[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]S[/mks_dropcap]ous ce titre un peu énigmatique, se cache un duo surprenant, une rencontre au sommet entre deux artistes protéiformes et exigeants. D’un côté, le ténébreux David Eugene Edwards, autrefois leader des mythiques 16 Horsepower, puis de Wovenhand, dont je vous ai déjà parlé sur Addict. De l’autre, Alexander Hacke, membre des non moins mythiques Einstürzende Neubauten, papes de la musique industrielle, et de Crime and the city solution, acteur, artiste multi instrumentiste, au parcours assez fou, et adepte d’une recherche musicale bien barrée.
Ces deux là se connaissent depuis longtemps, et ont déjà enregistrés ensemble en 2013, David Eugene Edwards ayant intégré la dernière mouture de Crime and the city solution. Aujourd’hui, ils décident d’aller plus loin et ont donc collaboré le temps d’un album, au nom de Risha, « plume » en arabe, et le résultat est à l’image de ce duo improbable : sombre, assez perché et inclassable, porté par un chant incantatoire, proche du chamanisme parfois. C’est un album qui doit s’apprivoiser.
Le premier morceau, Tryptisch, très doux et envoûtant, mais aussi assez mystérieux, donne le ton, parcouru de nappes synthétiques et hanté par la voix fantomatique de David Eugene Edwards. Directement derrière, les choses s’accélèrent, le deuxième morceau All in the palms défile à toute berzingue digne de la grande période indus, plein de bruits et de boucles furieuses. On se croirait presque chez les Young Gods. On sent que le duo se lâche après une intro tout en fausse douceur.
Puis The tell qui nous fait entrer dans le vif du sujet, c’est un morceau déconstruit, malade, presque malaisant, qui fait pencher la barque du coté des berlinois Einstürzende Neubauten. C’est assez inclassable comme truc, pas toujours évident de savoir qui fait quoi en plus, mais on sent que la rencontre est naturelle, chaque musicien complétant l’autre.
Kiowa 5 se fait carrément chamanique, avec des cris d’indiens, il suffit de fermer les yeux, et on se croirait autour d’un cercle de feu, en transe. Ce morceau est quasiment un interlude, par sa brièveté mais résonne comme l’appel du chaman.
Lily tout comme Teach us to pay, est un morceau qui s’annonce plutôt mélodique mais part assez transcendental, plein de bruits électroniques, les machines de Hacke contrebalançant les guitares de David Eugene Edwards. La voix aérienne du chanteur, renforcée par les sons et machines de Hacke en font de parfaites merveilles psychédéliques.
On sent que les deux ont du s’amuser en studio et parfois se brider pour donner naissance à quelque chose d’un tant soit peu mélodique et abordable, tellement le parcours des deux musiciens est plein de détours. Ce qui est surprenant c’est que ces morceaux sont assez courts au final, pour une rencontre qui aurait pu donner lieu a des expérimentations sans fin, c’est comme si David Eugene Edwards avait apporté le format classique des chansons et Alexander Hacke les expérimentations et l’accompagnement indus. Un morceau comme Akhal, par exemple, magnifique instrumental trippant, pourrait être développé de longues minutes, on sent le potentiel du morceau, presque une introduction, et pourtant non, il s’achève au bout d’à peine 3 minutes.
L’album se clôt sur Breathtaker, morceau élégiaque carrément planant, qui nous emmène loin, et achève cette rencontre sur une note mélancolique.
Il faut souligner le soin accordé à l’enregistrement de cet album, la voix de David Eugene Edwards souvent amplifiée par des effets d’échos et rendant l’ensemble quasi mystique. C’est un album qui est la synthèse de leurs musiques respectives, quand deux univers se croisent et se complètent à merveille.
Voila un bel album qui se mérite, pas forcément facile d’accès, surement pas l’album qui vous fera danser cet été, mais c’est un album exigeant, et ça fait plaisir. C’est aussi un album assez court, alors on appuie sur repeat pour se remettre dedans.