Avec Le Fantôme de l’opéra (Futuropolis), Paul et Gaëtan Brizzi adaptent avec délicatesse une œuvre romanesque du prolifique Gaston Leroux, auteur des aventures de Rouletabille et de Chéri-Bibi.
Dans le Paris de 1890, la BD trouve place au cœur d’un écrin architectural aux mille facettes : l’opéra Garnier, dont on doit la réalisation au très inspiré baron Haussmann, qui a totalement transformé la capitale pendant le règne de Napoléon III. Sans qu’on ne sache où il se cache, tant l’édifice compte de coins et recoins, un fantôme y occupe tous les esprits.

Manipulateur, assassin, maître-chanteur, il ne cesse de tourmenter la nouvelle direction de l’opéra, qui pensait pourtant avoir fait une bonne affaire en prenant la suite des anciens responsables de l’établissement. Cette étrange créature n’est-elle qu’une vue de l’esprit ou, comme commencent à le penser certains observateurs aguerris, pourrait-elle avoir forme humaine ?
Les premières pages du livre ne tardent pas à esquisser un début de réponse, magnifiquement mis en scène par le crayon Prisma color très noir à la mine de cire des frères Brizzi, dont les adaptations chez Futuropolis d’œuvres signées Balzac ou Boris Vian ont déjà séduit nombre de lecteurs et lectrices. De pleines pages se dressent ainsi fièrement devant nos yeux, telles des gravures figeant le temps et crispant notre attention.

En effet, après que la jeune cantatrice Christine Daeé ait transporté de joie le public de Garnier, la voici qui disparaît brutalement, au grand dam du vicomte Raoul de Chagny, son amoureux. Celui-ci va partir à sa recherche et remuer ciel et terre pour la retrouver, quitte à froisser quelque rival potentiel. Des événements tragiques vont dès lors s’enchaîner, entraînant dans leur sillage la perte d’un cheval, la réclamation d’une rançon, la chute d’un lustre monumental, la quête désespérée d’un bienfaiteur persan…

De quoi maintenir pendant un temps le mystère du Fantôme de l’opéra, fable aux airs de Frankenstein, scénaristiquement bien menée et superbement stylisée avec, à la clef, un intérêt marqué pour le suspense mais aussi pour des sentiments amoureux et… toxiques. Entre virtuosité du coup de crayon, soin du cadrage et originalité de l’histoire, Le fantôme de l’opéra constitue assurément un vrai plaisir de lecture.