2010, aéroport de Hambourg. Un petit garçon de 5 ans erre seul dans les couloirs. Il semble vite évident qu’il a été abandonné mais personne autour de lui ne parvient à comprendre la langue qu’il parle.
Auteur déjà reconnu outre Atlantique et récompensé à plusieurs reprises pour ses textes, Salvatore Scibona frappe fort avec ce second roman publié en France (le premier était La fin, éditions Bourgois, 2010). Après un prologue aussi réussi qu’intrigant, il déroule son récit sur plusieurs décennies et continents, suivant le destin de Vollie Frade, surnommé « Le Volontaire » .
Né en 1950 dans l’Iowa, Frade s’engage pour la guerre du Vietnam avant même d’avoir 18 ans, après avoir contrefait la signature de son père. Lors d’un bref retour au pays, au cours duquel il apprend la mort de son père, Frade se réengage et repart au front.
C’est lors de son troisième engagement que sa vie bascule. Alors que son unité stationnait, de façon parfaitement illégale, au Cambodge, Frade est capturé par les vietcongs et enfermé dans une grotte durant 412 jours. Peu de temps après sa libération, il est approché par les services secrets américains qui souhaitent l’empêcher de divulguer des informations qui mettraient le gouvernement en défaut, Frade va devoir changer d’identité et disparaître.
Et c’est effectivement ce qu’il va faire, suivant les instructions du mystérieux Lorch pour le compte duquel il va devoir essayer de retrouver la trace d’un vieil homme dans le quartier du Queens, à New York. Mais, là non plus, les choses ne se dérouleront pas vraiment comme Frade aurait pu s’y attendre et il lui faudra disparaître à niveau, bien plus tôt que prévu, et recommencer une nouvelle vie, ailleurs… toujours aux marges du monde.
« La leçon était : tout ce que vous aimez au point que partout où se porte votre regard vous voyez comment vous allez le perdre, vous sera enlevé. Même votre vie. »
S’il est une phrase du roman qui en donne la clé, c’est sans doute celle-ci que l’on choisira. La vie de Vollie Frade, ses voyages, ses rencontres sont une variation permanente sur le thème de la filiation et la paternité, en même temps qu’une réflexion sur l’identité. Du Vietnam au Nouveau Mexique, Frade ne cherche qu’à se perdre, à disparaître, sans jamais y parvenir complètement. Lui qui n’a pas su se rendre aux obsèques de son père va adopter le jeune Elroy à sa façon et tenter de jouer un rôle pour lequel il semble n’avoir aucune compétence particulière. Mais, dans le monde de Frade / Tilly, les miracles n’existent pas. Poursuivi par son passé, il sera contraint d’y faire face.
Ample et dense, couvrant plusieurs décennies et continents, Le Volontaire se déploie sur un peu moins de 450 pages au long desquelles on pensera fréquemment à l’inoubliable Femme qui avait perdu son âme (publié chez Gallmeister en 2016). Aussi riche et exigeant que le chef d’œuvre de Bob Shacochis, le roman de Salvatore Scibona étourdit et étonne, porté par une narration impeccable et une imagination fébrile. Il parvient, à travers le destin d’un homme, à livrer un récit dont l’indéniable universalité impressionne durablement.
Grosse sensation de ce début d’année, donc, Le Volontaire fait partie de ces romans qui marquent et parviennent à associer brillamment une réflexion profonde à un récit rythmé.
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Le Volontaire
de Salvatore Scibona
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Eric Chédaille.
éditions Christian Bourgois, janvier 2020
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Image à la une : Hiep Nguyen