[dropcap]L[/dropcap]e premier roman de la dramaturge Mariette Navarro, Ultramarins, paru le 19 août chez Quidam éditeur, est un trésor rare de cette rentrée littéraire. Une lecture qui nous embarque dans un océan infini de mystère et de poésie à la couleur bleu intense, comme une invitation au voyage et à la découverte de soi, en quête d’une vérité profonde.
Elle ne sait pas si c’est à l’intérieur d’elle que se logeait le désir de céder ou si quelqu’un dans l’équipage, d’un mot ou d’un regard, a pénétré sa froideur nécessaire. Elle croit que maintenant l’intérieur de son ventre est plus poreux aux vents marins. Mariette Navarro
Quelque part entre les côtes bretonnes et les Antilles, la commandante et ses vingt marins effectuent un voyage de routine. Jusqu’à ce que l’équipage décide de s’offrir une baignade en pleine mer, loin du monde réel et des radars. Un instant de silence et d’abstraction qu’ils espèrent, comme pour renaître à eux-mêmes.
Il aura suffi d’une décision de la commandante, sortant ainsi de sa rigueur habituelle, pour laisser entrer une part d’imprévu et d’irréel dans ce quotidien millimétré. Les raisons de ce revirement sont obscures, lui échappent, elle qui a dû faire ses preuves, bien plus qu’un homme, pour se faire respecter dans ce milieu masculin. Elle, fille de commandant, qui ne conçoit sa vie que sur le pont d’un navire, qui ne fait même qu’un avec sa mécanique, percevant les moindres changements de la machine. Elle ne sait pas pourquoi elle a pris cette décision mais au fond d’elle-même elle sent qu’elle doit laisser les choses lui échapper : une certaine expérience de la solitude et de la perte de repères et des sens.
Ils ont quitté les sons de la terre et de la surface, ils découvrent la musique de leur propre sang, tambour jusqu’à la liesse, percussion jusqu’à la transe. Son noir des apnées, symphonie des apesanteurs. Mariette Navarro
Tandis que les marins plongent dans une mer outrenoir en une longue description poétique à couper le souffle, la commandante, seule sur le cargo, les observe de loin et plonge au fond d’elle-même. Elle laisse les sensations et les souvenirs de son autre moi terrestre l’envahir pour muter définitivement en une forme abstraite appartenant à l’immensité des flots. Elle s’abandonne dans l’intimité de ses marins en une fusion quasi érotique, ne faisant qu’un avec son cargo, habitant l’espace.
Mais il est temps de refermer cette parenthèse enchantée. Lorsque les vingt marins reviennent sur le bateau, ils sont au nombre de vingt et un… quelque chose a changé. L’irréalité du moment laisse place à l’étourdissement et à l’angoisse. La machine s’enraye et la brume les entoure, métaphore du doute. Le cargo ne répond plus et semble avoir pris son autonomie.
Qu’est ce qui est remonté à bord en même temps que ses marins ? Ce nombre trop grand, ce doute, là où il ne devrait jamais y avoir de doute, puisque les chiffres sont faits pour que l’on s’y appuie. Cette grande fatigue.Mariette Navarro
Ultramarins est un roman d’une beauté troublante à la fois poétique et atmosphérique. Nous nous laissons volontiers emporter dans les courants mystérieux que laisse son sillage entre les mots. Si vous voulez vivre une expérience sensorielle hors norme, alors ne passez surtout pas à côté de ce bijou littéraire !
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Ultramarins de Mariette Navarro
Quidam éditeur, 19 août 2021
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Image bandeau : Cameron Venti // Unsplash