[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#800000″]V[/mks_dropcap]ous aimez le polar ? Avec, pour accompagner votre lecture et joindre l’utile à l’agréable, un Petit Noir à portée de main ? Sans sucre, mais fumant le Petit Noir, évidemment. Histoire de vous détendre le citron tout en portant à ébullition votre goût pour les histoires sombres.
Alors, servez-vous ce café et laissez-vous emporter par la lecture de deux BD récentes dévolues au genre : Fondu au Noir (Delcourt) et Intégrale Noir (Dupuis). Ça dégouline de personnages retors, de pin-up et de bras cassés. Puisqu’on vous dit que Noir, c’est noir !
Ces deux BD ne font pas moins de 620 pages au total. Deux beaux pavés jetés dans la mare du Noir donc, et de son univers si codifié. Le premier est co-signé par le scénariste Ed Brubaker (Captain America) et son compère dessinateur Sean Phillips (7 Psychopathes). Deux pros de la BD qui ont déjà glané plusieurs récompenses aux Eisner Awards, les Golden Globes de l’industrie de la bande-dessinée. Avec eux, Élisabeth Breitweiser (Velvet), ancienne professeure d’art, assure la mise en couleur.
Fondu au Noir nous plonge dans l’univers d’un Hollywood avide de régler ses comptes, entre vrais meurtres et faux-semblants. Nous sommes alors en pleine chasse aux sorcières, « au temps du boom économique de l’après seconde guerre mondiale« , ainsi que le précise le texte d’introduction de la BD.
Dans ce climat social et politique délétère, l’Amérique des vedettes de cinéma, des ragots et des amis qui n’en sont pas, s’est choisie une vingtaine de personnages, tous plus vrais que nature, pour nous mettre dans les pas du crime organisé. Lequel ne restera pas impuni. C’est en tout cas ce qu’ont fini par se promettre Charles Parish, screenwriter traumatisé, et Gil Mason, scénariste inscrit sur la Liste noire. Tout deux vont, avec une bonne dose de bêtise et d’inconscience, dynamiter l’ordre établi.
Ils font partie de l’impressionnante distribution de Fondu au Noir, qui nous est présentée sur une belle première double page : agent d’artistes à mi-course, blonde de rechange, joli cœur favori des midinettes, jeune premier sur le retour… Tous ou presque ont le regard qui tue. Allez savoir pourquoi !
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Les nombreux rebondissements, le découpage chapitré du récit, les vrais-faux clichés de l’époque, la galerie d’illustrations de quelques unes des figures marquantes d’Hollywood, de Clark Gable à Errol Flyn, ainsi que les références cinématographiques au film noir américain, à mi-chemin entre Le Dahlia Noir (Brian de Palma) et L.A. Confidential (Curtis Henson) (deux ouvrages du mythique James Ellroy) font de Fondu au Noir une BD d’un genre respecté et d’une qualité plus que respectable.
Il en est de même s’agissant d’Intégrale Noir, qui met en perspective le travail de Serge Clerc, engagé à l’âge de 17 ans à Métal Hurlant et qui ne cessera d’inventer des personnages déjantés, biberonnés aux femmes fatales et victimes de la brume bretonne.
Johnny Bahamas est l’un d’entre eux. Il figure en bonne place sur la jaquette de la couverture. À ce titre, il succède à Phil Perfect, héros d’une autre Intégrale. Pour être précis, Intégrale Noir est le 4e volume du même acabit, le rock et la science-fiction ayant constitué d’autres thèmes de prédilection de l’auteur. Dans ce nouvel opus, il est question de polar façon Clerc, c’est-à-dire du Noir mâtiné de policier, d’un trait d’humour et d’un zeste d’espionnage ! Seule la ligne claire ne dévie pas : graphisme sobre, clarté du trait, simplicité des couleurs…
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La BD se compose de très nombreuses illustrations : des extraits de carnets, des croquis et de simples crobards, des logos, des études et des essais typographiques, des affiches et des planches entières comme celles du « Dessinateur-Espion ». Serge Clerc y commente aussi ses recherches documentaires, son travail qui évolue au fil du destin de ses éditeurs. Il y évoque aussi son admiration pour Will Eisner, le créateur du Spirit (le Vengeur masqué).
C’est foisonnant et instructif. Parfois, on frôle même la réflexion métaphysique, c’est pour dire ! Un exemple parmi d’autres ? Quand des malfrats dissertent sur Spinoza ou Chirico… Ah j’oubliais : Intégrale Noir bénéficie d’une édition limitée ornée d’un frontispice signé. C’est beau comme un livre de collection. Ça tombe bien, c’en est un.