Alors ?! Qu’a donc encore dans le ventre George Miller, après ses digressions porcines et arctico-soul ? Mad Max est-il après tant d’autres, passé sous le rouleau compresseur du système, sa fury road se permet-elle des sorties de route ?
L’image qui reste clairement de ce quatrième volet, et que la bande annonce avait bien fait de nous promettre, c’est cette citation claire et nette de ce que le deuxième avait de meilleur : celle d’un convoi destroy et poussiéreux ou s’agrègent tout ce que le monde post-apocalyptique compte de plus teigneux pour deux heures de baston folklorique.
Mad Max est un pur trajet, un mouvement quasi continu qui, lorsqu’il se consacre à ce qu’il sait faire, tient la plupart de ses promesses. Certes, les rails du cahier des charges guettent à certains virages, en embuscade : le début est un peu laborieux, et l’on craint le pire lorsque le héros éponyme se trouve empêtré dans sa course par des flashs de sa fille, trauma en carton et d’une laideur particulièrement pénible. Les quelques tentatives d’humour tombent plutôt à plat et l’intrigue n’a pas d’intérêt, (dotée notamment d’un pseudo twist totalement prévisible), ce qui est en soi une bonne nouvelle puisque l’on assume pleinement le véritable sujet du film : son mouvement.
Pour ce faire, deux belles surprises viennent un peu pimenter la mise en place : d’abord, un Max entravé, muselé, rivé en donneur de sang non consentant et passif dans toute la première scène d’action majeure. Hardy, à peine reconnaissable, laisse leur place aux véritables stars, les véhicules, leurs gerbes de flammes et leurs chromes outrageusement phalliques. Mais c’est aussi face à son alter ego qu’il s’efface, Charlize Theron en Furiosa, et sa ribambelle de bimbos préraphaélites qui vous débitent des tirades shakespeariennes au beau milieu du chaos.
Car oui, Mad Max est un film puissamment féminin : de la warrior amputée au regard de glace, des donzelles porteuses aux vieilles motardes dures à cuire à la gâchette acerbe, le récit leur taille la part du lion. Ce qui, en comparaison à des productions comme Fast & Furious, est une très bonne nouvelle.
C’est bien là que se situe le charme de cette grosse et bruyante machine : dans sa complémentarité. Objet mécanique et rutilant, ce qui fait toute sa vivacité se loge dans son inventivité constante. Axé sur une idée très simple, reprendre la sève des films originels et les décupler avec les moyens du jour, à savoir illimités.
Sans pour autant se noyer dans les excès de la CGI (à quelques exceptions), Miller décline à l’infini le potentiel d’une course et d’un abordage. Harpons, boue, nuit, sable, tornades, explosifs, tronçonneuses, explosifs et guitares électriques, lance-flammes et pendules, le trajet est en tous points jouissif, parfaitement lisible dans sa mise en scène et accorde même quelques attentions à l’usage de la 3D par instants.
A l’issue de ces deux heures jubilatoires et éreintantes, un constat fort plaisant s’impose : ce ne sont pas les studios et leur appareil digestif à reboot qui ont eu raison du vieux briscard Miller, qui met un ici un salutaire coup de brise-glace dans la morne plaine du blockbuster.