John Grant écrit des chansons douces-amères, pleines d’humour pour certaines, autobiographiques, désabusées et d’une beauté à faire frémir.
John Grant est doté d’une voix profonde que ses amis de Midlake n’ont pas voulu laisser sur le bord de la route lorsque les Czars, dont il était le chanteur, ont splitté en 2006. Ils s’attelleront à le remettre en selle en l’accompagnant dans la réalisation de Queen Of Denmark, son premier album solo, après les années d’errance qui ont suivi la fin de l’aventure collective. Le chanteur y raconte ses addictions passées et les affres de ses relations amoureuses. Le mélange de poésie subtile et de sentiments très terre à terre, sur des instrumentations somme toute classiques, transpirent la mélancolie.
Avec le superbe Marz, le succès arrive. John Grant part s’installer en Islande et y fait la connaissance de la scène locale. C’est avec un membre de GusGus qu’il élaborera son second album, Pale Green Ghosts, tout aussi personnel, mais avec des sonorités électro. Bénéficiant des chœurs de Sinead O’Connor, qui avait repris son Queen Of Denmark, l’album gagne en modernité et en ampleur, sans perdre de sa sincérité et de sa profondeur.
Si son homosexualité et sa séropositivité ne sont un secret pour personne, les situations qu’il décrit dans ses chansons et les émotions qu’il transmet sont quant à elles universelles et concernent tout un chacun.
Par la suite, John Grant a participé au succès international de l’islandais Asgéir en traduisant ses paroles en anglais. Puis il a participé au dernier album d’Hercules & Love Affair, toujours dans la mouvance techno-dance.
C’est donc avec une certaine surprise que nous avons accueillie la nouvelle de sa mini tournée anglaise avec le BBC Orchestra.
Comment allait-il inscrire son œuvre dans un traitement si spécifique ?
Exercice périlleux que de reprendre son propre répertoire pour le revisiter en y versant la grandeur d’une orchestration philharmonique. Il ne faut pas craindre l’écueil du trop-plein de puissance, le risque d’être noyé par l’effervescence qui se dégage des cordes, des cuivres, des bois et percussions …
John Grant parvient ici à se fondre dans la masse. Une force tranquille et naturelle qui révèle la stature d’un artiste venu charmer son public. Au programme : Finesses et montées en puissance !
It doesn’t matter to him ouvre le bal majestueux avant que les vocalises de Sigourney Weaver (le titre, pas l’actrice) ne s’emparent de l’espace et l’imprègne de sa grâce.
Les titres s’enchainent dans cette captation brute qui évite à la fois le piège du montage abscons et des arrangements sirupeux. Ici les chansons s’embrassent (s’embrasent) et laissent filer le temps … Moments en suspend … Bien entendu on retrouve Marz, morceau de choix évoqué précédemment, mais aussi Fireflies tout en émotion fragile derrière un piano qui vient calmer nos esprits chagrins.
Le pouvoir évident alors de John Grant d’adoucir nos mœurs, sa voix de velours parfaitement adaptée aux mouvements classiques et classieux offerts par celles et ceux venus pour l’occasion (Where Dreams Go To Die).
On pourrait alors user du dictionnaire des synonymes dithyrambiques pour évoquer les plages cosmiques qui s’immiscent dans les partitions de cet album suintant d’une sincérité solennelle.
Il est alors impossible de ne pas fermer les yeux et se laisser porter par la densité contenue de Glacier, autre occasion de songer au crooner Neil Hannon dans cette manière de poursuivre l’aventure d’un songwritting parfaitement ciselé et interprété …
Décor en cinémascope sur les noirceurs à la fois orchestrale et technoïdes de Pale Green Ghost … Une fusion exquise pour un titre qui vient redonner du souffle à une setlist qui commençait à tomber quelque peu dans l’ennui.
La performance peut alors se déployer pour un bouquet final tout aussi subtil (You don’t have to) que prenant (Drug) et survolté (Queen of Denmark pour l’estocade)
On aurait pu craindre le pompeux, l’outrancier et le grandiloquent. On aurait pu craindre le vautrage dans le mièvre. On aurait pu craindre de perdre le rythme. Les craintes seront écartées d’un revers de vocalise, dans les rythmiques rock ou synthétiques.
L’unité du registre et la cohérence de l’humeur font de cet album live le parfait compagnon pour les longues nuits d’hiver (avec ou sans le feu de cheminée) et alors que la tempête de neige s’abat sur l’île d’adoption du grand barbu, c’est une certaine magie qui plane sur nos têtes à l’écoute de ce folk-rock élégant magnifié ici par une texture des plus adaptées. Belle revanche de la vie pour celui qui indéniablement a su retrouver la quiétude… Pour celles et ceux qui voudront prendre l’exemple, on connait désormais le chemin.