Dans l’histoire de la musique, il y a toujours eu ceux qui ont bon goût, qui savent, et puis les autres. Mais il existe aussi des petites communautés en marge qui se foutent du bon goût, de l’avis du voisin. Même pas persuadés d’avoir meilleur goût que les autres, ils se foutent de tout ça et aiment la musique simplement pour ce qu’elle est. Ce qui, à mon sens devrait tous nous animer. Les fans de métal (et encore, je ne parle pas du métal sérieux, celui qui a une légitimité, type Sunn O))) ou Blut Aus Nord) ne se posent pas de question, non, vraiment, pas le temps…
Le nouvel album d’Iron Maiden arrivant à la rentrée et je l’ai écouté. Pas facile à placer dans une conversation mondaine ça: « Quoi, t’as écouté le dernier Maiden ? Oh la looooooooose ! ».
Sans avoir l’intention de réécrire l’histoire, Iron Maiden, c’est un mur complet de l’histoire du Heavy Metal. Apparu à la fin des années 70, le groupe va aligner des albums essentiels pour qui aime le style, ce type de métal un peu théâtral et grandiloquent, où, musicalement, on doit autant au métal qu’au prog rock. Peut-on aimer The Ex, Can, Sonic Youth, Tindersticks et autres, tout en aimant Iron Maiden ? Et bien moi, oui. Il faut dire que jusqu’à leur album Seventh Son Of A Seventh Son, j’étais un grand fan. Une erreur de jeunesse ? Peut-être. En attendant, même si après, je les ai un peu perdu de vue, ils ne sont jamais restés bien loin.
Du coup, la curiosité bien vive, je me suis rué sur ce nouvel album, attendu par les fans depuis cinq ans. Et bien comment dire. LA surprise. Certes, le groupe n’est pas et ne deviendra pas respectable au point de s’afficher dans les pages des journaux tendances. Maiden garde cette image de mecs en sueur avec un froc moule burnes et un monstre limite ridicule en arrière plan, mais tout cela fait partie intégrante du cirque heavy métal et c’est plutôt amusant.
Parlons donc musique. Tout d’abord, ce qui frappe le plus, c’est cette production atypique pour le groupe. Tout sonne sec comme un coup de trique (à part les quelques synthés en arrière plan), et ce choix amène une sorte de seconde jeunesse au groupe. On n’a plus l’impression d’entendre un groupe des années 80, mais bien un disque de l’année en cours. Ceci pour ce qui est de la production… Car pour le reste, et bien, rien ne change vraiment, Maiden fait du Maiden, mais personne ne lui en demande plus.
On retrouve les mêmes riffs, la même structure, les mêmes intros lentes, parfois murmurées, mais la bande à Steve Harris se permet quelques fantaisies rafraîchissantes. Ici une cowbell en intro, et là, sur le The Red And The Black, une intro à la basse (une six ou huit cordes à mon avis…). Il y a même quelques riffs étonnants, plus proches du rock’n roll que du heavy. Et puis, il y a aussi la voix de Bruce Dickinson. Pour beaucoup, cette voix reste un frein à l’écoute de Maiden. Lyrique, démonstrative, sa voix a toujours eu tendance à se prendre pour une voix d’opéra… Sauf que le monsieur vieilli et que ça s’entend. Il ne parvient plus à monter dans les hauteurs comme il le faisait auparavant. Il continue à pousser de longues plaintes dont il a le secret, mais dès que le ton monte trop haut, il est clairement en bout de course. Et bien, c’est pas plus mal, Dickinson est enfin un peu humain. Une faille dans le système et voilà qu’on se souvient qu’il n’a plus tout à fait l’âge de jouer les rebelles comme il le fait, mais ce n’est pas si grave.
Les morceaux sont dans l’ensemble assez réussis, il y a même quelques riffs et mélodies entêtants, clairement taillés pour les concerts. Comme toujours, le groupe ne sait pas faire court, et les titres dépassent allègrement les 6 minutes à de nombreuses reprises. Le morceau final va même jusqu’aux 18 minutes. Là, on arrive dans la partie délicate du disque. 18 minutes, pour du doom, du drone, c’est courant, mais pour du heavy métal, cela risque de vite paraître indigeste, et pour cause. Le titre démarre sur du piano, on va même y croiser quelques cuivres (timides, mais ils sont là), et il va prendre des formes différentes tout au long de péripéties improbables sur un texte toujours aussi drôle. Oui, drôle car soyons objectifs, on ne peut pas prendre au sérieux, en 2015, ces histoires de morts, d’enfer ou autres.
Rien de nouveau donc dans le monde de Maiden, si ce n’est que je trouve cet album, dans ce genre bien particulier, assez réussi. Leur meilleur depuis bien longtemps en tout cas. Une fois de plus, que vont en penser les « bien-pensants » justement ? Et bien, je m’en fous un peu à vrai dire car ce n’est pas ça la musique. Moi, je vais glisser cet album dans mon auto-radio et m’éclater dans ma caisse en allant bosser, sans me poser de questions, ni chercher de réponse. Maiden, ringard ? M’en fous. Maiden, ridicule ? M’en fous. Pour moi, Maiden, c’est une madeleine de Proust que j’aime suivre malgré les années qui passent, et encore plus lorsqu’ils signent, comme ici, un disque qui ne démérite pas, bien au contraire, et qui rappelle qu’avant d’être une bête curieuse vieillissante, pour les gens qui savent ce que c’est que la musique, c’est avant tout l’un des précurseurs d’un heavy métal bien particulier, qu’on aime ou pas, mais qui, contrairement à un bon nombre de styles de musique à la mode, existe toujours. Maiden Forever quoi.
Iron Maiden, The Book Of Souls, sorti le 4 septembre chez Parlophone.