J’ai beau avoir une certaine ouverture d’esprit, il y a des chapelles musicales pour lesquelles je suis loin d’être fidèle parmi les fidèles. Si je m’attarde quelques secondes sur les rayons et colonnes qui composent ma discothèque, force est de constater que ni le hip hop ni la soul ne figurent aux premiers rangs. A peine quelques disques qui prennent la poussière. Je suis irrémédiablement plus attiré par d’autres obédiences… L’éclectisme qui est le mien n’est donc que relatif.
Eté 2014. Je suis sur la terrasse de ma location estivale. Humeur farniente et consultation de ma messagerie via mon indispensable smartphone. On a beau être en vacances, impossible d’être coupé du monde et de son actualité culturelle brûlante.
Une recommandation. Le clip d’un duo dont l’univers balance entre Björk (encore elle) et Macy Gray. Un premier EP au nom exotique… Oya.
Subjugué par la composition, je sors de mon état somnolent. Je repasse la vidéo pour m’assurer que ce n’est pas l’effet du énième rosé frappé. Non, il s’agit bien d’une merveille … Ressenti incroyable, la féerie tribale annoncée n’est pas pure broutille communicante. Le propos vient hausser la température.
Toi, le Soleil, l’Uni, toi qui parles à mon cœur
Toi, le Soleil, l’Uni, mais qui pars sans moi
Toi qui pars sans moi
Si les délices de la chaude saison semblent loin, je prolonge le plaisir. L’hiver est rude mais dans un coin de l’esprit je reste en éveil vis-à-vis des jumelles d’Ibeyi (doux pléonasme puisque le nom du duo signifie « jumeaux » en yoruba)
Comme je ne connais rien à leur sujet et que je suis de nature curieuse, je m’informe. J’apprends que le papa était percussionniste au sein du Buena Vista Social Club. On comprend alors que les lois de la génétique ou du moins de la filiation ne sont pas étrangères au succès qui s’annonce. Le talent en héritage en quelque sorte.
S’annonce alors un premier album aux sonorités venant mélanger habillement rythmes afro-cubains et spiritualité teinté d’électro. Lisa-Kaindé et Naomi signent sur le label XL Recordings pour envoûter un large public. Les puristes du genre y trouveront peut-être trop de modernité. La raison en tous les cas pour laquelle je suis attiré par leurs compositions. S’ajoute les mystères de la gémellité. Un langage qui mêle une rythmique efficace à un chant d’une douce profondeur d’âme.
Malgré l’osmose évidente et l’unité d’humeur, les titres se distinguent par leurs influences multiples et variées.
Il y a de l’ingéniosité et de la générosité chez les deux sœurs mais pour réussir dans cette jungle, il faut bien plus. Le coup de pouce viendra de Richard Russel. Le producteur anglais marqué à tel point que dès la première écoute du titre Mama Says, il les prendra illico sous son aile. Qui ne pourrait pas succomber à ce piano magique qui vient accompagner le magnifique chant venu des racines de la Terre !
Ibeyi devrait réussir à susciter aussi un vif intérêt chez celles et ceux qui se délectent des ambiances riches et délicates. En témoigne le titre River. On navigue sur les confluents des rives africaines. Une immersion totale dans leur poésie aquatique.
Inutile alors de vous prescrire l’album éponyme. Vous êtes suffisamment perspicace pour comprendre que si, même le frileux que je suis, est enchanté c’est qu’il y a une effective valeur ajoutée dans cet opus.
Où ranger alors le disque ? Dans un compartiment « world music » ? En fait, coté classification il n’y a plus de castes. Il n’y a que deux variantes : La musique qui vous touche et celle qui vous indiffère.
Pour ce qui concerne nos ravissantes jumelles, je prédis sans risque que le souffle fédérateur de leur œuvre ne pourra vous laisser de marbre.
Album disponible chez votre disquaire et en écoute sur Spotify