Comment continuer à écrire quand on a finit un cycle de romans, Marie Madeleine de Montalde échelonné sur quatre livres Fuir, Faire l’amour, La vérité sur Marie et Nue, qui lui aura pris une bonne dizaine d’année d’écrivain? Jean-Philippe Toussaint décide dans ce livre intitulé Football de se confier sur un thème qui le passionne, le football, donc. Ainsi ce livre raconte le rapport entre l’écrivain et ce sport qui pourrait paraître trivial pour les intellectuels, mais qui, écrit sous un angle intellectuel, pourrait lasser les adeptes du ballon rond. D’où l’avertissement au tout début du livre.
Football est plus un livre de témoignages, prenant ce sport comme moyen à Jean-Philippe Toussaint de se dévoiler un peu plus qu’il ne le fait déjà dans ces précédents livres. L’auteur belge a déjà pu travailler sur ce thème dans La mélancolie de Zidane, paru en 2006, mais également dans des articles ou encore la série de vidéos réalisée pour Blow Up, dans le cadre de l’euro 2012. En plus de son activité d’écrivain, Toussaint a une « deuxième casquette », il réalise des vidéos et des films, le plus souvent des adaptations de ces propres livres. A noter d’ailleurs, que le seul film véritablement disponible est une très bonne comédie, La patinoire, ou l’on pense évidemment à Jacques Tati.
Le livre commence par un lot de réflexions mêlées de nostalgie vis à vis du football. L’auteur nous apporte son regard sur cette passion si commune à beaucoup de gens, en allant chercher dans l’enfance et dans l’âge adulte, ce qui constitue son attrait. Dans une sorte d’inventaire à la Perec, il y montre, sous le prisme de l’intime le rapport ambivalent qu’il entretient avec ce sport. Il y oppose son penchant pour la poésie à celle du football. Puisque le football est une « denrée périssable », impossible de se passionner pour une retransmission d’un vieux match à la télévision. Ainsi « les mots, peut-être, ont le pouvoir de réactiver la magie du football, non pas les mots des articles de presse […] textes qui se démodent aussi vite que les matchs qu’ils décrivent mais les mots de la poésie, ou de la littérature… ». C’est ainsi que le but de Jean-Philippe Toussaint est fixé, bien qu’il «fasse mine d’écrire sur le football » mais qu’en réalité et comme toujours il écrit sur le temps qui passe.
Ensuite il nous raconte comment il a vécu les six dernières coupes du monde. De celle en France jusqu’à celle du Brésil, il entremêle réflexions et descriptions du vécu de spectateur dans les stades. Notons ce chapitre consacré à la coupe du monde de 2002, au Japon, où l’on sent qu’il prend un véritable plaisir à se presser dans les stades nippons, pour acclamer soit la Belgique (pays d’origine de l’auteur) ou le Japon. Mais au-delà de ça, il y a évidemment l’admiration pour l’équipe du Brésil « Que serait le football s’il n’y avait le Brésil ? » s’interroge-t-il.
Mais la passion décline, jusqu’à la coupe du monde de 2010 en Afrique Du Sud, qu’il ne suit que furtivement dans un hôtel du Mans. «On croyait que je plaisantais mais c’est vrai, je commence a en avoir marre du football ». D’ailleurs il n’en parle pas. Toussaint parle avec une délicieuse facétie de la course des 24 heures du Mans, où il était là pour suivre Jeff Koons. L’artiste new-yorkais y était présent pour suivre son Art-car (voir image ci dessous) et qui n’a finalement pas fait long feu sur le circuit de la Sarthe. On oublie le sujet principal pour faire une complainte de la vacuité de l’art face au sport. Rappelons nous du début du livre. « Il n’y a pas que les joueurs de football, de nos jours, qui [sont] des artistes » voudrait répondre Jean philippe Toussaint à la dame du centre de Visa Chinois de Bruxelles.
L’écrivain nous livre ici un recueil de souvenirs, tournants autour du football, même si ce n’est qu’un prétexte à écrire pour surpasser la douloureuse période de la fin d’un cycle, quand on se sépare d’un travail qui aura duré une dizaine d’années et que la déprime et la mélancolie s’installent. Il fallait qui l’écrive comme il dit dans l’avertissement déjà cité.
L’aspect anecdotique de certains passages du livre peut sauter aux yeux de lecteurs attendant la transcendance d’une histoire immémoriale. Mais quand les anecdotes sont écrites par la plume de l’un des meilleurs écrivains de sa génération, on peut facilement s’en délecter, comme un petit plaisir de la vie. Mais il y a la beauté du geste, de l’écrivain qui ne peut que se rattacher à l’écriture quand il sent que la pression du vide l’aspire. La beauté d’un livre réside parfois dans le désir que met l’auteur à vouloir l’écrire.
N’hésitez pas à aller sur le site de Jean-Philippe Toussaint, pour découvrir son univers.
Football de Jean-Philippe Toussaint paru aux éditions de Minuit, septembre 2015