[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]a carrière littéraire d’Hervé Le Corre commence en 1990 avec la publication de La douleur des morts à la Série Noire. Trois autres romans suivront chez le même éditeur : Du sable dans la bouche (1993), Les effarés (1996) et Copyright (2001). En 2004, la publication de L’homme aux lèvres de saphir chez Rivages marque une nouvelle étape dans cette carrière et fait d’Hervé Le Corre l’un des auteurs qui ont eu l’occasion d’être édités par les deux maisons d’éditions mythiques du noir français. La sortie ce mois-ci d’une version revue de Du sable dans la bouche chez Rivages, boucle en quelque sorte la boucle en attendant un prochain roman qui ne devrait pas tarder.
Ainsi, en l’espace de trois romans, L’homme aux lèvres de saphir, Les cœurs déchiquetés, Après la guerre (et un recueil de nouvelles, Derniers retranchements, 2011), Hervé Le Corre s’est imposé comme l’un des auteurs phares de Rivages, aux côtés des grands américains de la maison d’édition française et de ces quelques français – Pascal Dessaint, Hafed Benotman, Hugues Pagan, Gianni Pirozzi ou Christian Roux – devenus sous la houlette de François Guérif et Jeanne Guyon des incontournables du genre noir en France.
Trois romans, trois époques et une aventure chez Rivages qui débute par une escapade loin des terres bordelaises et aquitaines explorées par l’auteur dans ses trois premiers romans, et plus loin aussi dans le temps.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L'[/mks_dropcap]homme aux lèvres de saphir prend ainsi place dans le Paris du Second Empire, à la veille de la Commune, où un mystérieux tueur met en scène ses crimes en s’inspirant des Chants de Maldoror d’Isidore Ducasse. Pas de chance pour Étienne, tout juste débarqué de sa province pour trouver du travail et qui, pour avoir été au mauvais endroit au mauvais moment, tombe nez à nez avec le tueur qui vient de suspendre un cadavre à la colonne Vendôme et qui laisse tomber un carnet dans sa fuite. Dans un Paris ouvrier en ébullition le jeune homme va devoir composer à la fois avec la police et avec l’assassin déterminer à remettre la main sur son bien. Pour reprendre l’expression consacrée, L’homme aux lèvres de saphir est certainement le roman de la maturité, pour Hervé Le Corre. On y retrouve bien entendu ce qui faisait déjà la marque de l’auteur, cette empathie pour les personnages, ce besoin de les comprendre et cette façon de conter leurs tourments et les dilemmes qui les habitent. Et il adjoint à cela une formidable retranscription d’une époque – on sent, on entend le Paris populaire, on vit les assemblées ouvrières et l’on voit la révolte enfler – soutenue par une intrigue sans faille et une écriture qui a indéniablement gagné en force d’évocation et en beauté. Thriller historique mâtiné d’énigme littéraire, roman engagé aussi qui parle des combats sociaux de 1870 pour mieux montrer la nécessité de se serrer les coudes aujourd’hui, L’homme aux lèvres de saphir est pour Hervé Le Corre le roman de la consécration que vient d’ailleurs couronner en 2005 le prix Mystère de la critique.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]I[/mks_dropcap]l faut attendre cinq ans pour lire un nouveau roman d’Hervé Le Corre. En 2009, Les cœurs déchiquetés marquent un retour de l’auteur à sa région et aussi un peu à ses premiers romans avec une intrigue ancrée dans notre époque. Jouant avec les codes du thriller, Hervé Le Corre livre encore un pur roman noir social mais aussi un très beau roman sur le deuil et l’absence en lançant le lecteur à la suite de Pierre Vilar, policier anéanti par la disparition de son fils, et de Victor, collégien orphelin trimballé de foyer en famille d’accueil. Là encore, l’écriture, étoffée mais évitant l’emphase, trouve le ton juste, émeut et impressionne sans nécessiter d’artifice. Il en ressort un roman qui arrive à être intimiste tout en maintenant une tension constante. Cerise sur le gâteau, Hervé Le Corre se permet de beaux moments de bravoure comme cette fuite sur l’estuaire de la Gironde qui évoque La nuit du chasseur.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]inq années passent encore avant la parution du dernier roman en date d’Hervé Le Corre, Après la guerre, qui nous mène dans le Bordeaux de l’après-guerre. En ces années 1950, alors que l’on commence à envoyer des appelés en Algérie, un homme revient en ville pour régler le solde des pas si vieux comptes de l’Occupation. Personne ne s’y trompe et les prix qui pleuvent sur le roman (Prix Point du polar européen, Prix Michel Lebrun, Trophée 813, …) le confirment, Après la guerre est certainement un des meilleurs romans français de ces dernières années. Une fois encore Hervé Le Corre démontre son talent à peindre une époque et l’atmosphère qui s’y attache, à s’appuyer sur une documentation solide qui ne prend cependant jamais le pas sur l’exercice littéraire et, surtout, à donner chair à des personnages aux motivations complexes et déterminés à ne pas ou à ne plus courber l’échine.
Continuant à sonder l’âme humaine, à creuser autour du sentiment de perte, de l’absence et des choix que chacun est amené à faire en conscience, il propose avec Darlac un personnage magistral de salopard, avec André celui d’un homme tiraillé par le besoin de vengeance et avec Daniel celui d’un garçon qui a besoin d’exister dans un monde où il se sent entouré de morts. Histoire magistralement ancrée dans un lieu et une époque précis mais d’une portée universelle, voilà un autre roman que l’on n’est pas près d’oublier.
On peut invoquer le talent, le « don de l’écriture »… il y a surtout derrière le succès d’Hervé Le Corre quantité de travail et une grande érudition. Féru de littérature et de cinéma, amateur éclairé et promoteur du roman noir, l’auteur bordelais a su imposer sa voix singulière dans une maison aux têtes d’affiches, de James Ellroy à Donald Westlake en passant par Dennis Lehane, John Harvey, David Peace ou Elmore Leonard, pour le moins impressionnantes et même à en devenir un solide pilier.
Et puisqu’on parle des 30 ans de Rivages, deux petites questions auxquelles Hervé Le Corre a bien voulu répondre, pour finir.
Que représente Rivages pour vous ?
Rivages/noir c’est en tant que lecteur la collection qui m’a causé de grands chocs et des émerveillements dont je ne suis sans doute pas encore revenu : Ellroy (Lune sanglante, puis le Dahlia noir) : jamais je n’avais lu la violence ainsi écrite. Hillerman comme une invitation au voyage en pays navajo : chaleur, poussière, espaces infinis et paysages grandioses, humanité presque palpable des personnages. Robin Cook et sa noirceur barbare et effarée (J’étais Dora Suarez). Puis sont venus John Harvey et Bill James, et Hugues Pagan. Plus tard, Daniel Woodrell, James Carlos Blake (j’adore les westerns !) C’est très vite devenu pour moi LA collection de romans noirs : catalogue irréprochable, livres beaux en tant qu’objets.
Si vous ne pouviez en garder qu’un ?
Un livre ? Un seul ? Choix impossible, mais allons-y : Voleurs, de Christopher Cook.
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Concours
Pour fêter ses 30 ans Rivages s’associe à Addict-Culture et vous offre des cadeaux toute la semaine !
Les 5 exemplaires du Sable Dans La Bouche, dédicacés par Hervé Le Corre ont été remportés.
Les gagnants serons prévenus par email très prochainement.
Merci à tous pour votre participation !
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