[mks_dropcap style= »letter » size= »83″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C’[/mks_dropcap]est lorsqu’elle s’affranchit de ses codes et de ses limites que la musique se fait souvent la plus passionnante. Et c’est la plupart du temps lorsqu’elle se confond dans un melting pot culturel que des courants apparaissent, que les nouveautés se dévoilent.
[mks_dropcap style= »letter » size= »83″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]J[/mks_dropcap]oxfield Projex & Ryoko Ono ont sorti cette année un album qui se démarque de ses références. Tout commence sous des auspices pour le moins hostiles rappelant Merzbow et ses murs soniques, et une rythmique électro et répétitive donne presque à taper du pied. Certes, les contours du disque n’appellent pas au Dance Floor, mais l’on se surprend à penser à quelques vieilles gardes de la new-wave. Bien vite, cette rythmique enfumée et ce décor froid comme une coursive oubliée vous entraînent dans un monde inquiétant.
Si la rythmique ne veut visiblement pas se départir de sa structure binaire, l’arrière-plan lui, ne cesse d’évoluer, de se mouvoir, de ramper en langueur. La saxophoniste Ryoko Ono fait son apparition au bout de quelques minutes, mais n’apporte pas pour autant de chaleur à la décoration. Le saxophone souffre depuis bien longtemps d’une image mièvre, systématiquement synonyme d’envolées lyriques populaires et dégoulinantes de bon sentiments. Ce serait tout de même oublier un peu vite les grands noms qui ont traversé l’histoire de cet instrument, notamment dans le jazz.
Imaginez un peu Coltrane ou Dolphy lors d’une rencontre au sommet avec la partie la plus électro de Nine Inch Nails et Yellow Swans. Ryoko Ono inflige des zébrures déchirantes à cette musique qui tournoie au-dessus de vous sans cesse, comme une ronde indienne qui n’en finit pas.
[mks_dropcap style= »letter » size= »83″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]R[/mks_dropcap]ed To Red qui donne son nom à l’album marche sans fin pour une destination inconnue mais avec la conviction que la réponse est au bout du voyage. Puis vient Unexplored Territories, second titre de cet album qui n’en compte que deux.
Ici, le chemin et le paysage qui l’entoure sont totalement différents. En effet, impossible de savoir où l’on est. Les références restent les mêmes, mais la suppression d’une rythmique change toute la donne et retire à cette musique précieuse et solide à la fois le peu de rambardes qu’elle possédait. Si dans sa première moitié, le disque était structuré, répétitif, ici tout explose.
Abandonné le vague lyrisme, déchiqueté le périmètre de sécurité, les nappes s’entortillent, se superposent, et aux sons électroniques des vapeurs narcotiques s’ajoutent peu à peu des coups de bravoure d’un saxophone free jazz. C’est là tout la singularité de l’album : un saxophone free et parfois hystérique, extatique, et la lenteur des sonorités qui s’assèchent peu à peu, flirtant ici avec Tangerine Dream et quelques autres références ambiant peu accueillantes.
L’ensemble est recouvert d’étranges ressacs bruitistes qui évoquent des vagues revenantes sans eau, ne charriant plus que du sable pour un relief de fin du monde. En quelques minutes, tout le travail de construction de la première face est anéanti au profit de couleurs ternes et moroses, vous amenant dans une ambiance fascinante et délavée.
Les sons qui roulent et se terrent aux creux des recoins se retirent un à un pour ne plus laisser que quelques traces sonores, dispensées ça et là, renforçant alors le sentiment d’abandon, de solitude, face à un disque qui pose une ambiance au même titre qu’une musique et qui soulève l’étonnement questionnement durant 40 minutes : Où suis-je ?
Red To Red est disponible chez Bam Balam Records
Site de Joxfield Projex – Site de Ryoko Ono