Un homme traverse la France en voiture avec un paquet dont on ne sait rien au début. Paris, Bordeaux, Bayonne, direction l’Espagne, terre de naissance du père.
Premier roman choc d’Alexandre Civico aux Editions Rivages.
Dureté des phrases courtes, style sans concession, langue violente et acérée.
Le roman se dévore. 80 pages à toute allure. On lit comme le personnage conduit. Dans l’urgence. D’autant que presque tout se passe avec un « tu » de l’auteur au personnage, un « tu » qui pourrait presque s’adresse au lecteur, un « tu » comme on « tue »?
La construction du roman se fait en deux temps. Le voyage, conduire et avancer.
Parallèlement, les pensées parasitent, encombrent parfois. Les souvenirs affleurent : il pense à sa famille, l’histoire de son père, de sa mère. Les errances de l’Espagne à la France. Les petits boulots.
L’enfance. Le mélange des langues dans le quartier. L’apprentissage du français contre l’espagnol. Etre prisonnier de sa langue, prisonnier des langues, mais se libérer aussi parfois grâce à elle, grâce à leurs forces.
On ne sait pas où on va dans ce livre. Alexandre Civico nous trimballe d’un temps à un autre. Presque d’une langue à une autre. Les choses ne se dévoilent que lentement, au détour d’une phrase, d’un mot. En cela, la scène finale, extraordinaire de brièveté et de changement de ton, est stupéfiante. Ce passage du « tu » au « je » puis au « nous » bouleverse. Comme si tout était oublié, pardonné, comme si tout reprenait sa place et faisait sens. Un nouveau départ ? Un oubli ? Se perdre dans les mots.
Alexandre Civico, La terre sous les ongles, Editions Payot & Rivages, janvier 2015