Toutes les semaines jusqu’au 10 juillet, retrouvez une sélection hebdomadaire de conseils de lecture pour vous accompagner cet été.
[mks_icon icon= »fa-sun-o » color= »#02bed3″ type= »fa »] Le choix de Yann
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#02bed3″]V[/mks_dropcap]oilà une lecture d’été à ne rater sous aucun prétexte. On découvrait Hannah Tinti en avril 2017 avec ce titre qu’avaient précédé, sans qu’on les repère, un premier roman (Le bon larron) et un recueil de nouvelles (Bêtes à croquer), chez Gallimard également.
Autant le dire tout de suite, si notre beau métier de libraire n’était fait que de découvertes comme celle-ci, on ne toucherait plus terre depuis longtemps car il s’avère que ce bouquin formidable figure dans mes meilleures lectures de ces deux dernières années et qu’il pourrait très bien s’y trouver encore dans les deux ou trois années qui viennent. Trêve de superlatifs, qu’en est-il exactement, qu’avons nous trouvé ici qui nous emballe à ce point ?
D’abord, un sens inné de la narration adossé à un rythme soutenu, le tout au service d’une histoire originale et de personnages inoubliables. Loo et son père Samuel, criminel repenti, ont bon espoir de s’installer enfin tranquillement dans le Massachusets et d’y vivre une existence normale et paisible. Mais les douze cicatrices sur le corps de Samuel, dont Loo cherche à connaître l’origine, ont chacune une histoire à raconter, histoire qui finira par s’inviter dans leur nouvelle vie, poussant à nouveau le père et la fille sur la route. C’est à cette folle cavale entrecoupée de l’histoire de Samuel, qu’est convié le lecteur, dans un western moderne, entre roadtrip et roman noir.
Hannah Tinti tient sa narration de main de maître et excelle à dépeindre des personnages attachants et des situations hors du commun sans pour autant tomber dans l’excès ou l’outrance. On ne pourra que s’attacher aux pas de Loo et Samuel et admirer la classe d’Hannah Tinti qui nous tient en haleine sur 500 pages, au long d’un roman qui donne tout son sens au mot « jubilatoire ». Vous pouvez donc d’ores et déjà vous précipiter chez votre libraire et avoir ainsi la garantie d’ajouter une dose de plaisir à vos vacances.
Les douze balles dans la peau de Samuel Hawley par Hannah Tinti
éditions Gallimard et Folio, mai 2019
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[mks_icon icon= »fa-sun-o » color= »#026D2A » type= »fa »] Le choix de GringoPimento
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#026D2A »]V[/mks_dropcap]ous aimez Kafka et vous avez dévoré Le rapport de Brodeck de Philippe Claudel ? La cage est faite pour vous. Laissez Lloyd Jones vous y enfermer. Vous n’y serez pas forcément bien, vous deviendrez claustrophobe, vous criez à l’injustice et peut-être, vous y disparaîtrez. Mais vous aurez eu dans les mains un récit surprenant et atypique.
Dans un lieu indéfini, deux étrangers arrivent. S’installent dans un hôtel dont le patron accepte de les nourrir, de les héberger.
On ne sait d’où ils viennent, qui ils sont ni où ils veulent aller après cette étape. Le savent-ils eux mêmes ?
Les choses finissent par déraper quand ils demandent un asile officiel mais sans avoir carte d’identité, sans pouvoir dire leur lieu d’origine ni le pourquoi de leur départ, tout cela contribue à éveiller les soupçons, les interrogations, la peur et les deux étrangers se retrouvent enfermés, en cage.
Roman d’une inquiétante familiarité, sorte de fait divers qui nous semble malheureusement trop présent, La cage impressionne par son ton – qui ne recule devant rien – par son style parfois déroutant et par un suspens qu’on regrette presque d’aimer tant il peut nous mettre mal à l’aise.
La cage de Lloyd Jones, roman traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Mireille Vignal,
éditions Actes Sud, mai 2019
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[mks_icon icon= »fa-sun-o » color= »#9A033E » type= »fa »] Le choix de L’Ivresse Littéraire
[mks_dropcap style= »letter » size= »50″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#9A033E »]Q[/mks_dropcap]uoi de mieux pour l’été que de pouvoir picorer dans des microfictions qui forment un joli tout. Tendre et âpre.
Des microfictions comme un long regard porté sur la vie, ses aléas, ses absurdités et ses épreuves, c’est ce que nous offre David Thomas dans son nouveau livre, Un homme à sa fenêtre. Des tranches de vie dont l’écrivain et l’écriture parcourent souvent les pages, sommeillants pour mieux nous saisir et nous laisser découvrir en filigranes l’auteur lui-même.
Hommes ou femmes, des scènes de vie parfois incongrues, parfois mélancoliques ou tristement belles se dessinent sous nos yeux. Une femme qui vit sa vie à travers les slogans politiques, un homme proposant de se transformer en plume féminine pour un poste de journaliste dans un magazine féminin, une femme en entretien d’embauche dont la fin nous foudroie sur place, des lettres anonymes qui redonnent un peu d’espoir, des gens alcooliques par bonheur, un père peureux… L’amour, le monde professionnel, la solitude, les (dés)illusions, la famille et l’écriture sont au centre de tout.
Avec beaucoup d’ironie, de mordant, de tendresse et autant de talent, David Thomas nous ballote de page en page dans le tragi-comique, observant ce que l’on ne prend pas toujours le temps de voir, de comprendre, d’analyser, ou que l’on refuse aussi de voir. Il « soulève le capot des âmes », fait rugir la mécanique et parvient à nous faire pénétrer, parfois en une seule page, ces univers, ces vies esquissées ; à nous émouvoir, nous laisser bouche-bée d’un retournement inattendu une fois le point final d’un portrait posé.
« Au bout de mon jardin, sur une petite butte, lorsque je m’allonge la nuit, je peux contempler le ciel étoilé en roulant les yeux sans rien voir d’autre. Seul le sommet du cyprès que mon père a planté au pied de cette butte il y a cinquante et un ans apparaît dans mon champ de vision. J’ai souvent pensé à couper cet arbre pour que ma vue du ciel nocturne soit totale avec ce désir d’être seul face au ciel. Ce soir, je viens d’admettre que je ne le ferai jamais. En fait, je ne peux me résoudre à regarder les étoiles sans la présence de papa à côté de moi. Et c’est aussi infantile que de souhaiter admirer les constellations tout seul. Je ne suis qu’un petit garçon qui a grandi. »
Je vous disais en début d’article qu’Un homme à sa fenêtre était parfait pour picorer, néanmoins, méfiez-vous, car une fois démarré, il est bien difficile de lâcher ces inconnus qui peuplent le livre de David Thomas.
Un homme à sa fenêtre de David Thomas
Paru aux éditions Anne Carrière, mars 2019