[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#c96147″]A[/mks_dropcap]vec « 9½ », Glénat propose une nouvelle collection de romans graphiques, fondée sur une rencontre symbolique mais Ô combien signifiante entre l’univers de la bande-dessinée et celui du cinéma.
Les destins de grandes réalisatrices et de grands réalisateurs d’un côté, de grandes actrices et de grands acteurs d’un autre côté, constituent les deux catégories qui composent la collection. Tandis que Sergio Leone ouvre le bal pour les metteurs en scène, c’est Lino Ventura qui inaugure simultanément la série pour les comédiens.
Il ne faut pas se le cacher : on a plaisir à revisiter le parcours exemplaire de Lino Ventura qui, pendant plus de 30 ans, a marqué de son empreinte le cinéma français. D’autant que la BD préfacée par Jean-Claude Carrière, qui fut le scénariste de Un papillon sur l’épaule de Georges Lautner, regorge d’anecdotes et de scènes de films comme si nous étions sur le plateau.
Le visage même de Lino Ventura est fidèle à nos souvenirs. Dessinées par le Nantais Stéphane Oiry, ses expressions habillent parfois plusieurs cases successives de la bande-dessinée. On se croirait alors devant un petit film de 24 images par seconde, jouant de l’air interloqué du colosse au cœur d’or quand on lui propose un million de francs pour tourner son premier film, ou affichant un regard réprobateur lors de la lecture d’un script ne lui convenant pas.
Grande figure du cinéma, Lino Ventura fait partie des meubles du 7e art. La BD en témoigne, à travers le rappel d’une impressionnante et longue filmographie : L’armée des ombres de Jean-Pierre Melville (avec lequel il s’est brouillé, ne supportant plus le décorum quasi mystique dont s’entourait le cinéaste au chapeau) ; Le Ruffian, gros succès populaire signé de son indéfectible ami José Giovanni ; L’emmerdeur, d’Édouard Molinaro, dont il partagea la vedette avec Jacques Brel (qu’on retrouve dans la BD assis à un coin de table de cuisine, refaisant le monde et dissertant sur les femmes !).
Pour nous permettre de rester dans le bon tempo de lecture mais aussi nourrir le livre de faits d’armes savamment dosés sur la vie et de l’histoire de Lino Ventura, le scénario d’Arnaud Le Gouëfflec fait intervenir un journaliste dénommé Merlin. Celui-ci va coller aux basques de l’acteur dans l’espoir d’écrire sa biographie. Il le contraint à revenir sur son arrivée à Paris à la recherche d’un père qui ne viendra pas l’accueillir, mais aussi sur sa carrière exigeante, ses amitiés, ses brouilles, son engagement en faveur des enfants handicapés, son rapport à la caméra qu’il désignait comme « l’œil de verre »…
Au fil des interviews journalistiques du maladroit mais pas moins tenace Merlin, la carapace de celui qui a remporté le championnat d’Europe de catch avant de faire ses débuts face au très respecté Jean Gabin, se fissure. L’occasion pour nous, lecteurs et lectrices de bande-dessinée ET fans de cinéma, d’en savoir plus sur la vie d’Angiolino Giuseppe Pasquale Ventura et de fêter comme il se doit le centenaire de la naissance d’un acteur de légende.