Scott McCloud est surtout connu en France comme théoricien de la BD. En effet, ses deux essais fondamentaux, L’art invisible (Vertige Graphic, 2000) et Réinventer la BD (Vertige Graphic, 2002) sont la base de toute bibliographie pour qui étudie la BD.
Ces deux ouvrages ont pour particularité d’être des essais pédagogiques sous forme de roman graphique, et non pas seulement des pensums sans images.
On pensait l’auteur catégorisé théoricien, et voilà que déboule dans nos librairies un roman graphique, sous forme de pavé de 500 pages.
Le personnage principal, David Smith, sculpteur, a connu son heure de gloire, et la rechute dans l’anonymat. De plus, il a toujours souffert d’être l’homonyme (et une pâle copie ?) d’un sculpteur célèbre.
Sans famille, hanté par l’idée de disparaître sans laisser de traces à la postérité, déprimé, il rêve aujourd’hui de s’adonner à son art.
Un jour de dépression manifeste, il a carrément la vision d’un ange qui descend du ciel, sous la forme d’une jolie femme qui l’embrasse devant une assemblée prosternée.
Et voilà qu’au bord du gouffre, il est abordé par son oncle Harry, pourtant décédé il y a quelques années, qui lui propose un étrange pacte. La possibilité de créer à mains nues toute matière, en échange de 220 jours restants à vivre.
David accepte le contrat, croyant naïvement devenir maître de son art. Mais ce n’est pas parce que l’on a le pouvoir de créer a mains nues et d’exorciser ses démons que cela donne une œuvre pour la postérité. Ses premiers essais, catharsis monstrueuses de son enfance, le jettent à la rue en démolissant son plancher.
De plus, tout ne va pas se passer comme prévu, notamment lorsque David découvre que l’ange de sa vision en rêve était bien réel et qu’il a été victime d’un happening. L’amour va aussi pointer son nez, et lui jouer de drôles de tours, dans un temps qui lui est compté.
Comment pourra-t-il gérer son secret, son pouvoir, ses ambitions, et sa passion naissante ?
C’est ce que nous donne à lire ce captivant roman graphique. Narré à travers un bleu magnifique, Le Sculpteur est une relecture évidemment diabolique du mythe de Faust, c’est aussi une histoire sur la création, la créativité et l’imagination.
Scott McCloud, Le sculpteur, traduit par Fanny Soubiran aux Éditions Rue de Sèvres, 2015