[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]J[/mks_dropcap]‘observe, j’enregistre, je découvre et j’essaie de comprendre.
Ainsi parle Xavier de Hautecloque, arpentant l’Allemagne du début des années 30. À une époque où personne n’imagine la terrible guerre à venir, ce journaliste français dresse le constat d’un pays devenu fou, qui élimine mendiants et prostituées, enferme et mutile tout opposant, vante les mérites du national-socialisme. La Tragédie Brune (Les Arènes BD) revient sur le voyage outre-Rhin de cet homme méconnu, assassiné par les nazis en 1935.
Réalisées par Marie Galopin, les couleurs qui habillent la bande-dessinée sont vives et le trait du dessin de Christophe Gaultier est épais, comme pour mettre en pleine lumière la force du propos, scénarisé par Thomas Cadène.
Quelques pages suffisent, en effet, pour comprendre le désarroi de Xavier de Hautecloque venant sonder l’état d’esprit du peuple voisin. Effaré, il fait face au mutisme de ses anciens amis, ceux qui ont peur et se terrent, ou ceux qui ont déjà courbé l’échine et fait œuvre de contrition.
Nous sommes en 1933 et la machine de guerre hitlérienne est en marche. Elle ne se cache plus. Elle agit en toute impunité. Et gare à celles et à ceux qui manifestent leur désapprobation : « Refuser de suivre Hitler, c’est trahir l’Allemagne ». L’admiration pour le Chancelier embarque avec elle les vieilles dames, les professeurs émérites, les filles de bonne famille, tous unis par un lien quasi mystique : la haine, nourrie par l’esprit revanchard de la précédente guerre et par la différence qu’incarnent à leurs yeux les Juifs, les personnes handicapées et autres « misérables ».
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La BD témoigne de cette prise de conscience vécue par le journaliste français. Et celle-ci va grandissante. À l’observation discrète des premiers jours succède, de la part de Xavier de Hautecloque, une démarche volontariste d’aller débusquer des témoins, de documenter les interrogatoires et tabassages en règle, de découvrir… les premiers camps de concentration.
Le journaliste accomplit son travail, mû par l’horreur de ce qu’il voit et la fatalité de ce qu’il pressent . affublé de son éternel imperméable marron, chapeau vissé sur la tête, cet homme à la silhouette longiligne finira néanmoins par attirer l’attention. Quatre ans avant le début de la guerre, il paiera de sa vie son obstination à témoigner et à tenter d’alerter l’opinion publique.
Encadrée d’un prologue et d’un épilogue, la bande-dessinée s’avère bien construite. En fin de parcours, elle s’accompagne d’un texte de plusieurs pages : la première partie du texte original de La Tragédie Brune de Xavier de Hautecloque, publié en 1934.
Une tragédie, par définition, compte toujours ses morts : la seconde guerre mondiale en fera 60 millions, civils et militaires…