Constance est heureuse. Elle aime son mari et sa maison. Elle a une vie intérieure très riche qui lui permet de dialoguer avec sa mère morte. Elle est donc une héroïne particulière.
La guerre de Sécession vient troubler son bonheur tranquille.
Son mari, de constitution fragile, lui semble inapte à prendre les armes. Elle le « remplace » en se faisant passer pour un homme pendant que lui, reste chez eux pour prendre soin de leur exploitation fermière.
« J’étais forte, lui pas, ce fut donc moi qui partis au combat pour défendre la République. »
Constance change de nom, se fait appeler Ash Thompson et part combattre.
Certains soldats se rendent compte de la supercherie mais Ash Thompson a entre temps gagné ses galons et personne ne dit rien.
Entre journées passées à ne rien faire, combats, errances et méditation, Laird Hunt nous décrit une héroïne en plein doute devant la cruauté de la guerre, des hommes, de leurs lâchetés mais un héroïne certaine d’avoir fait le bon choix quant à la raison de cette guerre.
Constance/Ash écrit aussi de longues lettres à son homme qui l’attend et pour qui elle espère que tout va bien.
Sorte d’Odyssée renversée et moderne, les dialogues inventés entre Constance et son mari ou sa mère, sont très beaux et donnent souvent un répit bienvenu dans des descriptions violentes des combats.
Neverhome de Laird Hunt est un des livres les plus étonnants de cette rentrée littéraire.
Constance raconte son histoire à la guerre tout en restant extrêmement neutre dans ses descriptions comme si ce qui l’entourait le ne la touchait pas, comme si autre chose comptait. Elle traverse des paysages désolés, croise la mort à plusieurs reprises avec pour seul but -en dehors de son engagement- de rentrer chez elle, de continuer à honorer sa mère et de vivre avec son mari.
Nous comprendrons dans les dernières pages, voire les toutes dernières lignes de sa confession que cette autre chose existe vraiment et que c’est en quelque sorte le véritable sujet de ses mots, rendant ainsi cette femme si forte, finalement fragile et démunie devant la vie.
Neverhome de Laird Hunt, traduit de l’américain par Anne-Laure Tissut, Actes sud, septembre 2015