[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]lors que l’hiver semble vouloir reprendre ses droits, après des journées caniculaires, été indien et douceur de vivre, un album semble résister à la sinistrose ambiante et de la part d’un Finlandais, c’est plutôt osé. Personnage énigmatique, inclassable, Jaakko Eino Kalevi a décidé le 12 octobre dernier, de nous emmener avec lui Out Of Touch, littéralement hors de portée, et pour en avoir fait l’expérience, il est bon parfois de s’éloigner de tous ces réseaux, de cette hyper sollicitation numérique quasi permanente, même si cela peut aussi être mal perçu, comme il le dit lui-même :
Everyone knows the meaning of out of touch and it usually has negative connotations, such as lacking the latest information. But to be out of touch can be the most ideal state.
Tout le monde sait ce que signifie être déconnecté et généralement cela à une mauvaise connotation, principalement à cause du fait de ne pas se tenir au courant de l’actualité. Mais être déconnecté semble être l’état le plus idéal.
Ainsi nous invite-t-il dans ses méditations du quotidien, entre souvenirs d’enfance, aventures nocturnes, rêves et rencontres fortuites, un retour sur soi nécessaire. Out Of Touch, cinquième album de Jaakko Eino Kalevi – enfin je pense, il semble difficile de tracer sa discographie finlandaise – trois albums chez Helmi Levyt, à Helsinki, et deux chez Weird World/Domino, dont le dernier, il y a deux ans, Jaakko Eino Kalevi, affirmant sa place de crooner venu du froid, élégance, nonchalance, une voix qui n’est pas sans évoquer un certain Bryan Ferry… souvenir d’un concert à l’Espace B, hypnotique !
On se souviendra aussi de Dreamzone, EP magique signant en 2013 sa place dans notre paysage musical, avec son univers fantasque, hors du temps, et ce titre No End, synth-pop contemplative, un bijou.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]U[/mks_dropcap]n album attendu depuis trois ans, même si Jaakko n’a pas chômé entre temps, collaboration avec David Byrne sur American Utopia (2018), un projet parallèle avec le groupe Man Duo, qui a sorti un album l’année dernière, Orbit, hautement recommandable.
C’est en 2017 qu’il compose et enregistre Out Of Touch, puisant son inspiration de son séjour à Athènes, mais pas seulement, et nous le verrons par la suite, son enfance, Helsinki, les impressions font aussi partie de cette bulle intemporelle. Partageant son temps entre Helsinki et Berlin, où il vit depuis 2014, ce nouvel album est l’occasion de travailler différemment. En effet, disposer d’un studio en permanence change les habitudes, il écrit et enregistre en même temps, dans une liberté totale puisqu’il est le seul maître à bord.
Multi-instrumentiste, il contrôle chaque partie musicale, du saxophone aux synthés. Notons quand même la participation de Jorja Renn (saxophoniste de Bryan Ferry), sur le morceau People In The Centre Of The City, les featurings de Kari Jahnsen (Farao), et le producteur Ami Sami Toroi au mastering… pour le reste, le génie de Jaakko ne laisse pas place au doute.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]P[/mks_dropcap]remier single, Emotions In Motion, première impression, ce clip, étrange… mais que fait Jaakko dans ce marché à tâter tous ces fruits et légumes… tourné en plein cœur de Belleville. L’histoire nous dépeint un Jaakko escroc, gentleman cambrioleur, il n’y a rien à comprendre, juste se laisser entraîner dans ses histoires rocambolesques. Le refrain est un clin d’œil à ses deux plus grandes peurs enfantines, les junkies et les extraterrestres – rien à comprendre donc, quand on a un imaginaire aussi fertile, se déconnecter ne semble pas poser problème – You were afraid/Of junkies and aliens /But that is no more, ce n’est plus, la nostalgie de la jeunesse et de ses croyances est bien palpable.
Mais l’emballage sonore nous rappelle que la nostalgie peut être belle quand on sait prendre le temps, la teinte 80’s est toujours là, avec ces synthés cosmiques, ce son de sax comme passé à la moulinette, on a bien envie de se laisser entraîner dans cette émotion en mouvement, ça sonne comme du Ariel Pink, en plus dingue… ? Ça se discute !
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]Q[/mks_dropcap]uoique… second single, People In The Center Of The City, si je vous dis que le refrain est directement inspiré d’un autre souvenir, de son autre vie de chauffeur de tramway à Helsinki, j’imagine qu’il a dû en passer du temps à observer ses pairs. L’anecdote fait appel aux souvenirs olfactifs, ces passagers qui mettaient tellement de parfum que le tramway exhalait leurs effluves, People in the center of the city/Smell so good… absurde, assurément, mais la vie ne l’est-t-elle pas ? La mélodie à la limite de la ringardise, comme du Modern Talking qui aurait bien vieilli, c’est dire, et pourtant j’adhère, sans oublier le clip, et ses danses voguing, nous y sommes !
Dès l’ouverture de l’album, il nous emmène dans ses souvenirs, China Eddie, ou comment il l’a aidé à retrouver son chemin à Athènes après une soirée dans un bar, China Eddie/You showed me the way to my home, teinté de soleil et de lounge, nous suivons le chemin de Jaakko fait de rencontres et de constat.
Outside, encore une histoire de rencontre et les mots d’un inconnu griffonnés sur un papier, Outside/Opening your senses, morceau le plus contemplatif de l’album, comme une forme de méditation, l’ambiance est chaude et sensuelle, un appel à sortir de nous-mêmes, à se tourner vers le monde extérieur…
This World, troisième single, explore quant à lui, les désillusions d’un monde qui ne tourne pas rond, Everyone seems to be doubting this world, il nous livre son message de façon directe, le karaoké, ironie puisque chacun peut chanter en même temps que lui, un message qui semble universel, sacré Jaakko… difficile de ne pas chercher du sens dans les digressions de l’artiste, il nous balade d’un état à un autre, avec un sens de la mélodie imparable, que celui qui n’a pas le bout du pied qui frétille en l’écoutant se dénonce !
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]À[/mks_dropcap] ce stade, je me dis qu’il est temps que je mette un point final, car je pourrais me perdre en digressions encore un moment tant la richesse du monde de Jaakko Eino Kalevi semble infinie, alors Out Of Touch, c’est une question de point de vue, le moins que l’on puisse dire c’est que le garçon aime la vie et sait prendre le temps d’en profiter, de Night Chef, I always take the time, à Conceptual Mediterranean (Part 1), cette rythmique tropicale, j’ai bien envie de tout plaquer pour profiter de cette douceur de vivre.
La vie comme ces gâteaux de la fortune, Fortune Cookie, une vie de hasard, en se demandant constamment si nous avons fait le bon choix et pourtant il faut savoir choisir, How can I decide?/ When the moment comes/Take the one from the right, c’est aussi simple que ça !
Et cette berceuse finale, Lullaby, déstructurée, mélancolique, la production est grandiose, ultime contemplation teintée d’espoir.
Pour finir, je laisserai la parole à Jaakko Eino Kalevi :
You don’t always have to be in touch with the feed. To be out of touch is to switch off, to not follow, to be in touch with the essential and the blissed out.
Vous n’avez pas toujours besoin d’être connecté avec le flux. Etre déconnecté, c’est couper, ne plus suivre, être connecté avec l’essentiel, la plénitude.
À bon entendeur !
Jaakko Eino Kalevi, Out Of Touch
disponible en vinyle doré édition de luxe accompagné d’une BD dessinée par Jyrki Nissinen (exclusivité Dom Mart), en vinyle standard, CD ainsi qu’en digital.
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