[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#efd721″]L[/mks_dropcap]e nouveau roman de Lucie Taïeb est un conte comme ceux que l’on raconte aux enfants pour les émouvoir : peur et joie mêlées. Les Échappées est le deuxième livre de l’auteure publié aux éditions de l’Ogre. Il se déploie en quatre saisons et dresse le portrait d’un monde où le travail serait devenu plus répressif que jamais.
Cette dystopie révèle une société où les taches de chaque être deviennent absurdes, ne laissant aucun répit si ce n’est celui de s’écrouler de fatigue. Oskar et sa sœur sont enfants et ne connaissent pas encore cette règle. Au début de l’histoire, une autre jeune fille arrive là où ils habitent, au bord d’une voie ferroviaire désaffectée.
Mais dans ce roman à plusieurs facettes, il n’y a pas que les voix d’Oskar et de sa sœur. Celle de Stern est dissidente au régime imposé. On entend grâce à des émetteurs ses paroles obscures et libératrices. Puis Lucie Taïeb multiplie les points de vues et rend plus dense ce conte cruel. Les Échappées racontent aussi comment des personnages vont se défaire de la pression sociale, dans un élan fragile vers l’inconnu. Ce livre se sert d’un imaginaire mystérieux pour raconter le monde que l’on connait, le confronter aux pouvoirs de la littérature pour libérer notre force commune.
Lucie Taïeb est poète et cela se ressent dans son écriture romanesque. Elle déploie des phrases qui happent et emportent le lecteur au creux de son histoire. On peut ressortir un peu étourdi après la lecture mais sans doute plus lucide qu’auparavant. Cette société où la tyrannie du travail n’est plus un vain mot dit clairement quelque chose sur le contemporain. Le monde métaphorique de Lucie Taïeb et de ses échappées s’inscrivent dans notre réalité, où celui qui n’a pas de fonction est exclu. Des livres comme celui-ci sont indispensables pour alimenter nos consciences par un imaginaire sensible au réel.