Toutes les semaines jusqu’au 10 juillet, retrouvez une sélection hebdomadaire de conseils de lecture pour vous accompagner cet été. Cette semaine c’est une sélection de littérature jeunesse à mettre dans les valises ou emporter au parc ou dans le jardin 🌿☀🌷
[mks_icon icon= »fa-sun-o » color= »#ff6600″ type= »fa »] Le choix de Marion
Nos mains en l’air de Coline Pierré
paru aux éditions du Rouergue, Mai 2019 – A partir de 13ans
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ff6600″ txt_color= »#000000″]R[/mks_dropcap]eprendre le flambeau familial, c’est ce qu’on attend de Victor depuis sa naissance. Ne pas avoir le droit de choisir sa propre voie est déjà assez difficile, c’est encore pire quand votre famille est versée dans la brutalité et les cambriolages. Peu importe qu’il n’y ait pas une once de violence chez le jeune homme de 20 ans ou qu’il rêve de mener une vie honnête, son père espère (exige !) qu’il suive la même voie du crime que lui et ses frères.
Yazel quant à elle est une orpheline sourde recueillie par sa tante richissime, et s’ennuie profondément dans cette famille où elle n’a qu’un rôle décoratif. Elle aussi rêve de s’échapper, de vivre autre chose que cette existence étriquée à laquelle on l’a condamnée.
On ne pourrait imaginer vies plus différentes, et ils n’auraient jamais dû se croiser. Et pourtant, par un heureux hasard, Victor effectue son “baptême de cambriolage” au sein même du manoir de la tante de Yazel. Quelle n’est pas sa surprise quand au lieu de l’argent et des bijoux promis, il découvre une adolescente qui le supplie de l’emmener disperser les cendres de ses parents à l’endroit où ils se sont rencontrés. Surprise encore plus grande quand il décide malgré lui d’accepter, voyant dans cet imprévu le coup de pouce qu’il lui manquait pour s’évader.
C’est le début d’un improbable road trip à travers l’Europe, qui va rapidement se transformer en chasse à l’homme dans les rues de Venise quand le père de Victor et la tante de Yazel s’allient afin de retrouver nos deux fugueurs …
Avec Nos mains en l’air, Coline Pierré évite une histoire d’amour clichée, et nous offre ici un formidable récit d’amitié. C’est l’histoire d’une rencontre entre deux personnages qui n’imaginait pas à quel point ils avaient besoin l’un de l’autre. Victor trouve dans Yazel une générosité sans égale, doublée d’un humour et d’un grain de folie entraînant, tandis que la jeune fille découvre chez Victor une sensibilité et une tendresse auxquelles elle n’a jamais été habituée. En un mot, ils se comprennent malgré leurs différences.
C’est le début d’une relation fusionnelle, une fraternité à toute épreuve qui oscille entre la responsabilité d’une relation père/fille et la tendresse d’un frère et d’une sœur.
L’autrice tisse de son écriture pleine de dérision un roman familial atypique, où les personnages les plus liés ne sont pas toujours unis par le sang. Une œuvre drôle et touchante, qui en bonus traitée de la surdité de façon remarquable, sans pathos et avec un humour toujours respectueux.
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[mks_icon icon= »fa-sun-o » color= »#F09898″ type= »fa »] Les choix de Gringo
Nos chemins d’Irène Bonacina
Albin Michel Jeunesse, février 2019
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]B[/mks_dropcap]izarrement, la couverture de Nos chemins ne rend absolument pas justice à la beauté des images vues dans cet album. De prime abord, ces deux ours ne donnent pas forcément envie. Il serait pourtant dommage de passer à côté, d’abord parce que l’histoire est belle et ensuite parce que le travail sur les images et les photographies est absolument fabuleux, poétique au possible, donnant à cet album une force extraordinaire.
Sur un thème déjà vu, des ours qui semblent délogés de leur habitat naturel et prennent la route, Irène Bonacina tisse une histoire complexe. Car si Petit Ourse est la suiveuse, sa Mamie Babka ne va pas tarder à devoir l’abandonner:
Petite Ourse…
C’est ici. Je suis arrivée.
Mon chemin a rejoint l’horizon.
La suite, c’est Petite Ourse, courageuse, qui trace son chemin personnel, tout en portant l’héritage de sa grand-mère.
Le jour apparaît, fragile.
Je porte ta lanterne.
La suite, ce sont aussi des images sublimes. Du bleu, du jaune, du rouge, un peu de noir, des associations, des palettes, des ombres.
Une poésie magnifique, accompagnée par des mots simples mais touchants.
Un album magique et exceptionnel !
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Le Jardin d’Evan de Brian Lies, traduit de l’anglais (États-Unis) par Françoise de Guibert
Albin Michel Jeunesse, mai 2019
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]I[/mks_dropcap]l est toujours difficile d’aborder le deuil avec les enfants sans tomber dans une mièvrerie malvenue et qui surtout créera plus d’inquiétude qu’autre chose. Dans Le Jardin d’Evan, Brian Lies nous parle d’un renard qui a un chien. Un lien extrêmement fort unit ces deux-là. Ils partagent tout et surtout leur travail au jardin. Pages insouciantes, pleines de joie, de vigueur et de vie.
Un jour pourtant, l’impensable arriva.
Le passage d’une double page où Evan et son chien sont heureux à cette terrible phrase et à une nouvelle double page, blanche, sans artifice aucun, où l’on ne voit qu’Evan penché sur le panier, son chien immobile dedans est déjà très éprouvant et provoque un silence interloqué chez les petits lecteurs. On pourrait se dire que Brian Lies est déjà allé loin et qu’il s’agit maintenant de les préserver. Mais non. Le deuil d’Evan sera éprouvant et l’auteur choisit de nous le montrer pendant de nombreuses pages, sombres et violentes.
Le jardin, autrefois, source de joie, devient un lieu de désolation, sorte de musée des horreurs, symbole de l’immense perte subie par Evan. Mais même dans les mauvaises herbes peuvent naître de bonnes choses.
L’espoir revient petit à petit, à mesure qu’une citrouille grandit dans le jardin.
Une foire, un prix à gagner et voilà Evan revenu parmi les vivants et devant un choix difficile qui décidera du reste de sa vie.
Le Jardin d’Evan est une très belle œuvre de littérature de jeunesse, une œuvre où l’on ne prend pas les enfants pour des petits choses fragiles, une histoire où l’auteur ose dire les choses, avec violence parfois, à l’image de la couverture du livre, mais toujours avec un sens aigu de la vérité.
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C‘était pour de faux ! de Maxime Derouen
Grasset jeunesse, mai 2019
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]h ! les cours de récréation et les sempiternelles plaintes des petits ou même des grands enfants : «Hé ben, machin, il a dit ça !» ou encore «Tu sais, un tel il m’a fait ça !» et le grand classique : «Hé, tu sais, un tel il veut pas jouer avec moi !», avec le plus souvent, la tête tournée à l’opposé pour bien montrer du regard de quel autre enfant on parle, quel autre enfant il faut vite réprimander.
Maxime Derouen, dans C’était pour de faux ! s’empare du sujet en donnant à nos têtes blondes des allures d’animaux. Sophie, la petite girafe qui pleure est la victime. Le méchant, c’est le crocodile, Bruno. Et Bruno a une manière bien spéciale de se défendre contre l’ire de sa maîtresse :
C’est même pas vrai ! Je lui ai bien tiré la capuche, mais pour de faux !
À partir de là, ce qui pourrait ne s’avérer qu’une petite querelle entre deux animaux innocents va virer en affaire d’état. Les adultes s’en mêlent, de trop près. Ça n’est pas bon ! Même le roi, le président Lion intervient, pour finalement ne rien décider.
Et pour dénouer la situation, il faudra que les petits sortent leurs griffes.
Petit album de jeunesse très drôle et grave à la fois, C’était pour de faux ! vise juste. Il fait réfléchir les enfants sur les petits mensonges qu’ils peuvent dire aux adultes et fait penser les adultes sur la façon dont ils accueillent, parfois, les paroles des enfants.
L’anthropomorphisme, particulièrement bien vu ici, permet aux petits lecteurs de s’identifier aux personnages tout en gardant une certaine distance.
Les dessins, très réussis, avec des couleurs chatoyantes donnent une couleur spéciale à ce conte.
De plus, l’auteur joue avec les mots, utilisant beaucoup d’expressions familières qu’il détourne pour les adapter aux animaux. C’est souvent très drôle !
Ainsi on remonte « les écailles » d’un crocodile, une petite fille « ne pleurait pas des larmes de crocodile, mais de véritables larmes de girafe ! », un roi président lion « claqua des pattes et tourna les moustaches ».
Ces détournements s’accompagnent également des véritables expressions qu’on utilise à propos des animaux et là aussi, la réussite est au rendez-vous !
Enfin, soulignons que Maxime Derouen s’amuse beaucoup du monde des adultes. Une maîtresse qui ne résout pas la situation toute seule et demande l’aide du directeur car il est «paraît-il, plus malin qu’elle», des parents qui s’emparent d’une affaire somme toute anodine pour la transformer en une affaire d’État, un président inactif. L’ordre social qui se trouve bousculé. C’est un nouveau niveau de lecture (dans une œuvre qui en compte plusieurs) très parlant pour les plus grands. Point de vue intéressant à trouver dans de la littérature de jeunesse et qui peut faire beaucoup réfléchir certains enfants.
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Tom petit homme d’Édouard Manceau
paru chez Albin Michel Jeunesse, mars 2019
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]P[/mks_dropcap]etit album de littérature de jeunesse, Tom petit homme s’adresse d’abord aux enfants à partir de 3 ans. Les illustrations simples et redondantes permettent de se concentrer sur le texte, mais dans un premier temps. Car, à bien y regarder, dans les dessins proposés par Édouard Manceau, il y a un petit détail qui manque et surtout, en adéquation avec le texte et ce qu’il nous raconte, l’image devient floue, jusqu’à disparaître ou devenir
transparente
C’est parce Petit Tom n’est heureux que si l’on est gentil avec lui. Si le contraire se produit, Petit Tom devient malheureux, triste et s’efface petit à petit.
Il ne reviendra que si l’on est doux, gentil, si l’on joue avec lui.
Tom petit homme est un album qui illustre la joie et la peine, qui fait ressentir presque physiquement les émotions de ce petit garçon, qu’elles soient positives ou négatives. Son histoire toute simple donne à réfléchir. Les plus grands vont forcément s’identifier à Tom, petit homme, petit bonhomme tout mignon, replié sur lui-même s’il a un malheur. Cela les poussera peut-être à la réflexion et à vouloir prendre soin des plus petits que soi.