[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]E[/mks_dropcap]toile (nom féminin, du latin stella) : astre doué d’un éclat propre, dû aux réactions thermonucléaires dont il est le siège (définition Larousse.)

Il n’y a pas meilleure introduction pour parler du deuxième album de la douce foldingue Klô Pelgag. Intitulé L’étoile Thoracique, la pochette pleine de couleurs signée Ludovic Debeurme est déjà promesse d’un voyage poétiquement farfelu. Si vous ne connaissez pas ce petit lutin québécois, une présentation s’impose.
Klô Pelgag, de son vrai nom Chloé Pelletier-Gagnon, est née en 1990 à Saint-Anne-des-Monts, en Gaspésie. Depuis son adolescence, elle écrit et compose des chansons, d’abord au piano, puis plus récemment à la guitare. Inspirée par l’art et les humains, elle s’est très vite faite remarquer dans le milieu musical en remportant de nombreux prix tels que le Prix Félix en 2014, ou le Prix Barbara en 2015.
Capable de se déguiser en part de pizza ou en avocat sur scène, Klô écrit des chansons acidulées au fond souvent sombre, superbement orchestrées grâce à l’aide de son frère Mathieu Pelgag. Son premier album, l’Alchimie des Monstres, est probablement celui que j’ai le plus écouté depuis 2014. Fou, romanesque, imagé, drôle, émouvant, cet ovni m’avait totalement ensorcelée (jetez une oreille aux deux morceaux ci-dessus.). L’étoile Thoracique est son digne successeur. En un mot, magistral.

Toujours accompagnée par son frère, elle a en effet su créer une véritable œuvre musicale. Ses textes sont toujours aussi fantasmagoriques, et ses mélodies aériennes sont cette fois-ci soutenues par un orchestre plus imposant.
Samedi soir à la violence, morceau mélancolique mais très entraînant sur la maladie d’Alzheimer, est le premier titre/clip qui a été dévoilé au public.
Il introduit l’album composé de treize chansons aux titres beaux comme un ciel étoilé (Les ferrofluides-fleurs, Le sexe des étoiles, Au bonheur d’Edelweiss, Les animaux, Chorégraphie des âmes …) Car Klô Pelgag, c’est avant tout de la pure poésie. Un univers unique où se mêlent la maladie, l’amour, les animaux, les fleurs, la folie… Elle a ce don incroyable de rendre le quotidien surréaliste et la laideur jolie.
L’orchestration est encore plus riche que pour l’Alchimie des Monstres. Les cordes, les cuivres, la batterie, le piano – toujours – accompagnent sa douce voix qui souvent caracole dans des envolées ailées, nous transportant dans un monde où les avions dans le ciel font l’amour en voyage (magnifique Les instants d’équilibre.) Les textes magico-dramatiques nous font traverser des paysages fantasques, des plaines célestes et des champs – chants – chimériques, avec une récurrence pour certains mots, comme « ange » et « violence » dans cet album.
Dans ses entrevues, Klô précise d’ailleurs lorsqu’on lui demande ce qui l’inspire, que les mots qu’elle aime (« éprouvette » par exemple) ont une place majeure dans son processus de création. Sûrement est-ce lié à la sonorité et à l’imaginaire qui en ressort, et autour desquels elle peut tisser de merveilleuses histoires lunaires. Incendie, ballade amoureuse, parle ainsi de la passion :
« Tu me demandes la vérité, je t’aime toujours même quand je dors et ton odeur est mon parfum […] Tes mains sont tombées sur ma tête, tu veux me changer les idées. Tu dis que mes cheveux de Bengale sont un bel incendie. Tes mains s’envolent sur mon ventre, attention à l’atterrissage, tes mains découvrent mon visage […] »
Les mains d’Edelweiss, cela peut être le récit d’une jeune fille au mal-être vivace, personnifiée par la fleur des montagnes (ses autres noms étant l’étoile d’argent ou l’étoile des glaciers, tout se recoupe…). Qu’en est-il, le texte est simplement brillant.
« Edelweiss tu as peur de tout tu te lèves dans le bain de tes larmes, Edelweiss je t’attendrai demain au coin de la rhubarbe. Edelweiss tu as peur de toi tu veux me montrer tes armes blanches, Edelweiss je ne voudrais pas que tes main touchent la peau des anges […] »
Avec Insomnie, elle vous cloue dans la tête un air indélébile et des mots lancinants :
« Tous les soirs sur la plage, l’eau me ramène au rivage. Plus je me noie j’y arrive, la nuit me ment pour en finir avec moi. Insomnie, tu manges ma tête même le jour ne passe plus la fenêtre. Tout me mène à la violence, ma tête est une arme blanche. La nuit me nargue en silence, coup de couteau dans les branches. La nuit me jette ses cendres, je touche la peau des anges […] »
Elle conclut l’album avec Apparition de la Sainte-Etoile thoracique, ambitieux morceau de dix minutes. Deux notes persistent, vous rendant presque dingue, jusqu’à ce qu’au bout de la quatrième minute apparaissent les cordes, le piano, l’orgue et le xylophone. C’est à partir de la septième minute que tout prend sens. Je n’en dis pas plus, à vous de vous laisser transporter par L’étoile Thoracique (sortie en France le 3 février). Un indice : la saison préférée de cette Sainte-Etoile, c’est l’automne.