– Jism ??
– …
– Jism ??!!!!
– …
– JISM !!!!!!!!
– oui, cheffe ????
– Dis moi, mon bon sujet, serais-tu intéressé par couvrir un événement dans la banlieue Nantaise ??
– Le Festival des Indigènes ?? je croyais que vous y aviez dépêché la crème de la crème des reporters d’Addict ?
– Non, pas celui-là, l’autre, le même week-end. Le Festival Les 3 Éléphants.
– Euhhhh, cheffe, c’est à Laval… à près de 200 bornes de Nantes tout de même.
– M’en fous, c’est dans les Pays De La Loire. Bon ça t’intéresserait un Live Report ?
– Ben ouais, ô ma cheffe. J’habite à quelques bornes de Laval. Pour sûr que ça m’intéresserait. En plus, actuellement, c’est un des rares festival à taille humaine avec une programmation plutôt intéressante, entre confirmations et découvertes…
– Garde tes élucubrations pour les internautes et tiens toi prêt pour les soirées du 29 et 30 mai mon bon laquais.
– …
Le 29 mai arrivant, c’est la fleur au fusil que je m’en vais à Laval, riante capitale de la Mayenne. C’est un peu l’effervescence là-bas, le festival mobilise bon nombre de personnes, les rues sont animées comme rarement, les cieux cléments, l’organisation du festival est, comme d’habitude, au top. Bref, la soirée s’annonce plutôt bien. J’arrive sur le site, consulte le programme et découvre une petite nouveauté : l’installation d’une troisième scène en plus de l’arène (la salle) et du patio (le chapiteau) : le club grand géant (qui accueillera des artistes plus expérimentaux, moins grand public). Excepté cette nouveauté, je retrouve mes marques rapidement dans l’enceinte du festival.
Sauf que, plus tard, dans la soirée, cette troisième scène me posera problème : moi qui n’ai jamais su choisir entre fromage et dessert, il me faudra faire des choix cornéliens quant aux concerts et apprendre la frustration. Pour résumer un peu cette soirée, voire tout le festival, niveau concert, le résultat fut un peu en demi-teinte. D’excellents concerts, d’autres curieux (notamment le cas BadBadNotGood), certains hors propos ou inintéressants et enfin des ratés (de mon point de vue, bien évidemment).
D’emblée, Throw Me Off The Bridge, avec son rock atmosphérique sympathique, ne décolle pas. Ils ont malheureusement l’inconvénient d’ouvrir le festival (donc peu de spectateurs à 19 h) et l’avantage, énorme, d’être du coin (donc un peu plus que le premier groupe du lendemain).
Heureusement, le premier groupe à passer dans l’arène se révélera être d’un tout autre calibre. Le set de Laetitia Sheriff en formule trio, avec un batteur habité, vivant sa musique de l’intérieur (comme disait le grand Nanard) et un guitariste connaissant sur le bout de sa baguette (ou médiator, c’est selon) son Thurston Moore illustré, sera grandiose. Le concert débute par une baffe et les aligne pendant plus d’une cinquantaine de minutes passant comme un souffle. Laetitia Sheriff, sourire ravageur et rage intérieure intense, assure le spectacle avec une présence scénique impressionnante, raillant gentiment le public Lavallois mais le remerciant au final de sa chaleur. Il n’empêche, outre mon masochisme naturel, des baffes comme celles-là, j’en redemande plus souvent.
Le concert à peine fini, je me précipite vers le patio aux barrières de sécurité pour y voir le concert le plus étrange des deux jours. Étrange dans le sens où le concert du trio canadien Badbadnotgood partait pour être le meilleur du festival. Un trio basse/batterie/clavier jouant exclusivement du jazz, faut avouer que ça a de la gueule. D’autant plus quand le batteur, excellent, semble non pas venir du jazz mais du rock plutôt énervé (Jesus Lizard, Nirvana entre autre…). Résultat, pour les quatre premiers morceaux, c’est le Davis de Bitches Brew qui s’invite chez Sun Ra et se dit : » ben tiens, si on faisait du rock ? ». Le groupe joue donc une demi-heure durant un free-jazz aux sonorités rock absolument fascinant, tendu, pendant lequel chaque musicien semble littéralement connecté à l’autre. Un set à te coller des frissons de bonheur et te faire headbanger (oui, c’est du jazz !!!) plus que de raison.
Mais, car il y a un mais, qui dit jazz, voire free-jazz, dit, la plupart du temps, saxophone. Et là, après avoir présenté au public le saxophoniste, c’est le drame : la folie déserte le quatuor, le saxo joue ses gammes de façon presque pépère et le concert ronronne là où il aurait du devenir carrément furieux. C’est donc avec un arrière-goût d’inachevé que je quitte le concert pour aller voir les dernières minutes de Gratuit, en concert au même moment au club grand géant.
Alors que je m’apprête à me rendre à l’arène, un festivalier m’alpague et me sort tout de go : « j’ai vu l’avenir de Mylène Farmer, il s’appelle Christine. » Je lui ai répondu : ça ne tient pas debout ton raisonnement. Après vision (j’ai tenu un morceau…), sa réflexion tenait parfaitement debout.
Du coup, je suis allé attendre Jessica93 (dont je vous ai déjà parlé ici-même) devant le club grand géant. Pour son premier jour, il jouera l’intégralité de Rise. Véritable Rémy Bricka post-punk, Geoff Laporte, avec sa basse, sa guitare et ses pédales, fabrique ses morceaux devant une assemblée un peu ahurie, le voyant brancher/débrancher ses instruments, créer ses boucles et donner vie à des chansons qui deviennent beaucoup moins new-wave et bien plus violentes. Du coup, ce n’est plus aux Cure, Sisters Of Mercy et consorts auxquels on pense mais à un Chris Knox furax qui carburerait à la New Wave. Le set est bordélique, jouissif et se termine par un Surmatants et un Inertia intenses et, on peut les qualifier comme tel, immenses ; le style à laisser pantois, bouche bée, le filet de bave atteignant presque les genoux, et à vriller les conduits auditifs des spectateurs présents. Un bonheur.
Après c’te claque, retour dans l’arène pour un Batida alléchant sur le papier. Sur papier seulement car sur scène, c’est autre chose. Mélange conceptuel par moment détonant et souvent foireux d’africanisme, de musique brésilienne, de zouk, de rap, le tout avec des danseurs/danseuses africains, brésiliennes, ainsi que des projections sur écran, ça part dans tous les sens mais ne va nulle part. Le propos, assez politique, tient la route une petite dizaine de minutes puis s’évente et lasse par manque flagrant de sincérité ou par excès de professionnalisme, au choix. Idem pour les danses, tombant comme un cheveu sur la soupe la plupart du temps. Toujours-est-il qu’au bout de 20 minutes, j’abandonne par K.O technique.
Heureusement, pour rattraper le coup, dans le style percussions brésiliennes folles, les Italiens de Ninos Du Brasil vont mettre tout le monde d’accord et foutre le feu au patio. Duo italien donc, pratiquant le sample et la maltraitance de fûts, Ninos Du Brasil va appliquer des recettes simples mais efficaces pour se mettre le public dans la poche : se la jouer punk et taper comme des sourds sur leurs percussions, quitte à déchausser les dents des spectateurs du premier rang. C’est brutal, primaire, pour ne pas dire primitif, comme du Ministry qui aurait laissé ses guitares au vestiaire mais le résultat ne se fait pas attendre : ça pogote et ça slame dans la foule. D’une efficacité redoutable.
Pendant ce temps là, je loupe Milan (faut faire des choix ma bonne dame !) et termine ma soirée après avec Superpoze. Où je ne reste pas longtemps d’ailleurs. Le concert, visuellement très beau, et malgré le quart d’heure pendant lequel je suis resté, peine à décoller. Peut-être suis-je parti un peu tôt… je ne le saurais probablement jamais. Mais il me restera probablement un regret à cette soirée : celui d’avoir raté Alo Wala, qui, d’après le compte-rendu des excellentes collègues des Indigènes (à l’autre bout de la banlieue nantaise, ô ma cheffe adorée), était véritablement très bon.
Une question: Le concert de GRATUIT c’était payant ?