[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D'[/mks_dropcap]abord, quel plaisir de retrouver Jean-Paul Dubois après tant d’années de silence, après un dernier livre Le cas Sneijder, tellement réussi.
C’est donc le plaisir qui domine les premières pages. Je retrouve Dubois tel que je l’aime, avec ses personnages nommés Paul, avec ses histoires de famille si compliqués, avec cette nostalgie qui lui colle à la peau, avec ce style inimitable, ces phrases chocs :
« Le plus étrange, c’est que la mort traversa à plusieurs reprises notre maison et les survivants s’en aperçurent à peine, la regardant passer comme une vague femme de ménage. »
Petit à petit un sentiment différent apparaît. Dubois est plus triste qu’à son habitude. La mort est omniprésente. Dans la famille de son nouveau double, Paul Katrakilis, le grand-père, la mère et son frère et enfin le père se sont suicidés. Sans raison apparente. Paul doit vivre avec cela. La fuite a été son option. La fuite et la cesta punta, ce jeu de balle basque qu’il va exercer en tant que professionnel, en Floride malgré son diplôme de médecine. Les années heureuses ne seront pas nombreuses dans la vie de Paul. Il nous prévient d’ailleurs dès les premières lignes.
« Ce furent des années merveilleuses. Quatre années prodigieuses durant lesquelles je fus soumis à un apprentissage fulgurant et une pratique intense du bonheur.»
Nous suivons les aventures de Paul, en Floride puis de retour à Toulouse, son histoire d’amour intense avec une femme plus vieille que lui, le chien qu’il recueille dans les eaux du port et qu’il sauve, son amitié avec un autre joueur de cesta punta et sa famille qui le rattrape.
« A cet instant j’aurais aimé l’avoir près de moi, pour courir avec lui parmi mes semblables, courir comme les enfants, sans arrière-pensée, juste pour respirer le vent de la vitesse et se sentir sauvage, animal, presque heureux, lâcher le fil de la mémoire et des regrets, lancer les bras comme des pistons, toucher à peine terre entre deux foulées, effleurer le sol, avoir parfois le sentiment de le quitter. »
La succession navigue entre moments heureux pour Paul et dépression latente.
Le sport occupe une grande place, parfois trop grande à mon goût, comme lors de ce long chapitre sur la grève des joueurs de cesta punta.
La filiation et le refus de cette filiation ainsi que la pratique de la médecine sont les autres grands thèmes. Dubois les mène parfaitement et nous propose des passages très émouvants, à ne pas forcément mettre entre toutes les mains. La recherche et les interrogations se succèdent dans la tête de Paul, mais il est trop tard. Il est le seul survivant de sa famille.
La fin est d’une logique implacable. Comme si, Dubois, l’ayant annoncé dès le début, ne voulait pas s’y soustraire, mais le regrettant presque comme il fait dire à son personnage.
« Je regrette de ne pas avoir su trouver ma place. »
Et, nous, lecteurs, quittons Paul Katrakilis comme on quitte un ami, quittons Jean-Paul Dubois comme un auteur cher et proche, en espérant avoir de ses nouvelles dans les années à venir.
La succession de Jean-Paul Dubois, Editions de l’Olivier, août 2016
Le livre sur le site des Editions de l’Olivier