas. Partant des tréfonds des basses du piano, ses doigts virtuoses jouent des accords dissonants et malgré le rythme ternaire de la valse qui reste présent, une montée inéluctable de la tension et de la dynamique s’opère. Le final est somptueux, le public retient son souffle face à la virtuosité fortissimo des derniers accords. Le petit silence qui suit est rompu par un tonnerre d’applaudissements pour la petite salle de 80 places.
Mami Hagiwara a terminé par Winnsboro Cotton Mille Blues de Frederic Rzewski, un compositeur que j’ai découvert. La première partie propose un rythme lancinant de balancier, fort, qui peut faire penser à la dureté du travail dans les champs de coton. Les clusters (jeu d’un amas de notes avec le plat de la main ou l’avant-bras) sont poignants. Vient un passage aux accents blues, dont l’auteur se joue pour dénouer les codes de ce style. Les résonnances des cordes du piano amplifiées grâce à l’effet de la pédale sont un moment de suspension en tension permettant de passer de partie en partie avant le final doucement travaillé dans les aigus.
La jeune pianiste, se perfectionnant encore au conservatoire de Paris, après avoir été la première japonaise à remporter le prestigieux Concours International de Genève, a émerveillé le public par son jeu, d’une grande virtuosité et son interprétation intense. Le thème de La Folle Journée 2015, Passions de l’âme et du cœur, a merveilleusement porté son nom pendant ce concert !