Les amateurs de coopération et de stratégie vont être ravis ! Ceux qui aiment trahir également ! Cerbère, succès ludique que l’on doit à Pierre Buty, est réédité dans une boîte plus compacte, optimisée pour moins de vide et donc plus respectueuse de l’environnement. En plus d’une taille réduite, le prix est également plus doux, ce qui fait donc deux bonnes raisons pour convaincre les joueurs soucieux de leur empreinte carbone et leur budget. Néanmoins, ce jeu conserve sa recette de jeu captivante et aussi bien pensée que dans son édition précédente.
Le principe du jeu ? Vous incarnez des âmes perdues qui tentent d’échapper aux griffes de Cerbère, le chien à trois têtes, pour rejoindre une barque et atteindre les rives du Styx. Vous devrez jouer des cartes pour avancer vers votre objectif. Mais attention, tout n’est pas aussi simple. Même en étant un groupe de coopérateurs, la tentation de trahir les autres pour prendre une place sur l’embarcation est omniprésente. Car la fameuse barque ne contient pas assez de places pour accueillir tous les joueurs.

La problématique centrale du jeu résidera donc dans le choix du momentum. Quand trahir, donc ? Si c’est trop tôt, Cerbère ne fera qu’une bouchée de votre bande mais si c’est trop tard, vos compagnons vous auront soufflé les dernières places sur la barque de la délivrance. Sans spoiler toutes les mécaniques, les renversements de situation sont nombreux mais ne génèrent pas de chaos. A l’inverse, ils contribuent à des rebondissements permanents, rendant chaque partie unique.
L’aspect semi-coopératif de Cerbère le place dans une catégorie à part, où l’on ne lui trouve guère que Galerapagos comme cousin éloigné. Dans ce dernier, les joueurs doivent aussi coopérer tout en étant poussés par la tentation d’agir pour leur propre intérêt. Cerbère est néanmoins plus intéressant car il pousse cet aspect encore plus loin. La traîtrise est non seulement autorisée, mais presque inévitable. Et vous pouvez même être amenés à incarner Cerbère lui-même pour courir après vos anciens partenaires d’aventure.
Le jeu peut se jouer jusqu’à 7 joueurs et, à mon sens, il faut d’ailleurs être au moins 5 pour que l’expérience de jeu soit optimale. Avec une assemblée d’au moins 5 joueurs, les alliances se forment et se défont à chaque tour, à mesure que la situation évolue et que la pression de Cerbère se fait plus forte. Plus il y a de participants, et plus l’effet de surprise sera grand lorsque les trahisons arriveront et modifieront les compositions des équipes.

Et l’éthique, alors ? Pourquoi prendre du plaisir à trahir ? Mais précisément car un jeu de société permet de jouer un rôle, d’expérimenter des postures que nous n’aurions pas envie d’adopter dans la vie réelle. C’est là tout l’effet cathartique d’un jeu ! Vous m’accorderez probablement qu’il vaut mieux trahir autour d’une table de jeu lorsque les règles le permettent plutôt que lorsqu’un ami est dans le besoin.
Cerbère permet donc cette expérience contre-intuitive. En jouant à se trahir, l’ambiance est exaltée et, si votre groupe d’amis est sain, les liens s’en trouveront renforcés. Parfait pour l’apéritif, Cerbère propose néanmoins de réelles stratégies avec l’optimisation des cartes mais aussi l’anticipation des mouvements, le bluff et le contre-bluff lors des moments-clés. Difficile de dire où cette partie vous mènera. Et quelques jours après votre partie, vous ne vous rappellerez sans doute même pas du vainqueur. En revanche, vous vous rappellerez à coup sûr des plus beaux retournements de situation et d’une ambiance survoltée autour de la table. Testez-le !



