[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]isa McInerney a publié ce premier roman en 2016 et a obtenu, d’emblée, de multiples récompenses et des louanges diverses, entre autres celles de la New York Times Book Review qui l’a sélectionné parmi les dix meilleurs romans noirs de l’année. Mais peut-être en avez-vous un peu assez des prix littéraires et des compétitions, en cette fin d’année riche en nominations diverses et variées ? Qu’à cela ne tienne, Hérésies glorieuses, même sans ses récompenses, resterait un des meilleurs romans de l’année, toutes catégories confondues.
Nous sommes à Cork, au sud de la République d’Irlande, ville mi-touristique, mi-populaire, port d’arrivée des touristes français qui ont choisi le ferry pour se rendre en Irlande. Hérésies glorieuses nous entraîne à la découverte des zones d’ombre de cette cité.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]I[/mks_dropcap]l y a Ryan, quinze ans tout juste, lycéen. Il a perdu sa mère quatre ans auparavant et vit avec son père et ses frères et sœurs cadets. Il est l’aîné de la famille, celui qui est censé donner l’exemple… Et qui, pour l’heure, est surtout préoccupé par Karine d’Arcy, l’adorable petite fée qui est dans sa classe depuis trois ans et avec laquelle, à sa grande surprise, il vient de franchir le pas… Le père de famille, Tony Cusack, n’a rien d’un héros. Il picole sec, pique des colères mémorables, rentre à la maison quand ça lui chante.
Il y a Maureen, 59 ans, mère de Jimmy Phelan, revenue au bercail après un bout de vie passé en Italie. Maureen vient de tuer un homme qu’elle a surpris en train de fouiner chez elle. Et elle compte bien sur son fils pour se débarrasser du corps du délit…
Il y a Tara Duane, voisine de la famille de Ryan. Espèce de harpie squelettique et cinglée portée sur les jeunes gens, qui n’a pas son pareil pour semer le bazar partout où elle passe. Et en particulier dans la famille de Ryan…
Il y a la jeune Georgie, fugueuse à 15 ans, maquée à Robbie. Qui, six ans plus tard, disparaît et la laisse sans rien. Georgie, fille de la campagne, ne voit pas quoi faire d’autre que de vendre le seul bien qui lui reste : son corps… Quant à son âme, une secte s’en occupera très vite.
En toile de fond, l’alcool, la coke et autres substances qui servent à faire semblant d’oublier que la vie n’est pas un lit de roses… Et l’Irlande contemporaine : « Les habituels merdiers à déplorer : l’économie, l’Assemblée d’Irlande – le fameux Dail – les rogatons d’intégrité de l’Irlande vendus à l’encan cette semaine sur le marché de l’Europe continentale. » Eh oui, le boom économique irlandais n’est plus ce qu’il était, et surtout il n’a pas profité à tout le monde. C’est justement des laissés-pour-compte de la modernité que nous parle Hérésies glorieuses. Mais aussi de ces choses intemporelles que sont l’amour, la haine, le mépris, la misère, la violence, la colère.
Et puis il y a le style et la maîtrise, confondants pour un premier roman. Lisa McInerney nous rapproche tour à tour de chacun de ses personnages. Petit à petit, elle tisse entre eux des liens complexes et finit par réaliser une toile d’araignée étourdissante, tout en racontant l’histoire de chacun de ses acteurs avec une empathie et un réalisme remarquables. Les dialogues, particulièrement réussis, parviennent à nous cueillir et à nous transporter auprès des personnages, au cœur des intrigues multiples qui, à force de se croiser, de se toucher, de se heurter, finissent par construire une tragédie à la fois vertigineuse, brutale et ancrée dans le réel.
Au-delà des clichés touristiques et des mirages économiques, Lisa McInerney réussit là un beau portrait d’une Irlande mal connue, et livre un constat sans pitié. Un premier roman poignant, foisonnant, merveilleusement écrit et une auteure à suivre de près.
Hérésies glorieuses de Lisa McInerney,
traduit par Catherine Richard-Mas, publié chez Joëlle Losfeld éditions
Feuilletez le livre :