[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]N[/mks_dropcap]ous sommes dans la nuit du 27 au 28 novembre 1972. Dans sa cellule de la prison de la Santé, Roger Bontems est sorti de son sommeil par deux gardiens. Dans quelques instants, celui qui n’a pas tué mais a accompagné le dénommé Claude Buffet dans sa folie meurtrière, sera guillotiné. Son avocat, Robert Badinter, n’a rien pu faire contre cette décision inique. Ainsi va la vie. Ou plutôt, ainsi va la mort. De cette sanction tragique et barbare, Badinter ne se remettra pas. Pour lui commence dès lors un parcours du combattant. Son objectif : supprimer la peine de mort en France. « L’abolition » (Glénat) de Malo Kerfriden (au dessin) et Marie Gloris Bardiaux-Vaïente (au scénario) raconte sobrement ce pan d’histoire de la justice française.
Réalisé en bichromie, l’ouvrage mêle des séquences d’actualité – où l’on voit le président Mitterrand nouvellement élu face à ses promesses de campagne – et des flashback qui racontent comment le jeune Badinter a échappé aux Nazis. Son père n’eut pas cette chance. Il mourut au camp d’internement de Drancy.
Plus tard, lors du procès de Klaus Barbie, l’ancien chef de la Gestapo lyonnaise à l’origine de la rafle du 9 février 1943 (au cours de laquelle fut emmené Badinter père), des témoins racontent que 86 autres personnes ont été arrêtées ce jour-là. Devant tant d’horreurs, la bande-dessinée nous montre un Robert Badinter qui cède à l’émotion mais pas à l’indicible : « Pour lui non plus (Klaus Barbie), la sanction capitale ne devait pas être possible. Il ne doit jamais y avoir d’exception ».
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Cette force de conviction ne lâchera jamais l’avocat. Ainsi en témoigne « L’abolition », qui traite d’un sujet éminemment difficile et sensible sans jamais renier au postulat de départ : la peine capitale, c’est la mort, pas la justice.
La BD se lit d’une traite, tant elle nous offre de plonger dans les coulisses des débats politiques sur le sujet et de redécouvrir les grandes séquences du combat de Badinter. Celui-ci se fondera notamment sur une victoire : la réclusion criminelle à perpétuité accordé à Patrick Henry, kidnappeur et meurtrier d’enfant, plutôt que le couperet de la guillotine. On suit ainsi l’enlèvement du petit Philippe Bertrand, l’enquête du commissaire Pellegrini, les dénégations d’Henry que pourtant tout accuse, son interview sur TF1… Et la bande-dessinée n’omet pas de raconter, en filigrane, combien le combat de Robert Badinter fut difficile dans ce contexte de médiatisation. Mais le futur garde des Sceaux ne lâcha pas le morceau. Débats passionnés, discours au Sénat, références multiples à l’abolitionniste que fut Victor Hugo…
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L’ouvrage se révèle très instructif et demeure aussi un acte militant, porté entre autres par la scénariste de la BD, Marie Gloris Bardiaux-Vaïente, dont la thèse de doctorat porta sur l’histoire de l’abolition de la peine de mort. En effet, en tant que négation de la dignité humaine, la peine capitale demeure toujours en vigueur dans nombre de pays tels que l’Iran, l’Arabie Saoudite, l’Irak et le Pakistan (84 % des exécutions se concentrent dans ces 4 pays – source : Amnesty International).
L’abolition – Malo Kerfriden et Marie Gloris Bardiaux-Vaïente
Glénat – 27 février 2019