Fin Août 2012, alors que nous finissions de nous mélanomiser les 4 faces, sortait, discrètement, Big Inner, premier LP de Matthew Edgar White. Et nous découvrions alors avec délectation le bonheur de se faire bercer par un géant chevelu et barbu, qu’on aurait plus vu en bûcheron métalleux qu’en ourson cajoline® et pourtant…
En 7 titres, le géant, devenu fatboy® pour l’occasion, accueillait avec douceur et dextérité nos enveloppes alanguies par le soleil, pour une séance de massage/relaxation inédite et inattendue, d’une volupté et d’une sensualité… jouissives. La torpeur finissait de nous envahir et en cette fin d’été veille de rentrée s’oublier dans ses bras était un salut inespéré.
Il nous aura fallu attendre presque 3 ans pour que le bon Dr White nous revienne. Nous attendions avec avidité son retour, mais qu’espérions nous si ce n’est retrouver intact ce que nous avions découvert la première fois ? Cette douceur, cette chaleur, cette suavité et toujours cette paisible brise qui souffle inévitablement sur chacune de ses compositions.
Cette pierre philosophale qui transforme nos coeurs en guimauve et nos cervelles en pâte à chou, nous l’espérions, et elle est bien au rendez-vous.
Loin de vous transmuter en un bisounours® mièvre et stupide, ou en un monpetitponey® écervelé et ridicule, il est ici question de profondeur d’âme, de grandeur des sentiments mais aussi d’errances et d’erreurs humaines.
Et même si toutes les compositions affichent une coloration particulièrement riche et chaleureuse, une tonalité enjouée ou apaisée, donnant à l’ensemble une impression de légèreté, les paroles abordent des thèmes universels et existentiels. L’amour, La mort, La foi, Le crime.
Dès le premier titre, Take Care Of My Baby, Matthew E. White annonce la couleur. Il prendra soin de son bébé et nul doute ici, de toute façon je refuse d’imaginer une autre éventualité, le bébé c’est nous. Rappelez vous donc, juste avant de vous laissez porter par le reste de l’album, que l’amour sera prescrit comme remède universel à tous vos maux.
Ce message sonne également comme une mise en garde. En effet tout en nous assurant de sa bienveillance et de son extrême douceur, le géant nous mène sur les chemins de ses questionnements intérieurs. Et ces chemins ne sont pas toujours calmes et tranquilles, gais et paisibles. Parfois oui parfois moins. Mais l’amour triomphe toujours.
Après cette mise au point nécessaire le second titre Rock And Roll Is Cold semble représenter l’épine dorsale de la musique composée par l’artiste . Un mélange de rock, de soul, de jazz, de gospel, créé et partagé entre amis … avec amour.
Et d’amour il en sera encore beaucoup question par la suite, qu’il s’agisse du moment de la rencontre comme dans Golden Robes, de sexualité dans Fruit Trees, de l’engagement dans Vision, ou de la profondeur des sentiments dans Love Is Deep. L’amour, l’amour, l’amour, tu en voulais tu en as. Par les mots, par la délicate voix de Matthew, par les rythmes tantôt langoureux tantôt sensuels, par la finesse des arrangements, par la richesse des compositions, tout ici suinte l’amour.
Donc si la moitié de l’album parle d’amour de quoi parle le reste des titres ? D’amour aussi, mais d’une manière différente, d’un point de vue différent plutôt, comme observé avec divers filtres.
Dans Holy Moly, l’un des titres les plus exceptionnels de cet album, vous pourrez sentir dès les premières mesures la gravité du propos. Evoquant ici l’abus d’enfants par des hommes de foi, le compositeur évidemment révolté, mène la colère et la peur, inévitablement liées à ces crimes, vers la libération. La musique dramatique qui accompagne le texte évoque parfaitement cette progression, de l’ombre à la lumière, les choeurs entonnant un I Will Not Fear Anymore émancipateur.
Dans Circle’ Round The Sun, Matthew E White imagine une chanson d’amour écrite du point de vue d’une récente suicidée (la mère d’un ami proche). White explore là aussi des thèmes qui lui sont chers, la foi, la loyauté, l’amour des siens. Des questions déjà très présentes dans le premier album (Brazos)
Feeling Good Is Good Enough a un positionnement intéressant dans l’album, placé entre les 2 titres qui abordent directement la mort, cette chanson à l’optimisme viral communique un message de bonheur immédiat, de joie de vivre évidente, le refrain vous invitant à sautiller gaiement sans vous soucier du lendemain.
Tranquility viendra perturber votre béatitude puisqu’il s’agit d’une réflexion sur la mort de Philipp Seymour Hoffman, un acteur et artiste que Matthew E White admirait et dont il se sentait très proche. Entre force et fragilité, sans pathos et sans larmoiement. Un sublime au revoir.
Faute de plus de vidéos le trailer qui suit vous permettra de goûter à quelques unes des superbes mélodies de Fresh Blood.
Alors au final que reste-t-il de nos amours ? Nous nous étions laissé aller, en pleine torpeur estivale, dans les bras du géant. Revenu au creux de l’hiver pour soigner notre dépression saisonnière, largement aggravée par l’ambiance plus que morose et les tristes actualités, il nous réchauffe encore et nous offre avec ce deuxième album un apaisement profitable.
Dans la droite ligne de son prédécesseur, Fresh Blood ne propose véritablement rien de nouveau, rien qui viendrait bouleverser l’auditeur. Et pourtant ayant eu la chance d’écouter l’album depuis plusieurs semaines je note que j’y reviens et reviens encore.
Les mélodies m’attachent et m’accompagnent, sans être obsédantes mais plutôt réconfortantes. J’y reviens car je m’y sens bien, à l’abri et en terrain connu, ce qui parfois vous l’avouerez est indispensable. Quand un remède est efficace pourquoi vouloir le modifier ?
Et on y revient d’autant plus que la structure, en multicouches et en foisonnement de détails, des compositions de Matthew E. White ne peut se révéler que dans la répétition.
Et comme cela a été le cas pour Big Inner, tout me porte à croire que cet album encore ne restera jamais très loin de nos platines et donc de nos oreilles.
Merci
L’album est sorti chez Domino et est disponible depuis le 9 Mars chez tous vos disquaires et en écoute sur spotify :