[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#dd3333″]L[/mks_dropcap]a Mezzanine d’Anne-Marie Albiach est l’unique roman dans l’œuvre incontournable mais malheureusement méconnue de cette poète française morte en 2012. Claude Royet-Journoud et Marie-Louise Chapelle, en le publiant dans la collection La Librairie du XXème siècle aux éditions du Seuil, dévoilent une nouvelle facette de son œuvre et permettent la découverte d’un roman schizophrénique à la beauté troublante parlant de la folie.
C’est un roman inachevé ou plutôt une œuvre qui ne se construit que par sa lecture. Réunissant trois cahiers et un texte intitulé La Mezzanine, son inachèvement n’empêche pas une lecture envoutée. L’ensemble, écrit durant l’automne 1982, est un journal intime où le « je » se divise en trois personnages pour produire un roman. Anne-Marie Albiach l’écrit et le revendique : elle veut de la fiction comme l’entendait Borges. À la fin du troisième cahier, elle écrit « Claude crois-moi, ce n’est pas une plaisanterie… C’est un roman policier ». Anne-Marie se dévoile à travers deux doubles : Catarina Quia et Anna-Lisa.
Sous-titré Le dernier récit de Catarina Quia, l’écriture semble aller vers la fiction, vers un roman intemporel. Un dernier récit qui est en fait un roman à énigmes, qui ne laisse entrevoir que son désir d’être. Le récit de la folie, qui mènera vers un séjour en hôpital, se veut désengagé de l’intime. Le roman se réalise dans la dernière partie intitulée La Mezzanine, espace autant que nom de l’œuvre pré-écrite. Mais jamais de cette trinité Albiach /Catarina Quia /Anna-Lisa ne viendra se départager une seule identité. Nous sommes à la fois dans l’intime et dans le fictif, l’œuvre se construisant par la lecture.
L’écriture d’Anne-Marie Albiach est sensible. Il y a des moments de fulgurante beauté où l’on se repose en confiance de la violence sur la souffrance exprimée. La publication de ces écrits les désenclave d’un intime. On ne lit pas l’inachèvement mais un roman exprimant sa force au fil des pages. On l’inscrirait dans une littérature de la folie, de l’expression de l’être dans son ensemble, corps et esprit, souffrants, attirés et attirants. Jacques Roubaud écrit en préface du livre « Un roman durable est une œuvre riche en mystères. Comme celle-ci ». Les mystères de ce roman ne semblent pas étrangers, mais familiers des nôtres.
La Mezzanine, le dernier récit de Catarina Quia d’Anne-Marie Albiach
Préfacé par Jacques Roubaud
Publié au éditions du Seuil, le 2 mai 2019