[dropcap]P[/dropcap]résentée par son éditeur comme une « autrice de romans, nouvelles et chroniques pour divers médias américains », Laila Lalami arrive en France avec Les autres américains, sa première publication dans nos contrées. Née au Maroc en 1968, elle y a grandi et fait ses études avant de quitter le pays pour la Grande-Bretagne puis les États-Unis où elle vit maintenant. Cet itinéraire personnel sert de toile de fond à son roman, dans lequel elle met en scène une famille d’origine marocaine aux États-Unis, un exemple apparemment parfait de cette intégration à laquelle aspirent de nombreux candidats du monde entier.
Heureux propriétaire d’un diner dans une petite ville de Californie, Driss Guerraoui est renversé par une voiture un soir en sortant du travail. Il meurt sur le coup, pendant que le chauffard prend la fuite. Persuadée que la mort de son père relève davantage d’une agression raciste que d’un tragique accident de la route, Nora Guerraoui essaie de découvrir ce qui s’est réellement passé.
A travers les voix d’une dizaine de personnages se dessine à la fois le portrait d’une famille dont la réussite cache difficilement des blessures plus ou moins enfouies et celui d’une société en proie à ses démons. Tentations communautaires, racisme, traumatismes consécutifs aux guerres menées ces dernières années dans le Golfe et en Irak, autant de blessures peu ou mal soignées et susceptibles de se réveiller à tout instant. En donnant la parole à un ancien combattant d’Irak comme à une mère de famille arrivée du Maroc des années auparavant, ainsi qu’à quelques autres protagonistes dont les destins se croisent autour de la mort de Driss Guerraoui, Laila Lalami offre une chronique acérée de l’Amérique contemporaine.
Ayant grandi dans cette ville, cela faisait longtemps que j’avais appris que la sauvagerie d’un homme prénommé Mohammed était rarement mise en doute, mais que son humanité restait toujours à prouver Laila Lalami
Le roman choral est devenu un genre à part entière ces dernières années mais le fait d’alterner les narrateurs ne suffit pas à faire un bon texte. Laila Lalami l’a compris, qui s’appuie sur une structure solide et une chronologie cohérente. L’alternance des voix, loin de brouiller son message, éclaire les intentions de l’autrice qui refuse de céder à la facilité en désignant tout de go une victime et son bourreau. Au fil des pages, les figures principales du texte révèlent des aspects ignorés de leur personnalité, des failles, des zones d’ombre inconnues même de leurs proches. A travers eux, c’est la société américaine qui est ici auscultée. Les rêves des uns, les craintes des autres finissent par se télescoper, laissant derrière eux chagrins et regrets collatéraux. Les autres américains interroge aussi avec finesse la notion d’intégration à travers celle de la famille Guerraoui et en particulier de Maryam, la mère, dont les souvenirs dessinent l’histoire familiale et le malaise de celui qui, finalement, a le sentiment de n’être nulle part réellement chez lui.
Avec Les autres américains, Laila Lalami impose d’emblée une voix à la fois forte et sensible qui portera loin, on l’espère, dans cette rentrée littéraire et devrait lui permettre de se hisser sans trop de peine sur le dessus du panier.
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Les autres américains de Laila Lalami
traduit de l’anglais (États-Unis) par Aurélie Tronchet
Bourgois éditeur, 3 septembre 2020
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Image bandeau : Isabella and Louisa Fischer / Unsplash