Le passé est un souvenir du présent si bien que le futur n’est rien d’autre qu’un mince espoir auquel on s’accroche le temps de savourer à juste titre le contenu d’un livre, d’un disque. Dans le cas de Loons, le trio Montpelliérain a baigné très tôt dans la pratique musicale, influencés par leurs prédécesseurs qu’ils croisent sur la route ou au détour d’un vinyle. Et ce chemin dans lequel ils se sont engagés pourrait les mener au firmament.
Pourquoi cette panique de l’oubli ? Nous ne vivons sans jamais prendre le temps de regarder le ciel, de visionner droit devant et non dans le rétroviseur, ce qui reste à accomplir, à parcourir. Justement, un vent de remise en cause en profite pour entretenir le freinage constant, ce qui est plutôt bon signe, face à une actualité en périphérie devenue incontrôlable. Les invectives de masse non négligeables de l’obscurantisme ne donnant que très peu de répit, le premier album des Loons apporte un nouveau souffle dans le paysage et une nouvelle énergie dans le Rock. D’ailleurs, la jeunesse s’empare de ce phénomène, avec la ferme intention de porter l’électricité dans les coins les plus reculés.
L’idée que la musique ne soit destinée à rien d’autre qu’à une consommation immédiate, est contrariant; Life is arrive à point nommé, l’album se déguste en plusieurs fragments, répartis dans une ligne temporelle d’une trentaine de minutes, Among The Mourners a toutes les qualités pour squatter l’esprit et fédérer plusieurs générations, en l’espace de 3 minutes. Cet équilibre entre puissance et douceur se répartit par la complicité au chant de Elio et Antoine, soutenu par les rebonds rythmiques de Axel. La boucle n’est pas pour autant bouclée, la chronique pourrait même s’arrêter là. Mais la curiosité monte d’un cran, avec Fight Scene, subtil agrégat de Power Pop et de Post Hardcore, contribuant à façonner la musique de la décennie à venir. Ouais, carrément, le superlatif est lâché, comme des refrains exutoires. My Way que le groupe a rendu populaire sur scène, est ici transfiguré, avec un contrepoint redoutable, l’art subtil de la dissonance vocale avec la charpente mélodique. Par leur précédent Ep, Cold Flames, Loons était identifiable comme le porte-flamme d’une génération réconciliée avec le passé, et en concordance avec le présent. Solace est la jointure parfaite du disque, par ses inflexions Pop, My eyes are drifting dans le texte coïncide dans un parachèvement absolu, avec cette maturité que seuls les vétérans se targuent d’être les derniers survivants d’un monde ankylosé par la nostalgie. Aux oubliettes, les rabâcheurs du passé, Loons trace sa route pied au plancher, dans leur sillage, les mirages se désagrègent, à l’horizon se profile une respiration que Now I Sigh illustre avec une tonalité déroutante, une énergie décuplée qui se renforce avec des murs de guitares capables de bétonner un édifice entier en 2 minutes 35 secondes.
Loons taille dans une nouvelle matière, loin de la redondance des tendances actuelles, écrivant l’histoire, en creusant dans l’asphalte avec la force motrice d’un bolide qui est loin de s’arrêter, une créativité sans limites. L’album est idéal pour réanimer ce besoin impérieux de ressentir l’intensité de la trinité musicale parfaite articulée sous la forme de trois lascars âgés de 21 ans en moyenne, vous obtenez sous vos oreilles, la preuve que le talent n’est pas l’unique propriété d’une lignée de raconteurs, ayant vécu l’âge d’or du Rock. Les beaux jours qui viennent seront différents, vers d’autres saisons, vers d’autres lieux, mais inexorablement, la bande musicale de Loons sera durable et traversera l’éphémère pour se perpétuer au delà du tout plaisir n’est que plaisir d’un jour. Au regard de la pochette, le titre pourrait être l’extension d’un ouroboros dont la boucle n’est pas destinée à revenir à une situation initiale.

Loons – Life Is
Howlin Banana, Head Records et Les Disques du Paradis – 28 novembre 2025


