[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]J[/mks_dropcap]e ne compte plus les amateurs de Jim O’Rouke. Depuis Eurêka, mais aussi et surtout, depuis qu’il a passé une paire d’années au sein de Sonic Youth en tant que bassiste et compositeur et ingénieur du son et producteur… Car Jim O’Rouke, c’est un homme à tout faire.
Souvenons-nous aussi de lui pour son mémorable passage au sein des géniaux Gastr Del Sol. Mais après ? Plus rien. Ah si, peut-être Visitor, Eurêka, Insignificance, et Simple Songs. Voilà ce que dans l’ensemble, les gens retiennent de lui. Mais Jim, oui, je me permets de l’appeler Jim car, Jim, c’est mon pote. C’est une amitié unilatérale, certes, mais je m’en fous. Jim donc, vit au Japon depuis plus de dix ans maintenant, et il enchaîne les disques collaboratifs et expérimentaux à un rythme totalement impossible à suivre. Ce qui est fort regrettable car ils sont pratiquement tous fantastiques et beaux. Car oui, Jim fait des disques beaux. Electronique, dronesque, bruitiste (j’attends d’ailleurs impatiemment d’écouter sa dernière collaboration avec Merzbow).
Cette fois, il s’est accoquiné avec Giovanni Di Domenico artiste jazz avant-gardiste italien, et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’association est une réussite. 40 minutes d’un drone qui n’en est pas vraiment un car le mouvement y est perpetual. Cette symphonie fend le statique, les nappes s’y ajoutent, s’y effondrent, se chamaillent la première place pour se croiser ex-aequo. Les causes se servent mutuellement et si les violons sont bien là pour tenir les fondations, le décorum de Jim O’Rourke ne fait pas que tapisserie, notamment dans la seconde partie où tout s’affole dans un faux mouvement de renouveau perpétuellement identique.
Certains disques de Jim O’rourke sont parfois délicats à aborder, comme notamment les deux heures qui composent le drone particulièrement statique de Long Night. Mais ici, non, tout semble filer comme le sang au milieu de vos veines, naturellement, de façon vitale, et évidente. Car oui, c’est un beau disque, un très beau disque, peut-être même le plus beau qu’il ait sorti en 2015, mais qui, malheureusement va passer inaperçu car aucune chanson ne se retient ici, et pour cause, il n’y a pas de chanson, juste une pensée qui vous embarque les yeux dans le vide et qui vous replace dans votre propre contexte méditatif. Il n’y a alors plus de repère intégré, pas de GPS du voyage, le duo vous laisse à l’abandon, comme dérivant sur une mer sans horizon à perte de vue, sans véritable référence stylistique, et en vous demandant si, finalement, on a envie de revenir, après un tel périple… Si l’on s’est accroché au voyage, les dernières minutes tournoient en de vastes nappes répétitives et isolantes du reste du monde. Demandez vous alors simplement, à l’issue de ce voyage : ai-je envie de faire le voyage en sens inverse ?