Depuis quelques semaines l’équipe d’Addict-Culture s’est fait happer par ce nouveau mode d’expression culturel : Le Podcast ! A tel point que nous avons décidé de leur consacrer une catégorie à part entière à partir d’aujourd’hui (nos premiers conseils de podcasts vous seront dévoilés cet après midi). A quelques jours de lancer cette nouvelle rubrique nous avons découvert l’existence du Paris Podcast Festival qui ouvrira ses portes le 19 octobre prochain pour 3 jours à la Gaîté Lyrique. Il nous a donc paru nécessaire d’aller à la rencontre des organisateurs pour en savoir un peu plus ! J’ai donc discuté avec Thibaut de Saint Maurice, co-créateur du Paris Podcast Festival.
Alors pour commencer je vais vous poser une petite question toute bête mais c’est quoi un podcast pour vous ?
Thibaut de Saint Maurice : Ah c’est une bonne question ça ! Alors il y a deux définitions possibles. Il y a une acception “large” et une acception plus réduite que nous essayons de valoriser. L’acception large c’est que c’est un contenu audio qui peut être consommé directement en ligne à n’importe quel moment et qui est donc libéré de la contrainte d’une programmation de flux sur une grille de programme. Et à l’intérieur de ce monde du podcast on essaie de mettre en avant ce qu’on a appelé les podcasts natifs qui sont des contenus audio qui ont été pensés, produits, conçus, écrits , réalisés et qui ensuite sont diffusés uniquement pour une écoute en ligne.
[mks_pullquote align= »left » width= »250″ size= »22″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]« Un média qui sollicite notre attention mais qui est multi-tâche »[/mks_pullquote]
Et donc ça les libère totalement de la ligne éditoriale d’une grille de radio par exemple, et ça permet d’intégrer aussi des nouveaux entrants qui sont des studios de podcasts indépendants (Binge audio, Nouvelles écoutes, Louie Media, BoxSons etc…) ou des podcasteurs indépendants .
Et autant il y a 15-20 ans il y a eu une ruée sur le blog au début d’internet autant on a l’impression aujourd’hui qu’on a une ruée sur le podcast. Pour plein de raisons en fait… on se rend compte que notre temps d’attention monotâche est limité, l’avantage concurrentiel du podcast sur tous les autres contenus c’est que c’est un média qui sollicite notre attention mais qui est multi-tâche. C’est à dire que je peux l’écouter et aller faire du sport, dans les transports, faire mes courses, de la cuisine, le ménage… même pour certains ils l’écoutent en travaillant en fonction du travail que l’on fait ça peut parfois aider à soutenir l’attention.
Comment vous est venue cette idée de créer le festival ?
Hé bien en prenant le RER 2h par jour et en préparant mon premier marathon (rires). Non mais parce que en fait moi mon métier c’est Prof de Philo. J’enseigne depuis une quinzaine d’années, par ailleurs je suis chroniqueur à France Inter, donc avec un goût pour le média, pour la radio, pour l’audio etc… Et puis dans les années 2000-2010 j’ai pas mal travaillé sur les séries télé, sur l’émergence de ce nouveau genre de récits qu’étaient les séries télés. J’en ai fait 2 livres, des livres d’analyse un peu philosophique de séries et j’ai donc un grand intérêt pour les histoires, la manière de raconter des histoires… et puis j’ai croisé ça avec un changement de rythme de vie dans lequel je passe plus de temps dans les transports et où je me décide à faire du sport et courir longtemps et du coup j’ai eu du temps pour écouter… Et là je tombe dedans et je découvre en fait une nouvelle manière de raconter des histoires, je découvre des histoires que je n’ai entendu nulle part ailleurs et surtout pas à la radio dans laquelle je travaille qui pourtant est une très bonne radio mais ces histoires là passent sous le radar… et puis je découvre aussi des jeunes créateurs, des jeunes auteurs, des jeunes qui ont du talent… Pour moi il y a une révolution qui est presque aussi prometteuse que ce qu’on a appelé le gonzo journalisme dans les années 70 avec tout d’un coup l’incarnation, l’arrivée de la subjectivité… voilà on est sur une vraie révolution du récit, il y a une nouvelle frontière du récit qui est en train de se franchir.
[mks_pullquote align= »right » width= »250″ size= »22″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]« Une vraie révolution du récit »[/mks_pullquote]
Aussi bien dans le récit du réel, dans une perspective où il s’agit de documenter le réel, de nous emmener dans des territoires où on ne va pas d’habitude, que dans la fiction ou même dans la manière de recueillir la parole d’invité dans des talks avec les podcasts de conversation où d’un coup on se rend compte qu’il y a plein de gens qui ont plein de choses passionnantes à dire et qu’on ne les entend pas dans des médias traditionnels (des jeunes entrepreneurs, des militants, des intellectuels différents, des artistes, des gens qui font vivre leur quartier par des initiatives intéressantes).
Et voilà c’est ce qui m’a absolument convaincu et donné envie.
Alors je suis pas tout seul. Je suis avec un ami journaliste qui s’appelle Pierre Sérisier (Directeur artistique du Paris Podcast Festival) que j’ai rencontré en travaillant sur les séries. Et en en parlant tous les deux on s’est rendu compte qu’on étaient tous les deux convaincus de la pertinence narrative de ces nouveaux contenus, qu’on étaient aussi assez impressionnés par la qualité des auteurs et des écritures. Et un peu forts de notre expérience suite à la reconnaissance de notre travail sur les séries télé en France on s’est dit : Voilà si nous, à notre niveau, nous qui ne sommes ni créateurs, ni podcasteurs etc… si on veut essayer d’accompagner cette nouvelle culture de l’écoute hé bien pourquoi pas un événement qui permette de valoriser le travail des auteurs et de faire se rencontrer les auteurs et le public.
Oui parce que c’est pas facile de choisir aussi parce qu’il y a beaucoup beaucoup de podcasts…
Exactement et aujourd’hui il n’existe pas de curation régulière, de recommandation régulière, de travail d’analyse, de sélection de ces contenus et c’est ce qui nous a conduit à envisager une compétition officielle qui a pour effet, non seulement de récompenser le travail etc bien entendu, mais aussi de proposer une première sélection de 25 podcasts de grande qualité à découvrir.
C’est vrai qu’aujourd’hui ce qu’il manque peut être c’est un outil qui répertorie tous les podcasts existants. Parce que ça n’existe pas vraiment encore. Il faut sûrement que ça s’organise mais ça manque peut être un peu… Enfin il y a du pour et du contre à l’organisation remarquez…
[mks_pullquote align= »left » width= »250″ size= »22″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]« Aujourd’hui on est dans quelque chose qui est très enthousiasmant parce que c’est très frais, c’est une croissance spontanée, un jardin au printemps quoi ! »[/mks_pullquote]
En fait aujourd’hui on est dans quelque chose qui est très enthousiasmant parce que c’est très frais, c’est une croissance spontanée, un jardin au printemps quoi ! C’est pas encore totalement verrouillé par des logiques très commerciales, très publicitaires, très industrielles. Il y a des choses qui se dessinent bien sûr mais on est encore dans une forme de fraîcheur. Par exemple ces derniers mois la dernière sensation qui se détache en podcasts c’est une jeune femme qui s’appelle Anouk Perry et qui, il y a 10-12 mois était encore très peu connue, confidentielle, et là en l’espace de quelques mois, à travers ses dernières productions, tout d’un coup elle explose, elle est signée par des studios (Nouvelles Écoutes), Arte radio produit un de ses documentaires… Tout d’un coup voilà il y a des petites étoiles qui passent et qu’on trouve extrêmement sympathiques, dont on adore le ton et ça c’est extrêmement frais, extrêmement enthousiasmant.
Et alors pour en revenir au Festival quel est le but du Paris Podcast ?
Hé bien justement, pour certaines personnes ça a été difficile à comprendre au début, nous en tant qu’organisateurs on n’a aucun agenda, on n’a aucun intérêt derrière etc. Notre grand plaisir c’est de valoriser ces auteurs et de faire se rencontrer ces auteurs et le public. Voilà. Nous derrière on ne va pas lancer de podcasts, on vend rien… Tout est gratuit. On ne fait pas d’argent. Nous ce qu’on veut c’est faire exister cette façon culturelle. On y travaille depuis 18 mois avec juste le plaisir de faire exister la chose.
Mais justement vous parlez d’argent. Comment font, financièrement, tous ces créateurs pour faire vivre tous ces podcasts ? Tous ces auteurs fournissent un travail, une créativité incroyable, de l’énergie… et j’imagine qu’ils sont peu ou pas rémunérés étant donné qu’il n’y a pas de système derrière en fait non ?
Alors le système est en train de s’organiser. En fait aujourd’hui c’est un système qui s’organise de manière vertueuse. C’est à dire qu’au départ effectivement, on se lance et puis plus il y a des gens qui écoutent plus on a une audience plus cette audience on peut la valoriser et donc plus ça intéresse des financeurs et s’il y a de l’argent du coup on peut davantage créer avec plus de qualité donc on offre encore mieux à son audience et donc on l’augmente.
Aujourd’hui il existe en fait 3 modèles de financement :
Le premier c’est un financement participatif ou collaboratif : on a une idée, on veut se lancer, on demande le soutien d’une communauté.
Le deuxième c’est un financement par des partenaires privés, par des marques, des sponsors… en fait ce sont des mécènes plutôt.
Et puis le troisième qui est celui de la production originale comme Nouvelles Écoutes qui produisent sur leurs fonds propres et qui se rentabilisent avec une présence publicitaire minimale.
Et demain il y a un nouveau modèle qui va émerger qui va repose sur 3 nouveaux piliers qui sont : une publicité beaucoup plus forte, un engagement de marque beaucoup plus fort, et des créations originales pour des plateformes qui seront en accès payant (modèle Netflix). Ça permettrait sans doute de rémunérer correctement les auteurs et de les reconnaître en tant qu’auteurs originaux avec des droits de diffusion.
Au sujet du Paris Podcast Festival vous avez envie d’en faire un rendez-vous annuel ou c’est juste une fois ?
[mks_pullquote align= »right » width= »250″ size= »22″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]« Une pratique culturelle, […] une nouvelle manière de raconter le réel »[/mks_pullquote]
Non bien sûr l’idée c’est d’en faire un rendez-vous annuel et que ça devienne LE rendez-vous des podcasts natifs et de l’audio digital, d’être très en veille sur les nouveaux formats qui émergeront parce qu’il y aura certainement des nouveaux formats qui émergeront chaque année. On aimerait aussi travailler sur des thématiques pour les prochaines éditions, de faire entendre des choix de plus en plus affirmés pour emmener le public vers des propositions peut-être pas toujours évidentes mais qui valent le coup. Et puis surtout de poursuivre ce rendez-vous pour valoriser le travail des auteurs. Le cinéma a ses rendez-vous, la littérature a ses rendez-vous et ses prix, le théâtre, la musique… Nous on est convaincus qu’on n’est pas que sur de la technologie mais sur une pratique culturelle, sur une nouvelle manière de raconter le réel donc on est convaincus que c’est un événement qui a vocation à se répéter, et à offrir aux auteurs et au public de nouvelles expériences.
Et l’accès au festival est ouvert à tous ?
Ah oui tout à fait. L’accès est libre et gratuit. Et pour ceux qui ne peuvent pas être présents au festival il faut savoir qu’il sera podcastable.
Pour finir j’ai une dernière question : Que diriez-vous à quelqu’un qui ne connait absolument rien aux podcasts pour lui donner envie d’en écouter ?
Je lui dirais que, aujourd’hui tout le monde est habitué à se poser la question : “Et toi tu regardes quoi comme série en ce moment ?” hé bien je pense que dans quelques mois tout le monde sera habitué à se poser la question : “Et toi t’écoutes quoi comme podcast ?” Et donc il peut prendre le train dès maintenant et être celui qui va poser cette question et ne pas être celui qui va l’entendre sans savoir ce qu’il faut comprendre. Et je lui dirais aussi qu’il va se faire du bien aux oreilles et l’activité qu’il fera en écoutant un podcast sera d’autant moins pénible. S’il est dans les transports ça va changer son quotidien, s’il court il va courir plus vite et plus longtemps, s’il fait ses tâches ménagères ça se passera tout seul… En fait je suis convaincu que ça enchante le quotidien. Et moi ça me suffit. Quelque chose qui enchante mon quotidien c’est quand même déjà super super bien ! J’ai pas besoin d’avoir des sensations fortes tous les jours.