[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]llez, on ne va pas se le cacher ni tourner autour du pot très longtemps : en cette rentrée musicale, si vous cherchez quelque chose d’un tant soit peu excitant, ce n »est pas du côté du rock qu’il va falloir vous tourner. Clairement. Enfin presque (si on omet le nouvel album de Metz).
Quelques exemples ? Le prochain album de Mélanie De Biasio dont nous reparlerons dans très peu de temps, la collaboration entre le Kronos Quartet et le Trio Da Kali, le dernier Tony Allen ou, ce qui va nous intéresser maintenant, la nouvelle sortie de Maalem Mahmoud Gania.
De… qui ?
Maalem Mahmoud Gania.
Présentation : Mahmoud Gania ou Guinea ou Khania fut un musicien Marocain né à Essaouira en 1951, maître du gnawa, maniant à merveille le gembri, son instrument de prédilection et malheureusement décédé il y a deux ans. Vous me direz, fort à propos, Mahmoud Gania ok, mais pourquoi Maalem devant son nom ? Le Maalem, comme vous le savez (ou pas), est un titre honorifique attribué à celui qui est capable de transmettre un savoir ou un savoir-faire. Titre parfaitement justifié dans le cas de Mahmoud Gania, musicien accompli qui aura permis au gnawa de changer de support (fini les cassettes distribuées seulement au Maroc, bienvenue aux cds) et connaître ainsi une renommée et une crédibilité internationales grâce à quelques collaborations bien senties (citons au hasard Bill Laswell, Pharoah Sanders, Santana, Hamid Drake).
Pour ceux qui ne connaîtraient pas le gnawa ou alors via le prisme de certains groupes comme L’orchestre National De Barbès ou Gnawa Diffusion, c’est une musique traditionnelle marocaine (ça vous l’avez déjà compris plus haut), sorte de rituel magique utilisé pour soigner les troubles mentaux comme somatiques (notamment les piqûres de scorpion). Le principe du gnawa est d’amener le patient à la transe via les percussions, chants et autres utilisations de couleurs lors de cérémonies rituelles et ainsi expulser le mal de son corps.
Cet aspect ethnologique mis à part, il faut bien avouer que sur un plan musical, le gnawa fascine et hypnotise dès que les premières mesures atteignent vos conduits auditifs.
D’un point de vue rythmique, on imagine sans mal ce qui a pu intéresser Page & Plant ou Brian Jones dans les sixties et les amener à en inclure des éléments dans leur musique. Cependant, disons le clairement, récemment, et si on exclut le virage festif que certains groupes lui ont fait prendre, peu ont réussi à le moderniser tout en conservant son essence (un des rares à l’avoir réussi est Rachid Taha sur Garab, morceau final de Made In Medina).
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]T[/mks_dropcap]oujours est-il qu’aujourd’hui, pour sa première sortie, le label Hive Mind Records est allé dénicher au Maroc, avec l’accord de ses héritiers, les derniers enregistrements du Maalem pour les éditer en vinyle.
Colours Of The Night est donc sorti le 8 septembre dernier et s’inscrit dans une orientation gnawa pure et dure se permettant quand même de faire quelques concessions sur un morceau (les claviers new age sur Sidi Sma Ya Boulandi). Néanmoins, hormis ce titre un peu à part (et parenthèse qui permet d’alléger l’ensemble), avec Colours Of The Night, vous faites un trip d’une heure au cœur du Maroc. Mais pas seulement. Parce que la force de ce disque est d’abolir les frontières et vous faire voyager aussi ailleurs. Il permet d’établir des ponts avec l’île de La Réunion (certains titres évoquent la maloya de Danyel Waro), de vous entraîner dans les déserts du Sahara, en compagnie des touaregs, ou encore en Haïti de par son aspect envoûtant, quasi vaudou.
Le schéma des morceaux est toujours un peu le même : de longues plages (entre 8 et 11 minutes) laissant le temps de développer différents dialogues (entre Mahmoud Gania et ses choeurs, le gembri et les différentes percussions), d’imposer des silences ou permettre diverses improvisations (superbes sur Bala Matinba).
Sur chacun des morceaux, les krakebs (sorte de castagnettes Africaines) jouent leur partition sans s’occuper du reste, inflexibles, les percussions (tbel) apportent quelques variations, laissant libre court au gembri de s’exprimer, tantôt volubile, tantôt presque taiseux et Mahmoud Gania, impérial, supervise les échanges.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]près, pour répondre à vos craintes, avec Colours Of The Night, nous sommes pas complètement dans l’ethnologie à la Ocora Radio France dans le sens où la musique de Mahmoud Gania touche tout de même à l’universel. Si son essence est tribale, elle est régulièrement habitée par le blues (dans les rythmes syncopés, le chant) et surtout le jazz (dans la structure permettant aux musiciens de s’exprimer librement), permettant ainsi d’élargir la palette d’auditeurs à laquelle cet excellent disque s’adresse.
Maintenant, si ma description ne vous a pas effrayé plus que ça, il ne vous reste plus qu’à aller sur le bandcamp du label, vous laisser envoûter par cette heure d’hypnose et, pourquoi pas, commander le vinyle. Hive Mind Records (comme moi-même), pour sa première sortie, vous en sera éternellement reconnaissant.
Sortie le 08 septembre en numérique et le 15 en vinyle chez Hive Mind Records ainsi que chez tous les disquaires transis de France et de Navarre.