Avec Le goût d’Emma« , les Arènes BD nous entraînent dans le sillage de l’une des premières inspectrices du Guide Michelin, Emmanuelle Maisonneuve, qui a concrétisé son rêve étoilé pendant 4 années. Avec Julia Pavlowitch, elle a co-écrit sa propre histoire, illustrée par Kan Takahama, mangaka japonaise.
Les dessins sont très réalistes, à tel point que l’on dirait parfois des photographies. Du vignoble de Bourgogne au cœur historique du vieux Lyon, il en est ainsi des paysages qui défilent lors de ce tour de France des tables gourmandes. La texture des plats, leur dressage dans l’assiette, leurs couleurs vives n’en sont que plus mis en valeur.
Dès lors, nous vivons par procuration les multiples expériences culinaires d’Emma, attablée le midi pour déguster un filet de Saint-Pierre (trop cuit), avant d’enchaîner le soir avec des anchois frits (au génial goût de mer).
Et que dire de l’image de ces petits pois qu’on devine sucrés et fondants en bouche ou de ce cœur de poulpe dont la chair apparaît si ferme et moelleuse… Pour les amateurs de belle cuisine, Le goût d’Emma n’est autre qu’un festival de senteurs et de saveurs.
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Côté dessin toujours, les visages aux traits finement détaillés, les silhouettes longilignes, les yeux d’une grande expressivité… renvoient à nombre de codes graphiques propres au style manga (qui aime aussi se nourrir d’intrigue sentimentale, néanmoins ramenée ici à la portion congrue). Une façon d’être en harmonie avec le coup de cœur d’Emma pour le Japon, où l’assaisonnement ne l’emporte pas sur le goût naturel des aliments, et où la cuisine exhale avant tout la pureté et l’harmonie des goûts.
Attardons-nous maintenant quelques instants sur l’histoire même de celle qui fut l’une des premières inspectrices du Michelin. Dotée d’un palais sûr, âgée de seulement 30 ans, spontanée, sa personnalité avait de quoi perturber le bel ordonnancement établi et les règles académiques du Guide. Qui plus est, jusqu’alors, le fameux Guide ne s’entourait que d’hommes !
De quoi décourager l’éveil des sens et du goût de la jeune femme ? Pas vraiment ! C’est qu’Emma est non seulement passionnée et talentueuse mais également très courageuse, prête à défendre des produits racés travaillés par de fortes têtes.
Il faut dire que, si passer autant de temps sur les routes lui offre de croiser de belles personnes et de ravir son palais, cela nécessite aussi pas mal d’abnégation et de sacrifice. Mais c’est bien connu, quand on aime, on ne compte pas. Son entourage devra se faire une raison !
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Et puis, elle qui a collaboré avec Michel Bras et Alain Ducasse, sait ce que la cuisine haut de gamme a d’exigeant. Avec, parfois, la nécessité de mettre de côté ses émotions face au désarroi de chefs qui la regardent comme le messie et implorent son indulgence, soucieux de garder leur étoile ou d’en gagner une. Respecter un produit, le découper, le travailler, l’associer avec un autre, c’est toujours un défi… Il se conjugue pour eux avec un autre pari quotidien : épurer les dettes, payer les salaires, investir pour rénover la décoration…
Alors oui, être inspectrice est un beau et dur métier. En témoigne Le goût d’Emma. Mais celui-ci rend aussi un bel hommage à toutes celles et à tous ceux qui dédient leur vie à satisfaire nos papilles gustatives.