[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]R[/mks_dropcap]ené Goscinny nous a quittés le 5 novembre 1977. À l’occasion du quarantième anniversaire de sa disparition, une très belle exposition hommage Goscinny et le Cinéma est proposée par La Cinémathèque Française (Paris) et La Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image (Angoulême), en partenariat avec l’Institut René Goscinny.
L’exposition s’intéresse aux influences du cinéma sur le travail de l’artiste, mais aussi à sa propre œuvre cinématographique. Elle met en lumière et de manière passionnante les rapports riches et inspirants entre un scénariste de bande dessinée et l’objet de sa rêverie préférée : le cinéma. Comme à son habitude, la Cinémathèque nous offre une scénographie particulièrement léchée pour l’exposition, un véritable ravissement pour les yeux des petits et des plus grands qui redécouvrent leur enfance.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]O[/mks_dropcap]n démarre la visite en s’intéressant d’abord à la jeunesse de René Goscinny à Buenos Aires. Avant même de commencer sa carrière de scénariste, le jeune homme était passionné par le dessin et était déjà fasciné par le cinéma. Il n’avait en effet qu’un rêve, travailler pour celui qui l’inspirait :
J’étais parti aux États-Unis dans l’espoir de travailler chez Walt Disney, mais Walt Disney l’ignorait.
La rencontre avec le maître ne s’est pas faite, mais ce désir de cinéma ne l’a jamais quitté et s’est diffusé par la suite dans l’ensemble de son œuvre.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]U[/mks_dropcap]ne cour de récréation, une salle de classe que s’accapare illico le jeune public. Nous voici ensuite dans l’univers d’un des personnages les plus célèbres de la littérature de jeunesse, créé par Goscinny et immortalisé par le crayon de Sempé : Le Petit Nicolas.
Le garçonnet espiègle a été un des premiers personnages de Goscinny à être adapté à l’écran. Dès 1964, pour la télévision, dans une série intitulée, Tous les Enfants du Monde par André Michel avec dans le rôle des parents de Nicolas, deux comédiens d’exception : Michael Lonsdale et Bernadette Lafont, puis en 2009 dans une série animée d’une centaine d’épisodes.
Laurent Tirad l’adapte au cinéma toujours en 2009 avec Le Petit Nicolas puis Les Vacances du Petit Nicolas, avec dans le rôle des parents Kad Merad et Valérie Lemercier, films qui sont de véritables succès, confirmant le caractère indémodable de ce jeune héros des années 60.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]es « Assez ! » stridents de Cléopâtre nous font débarquer ensuite en Gaule dans l’univers d’Astérix. Le Gaulois est né en 1959 des imaginations de René Goscinny et d’Albert Uderzo. On se délecte notamment dans cette partie à regarder les costumes originaux des Cléopâtre incarnées par Elizabeth Taylor et Monica Bellucci.
Astérix connaît un véritable succès en 1965, avec Astérix et Cléopâtre qui se vend à 350 000 exemplaires. Cependant, Goscinny ne croit pas trop au début à la possibilité d’incarner ses héros en chair et en os au cinéma. Il monte alors avec Uderzo et Pierre Tchernia un divertissement télévisuel intitulé Deux Romains en Gaule, avec Roger Pierre et Jean-Marc Thibault. Début du succès pour le petit Gaulois sur les écrans.
À la fin de cette même année 1967 sort le film d’animation Astérix le Gaulois. Non informés du projet par leur éditeur Georges Dargaud, Goscinny et Uderzo sont d’abord mécontents mais participent tout de même au succès commercial du film.
Désormais, rien ne se fera plus sans eux : une adaptation non-autorisée de La Serpe d’or est détruite après réalisation, tandis que leur engagement sur l’adaptation animée d’Astérix et Cléopâtre est la première étape vers la création de leurs propres studios. Poursuivant son rêve de devenir un Walt Disney français, René Goscinny devient alors scénariste, réalisateur, producteur de dessin animé avec sa star Astérix.
Cette partie de l’exposition met en avant également les multiples clins d’œil au 7e art que Goscinny a essaimés dans les albums du Gaulois. Ainsi, dans Astérix chez les Helvètes (1970), Goscinny et Uderzo transposent la scène de l’orgie romaine du Satyricon de Fellini.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]O[/mks_dropcap]n file ensuite au Far West retrouver Lucky Luke, dessiné par Morris.
Goscinny rencontre le dessinateur à New York au début des années 50. Les deux auteurs ont en commun la passion des westerns et une véritable fascination pour John Ford et John Wayne. En vingt-cinq ans de collaboration, Morris et Goscinny signent 37 albums de Lucky Luke, parodie revendiquée des grands classiques hollywoodiens.
Ainsi l’on apprend que La Diligence est inspirée de La Chevauchée Fantastique de John Ford, un film que Goscinny disait avoir vu une quinzaine de fois. Au fil des albums, Lucky Luke croise également de nombreux cow-boys, caricatures d’acteurs de cinéma : David Niven, Wallace Beery, Lee Van Cleef, ou même Mae West. Le poor lonesome cowboy s’inspire lui-même de Gary Cooper dans Le Cavalier du Désert de William Wyler.
Lucky Luke passe, lui aussi, par la case adaptation au cinéma. Il fait ses premiers pas sur grand écran en 1971 dans le dessin animé Daisy Town puis dans La Ballade des Dalton, sorti en 1978, dans lequel René Goscinny s’amuse à prêter sa voix à Jolly Jumper. Le film, là encore, multiplie les références au cinéma. Ainsi, Goscinny et Morris s’amusent par exemple à transposer la scène mythique de Chantons Sous la Pluie de Stanley Donen.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]O[/mks_dropcap]n passe ensuite derrière l’écran pour découvrir l’ingéniosité des Studios Idéfix créés en 1973 par René Goscinny, Albert Uderzo et leur éditeur Georges Dargaud, studios fermés en 1978 après le décès du premier.
Les Douze Travaux d’Astérix sont la première création du trio, d’après un scénario original d’Astérix écrit par Goscinny pour le cinéma. L’idée du sujet est cependant trouvée par Albert Uderzo :
En prospectant les légendes classiques de l’Antiquité, je m’étais arrêté aux Douze Travaux d’Hercule. René a saisi l’idée au vol car il y voyait la possibilité de douze sketches greffés sur un thème central.
Pierre Tchernia participe à l’élaboration du scénario et des dialogues.
Cette partie de l’exposition est particulièrement ludique et didactique car elle permet aussi de comprendre les différentes étapes de la réalisation d’un dessin animé dans les années 1970, sans ordinateur. À partir d’un matériel riche que l’on peut examiner (storyboards, scénarios, photographies, décors, cellulos), les différentes phases de création d’un dessin animé sont très bien décrites, avec de multiples manipulations et animations interactives à destination du public.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]près avoir appris, ri, dessiné, manipulé, la visite se conclut sur d’autres relations que Goscinny entretenait avec l’écran, petit et grand. En plus d’avoir coécrit avec Pierre Tchernia pour le cinéma Le Viager, Goscinny est durant les années 70 une figure sympathique et populaire du petit écran, invité régulièrement sur les plateaux de télévision.
On (re)découvre dans cette partie avec bonheur ses Minichroniques écrites pour TF1 où, tel Alfred Hitchcock avant lui, Goscinny introduit chaque épisode avec un texte ciselé et une joie pleine de facétie à faire l’acteur. Un César exposé, décerné de manière posthume en 1978 à cet amoureux boulimique du cinéma, vient nous rappeler si besoin est l’importance de son œuvre cinématographique.
https://www.youtube.com/watch?v=gUzkpWIpnjY
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]’est donc une exposition généreuse et jubilatoire que nous propose actuellement la Cinémathèque Française à Paris, exposition que l’on se doit de coupler avec celle tout aussi passionnante présentée conjointement au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme sur ce très grand créateur qu’était Goscinny. L’exposition à la Cinémathèque sera ensuite reprise à Angoulême du 22 juin au 9 décembre, puis à l’international.
Quarante ans après sa mort, les personnages de Goscinny sont toujours bien vivants et continuent de nourrir la culture populaire internationale. Astérix et Obélix, Lucky Luke ou le Petit Nicolas sont devenus des personnages de cinéma à part entière et ne sont pas en passe de tomber dans l’oubli, même auprès du jeune public.
Goscinny, parti trop tôt, a eu heureusement assez de temps pour réaliser son rêve et mériter plus que jamais le surnom affectueux que lui avait donné son ami Gotlib : « Walt Goscinny ».