Toutes les semaines jusqu’au 18 juillet, retrouvez une sélection hebdomadaire de conseils de lecture pour vous accompagner cet été.
[mks_icon icon= »fa-sun-o » color= »#E96F18″ type= »fa »] Les choix de GringoPimento
[dropcap]Ç[/dropcap]a commence par une morsure. Légère, de celle qui ne laisse de trace que psychologique. Être mordue par sa mère, pour Hippolyte, c’est tout de même traumatisant. Mais comme la mordeuse en question ne va pas très bien à cause de la séparation d’avec son mari, sa fille se persuade que tout cela n’a pas d’importance.
Quand la vieille voisine disparaît sans laisser de trace et que sa mère, de plus en plus livide, pose un verrou sur la porte de la cave, y passe tout son temps, ne mange plus, ne travaille plus, coupe téléphone et portable, la situation devient inquiétante, tant pour Hippolyte, que pour le lecteur.
Aylin Manço propose avec Ogresse une sorte de digression sur le thème de l’ogre, du vampire suceur de sang ou encore du cannibalisme. On pense parfois au film Grave de 2016 qui partage quelques thèmes communs avec Ogresse.
L’auteure, ici, va plus loin qu’une banale et rabâchée histoire d’ogre ou de vampire grâce à la multiplicité des thèmes qu’elle aborde : la famille, l’adolescence, la vie sexuelle que l’on découvre, la façon complexe que l’on peut avoir de se nourrir, carnivore ou végétarienne.
Nous nous attachons aux personnages car Hippolyte a une bande de copains fidèles. Leurs relations sont parfaitement décrites et rappellent fort les tourments de l’adolescence jusqu’à ses non-dits, ses silences.
Attention, ce roman s’adresse à un lectorat adolescent averti car certains passages peuvent être difficiles à lire. Aylin Manço va loin dans son propos et embarque son héroïne dans des situations terribles. Hippolyte est prête à beaucoup pour aider sa mère. Jusqu’où pourra aller son sacrifice ?
Ogresse est un roman qu’on dévore avec plaisir et Aylin Manço une auteure que l’on va suivre !
Ogresse d’Aylin Manço
Editions Sarbacane, collection Exprim’, février 2020
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[dropcap]C[/dropcap]’est comme une confession dure et violente. La haine qui va et vient, s’arrête sur tout et rien, qui déferle sans distinction. Une diarrhée verbale d’une petite centaine de pages dans lesquelles Edgardo Vega lâche tout ce qu’il pense.
Il revient dans son pays natal qu’il abhorre après dix-huit d’exil au Canada, pour enterrer sa mère et donne rendez-vous à son ami, l’écrivain Moya (qui se met donc en scène ici bien qu’il ne parle jamais). Vega se lance dès les premières lignes dans un monologue qui laisse le lecteur K.O..
Nouveau livre, nouveau style pour Horacio Castellanos Moya qui déploie, dans Le Dégoût – Thomas Bernhard à San Salvador, tout son talent pour, à la fois, nous éblouir et nous dégoûter. Car, avec la confession de Vega, tout y passe : le Salvador et ses habitants, la bière locale, son idiot de frère, sa stupide belle sœur, leurs enfants débiles profonds selon lui, la télévision, la musique et surtout la politique, les dictatures et les dictateurs…
Tout devient prétexte à une furie verbale qui, si elle amuse, laisse aussi parfois pantois ! Vega est parfois proche du délire, devient une sorte d’illuminé dans la litanie de ses reproches. Pourtant, certains sembles justifiés (la surconsommation, l’omniprésence de la télévision).
Roman placé sous le joug de l’écrivain autrichien Thomas Bernhard, Le Dégoût se veut peut-être un hommage à ce dernier, une prose orale, violente et âpre qui nous saisit !
Le Dégoût – Thomas Bernhard à San Salvador de Horacio Castellanos Moya traduit de l’espagnol (Salvador) par Robert Amutio
Éditions Métailié – Collection Suites – août 2018