[dropcap]L[/dropcap]e pluriel du titre constitue une première indication précieuse. Quand le sociologue québécois Mark Fortier décide de lire l’ensemble de la production de Mathieu Bock-Côté (MBC) durant une année, s’attend-il à en extraire autant de hantises conservatrices ? Présenté comme un « agitateur omniprésent », le chroniqueur canadien a notamment ses ronds de serviette au Figaro et à Valeurs actuelles. Il n’est jamais le dernier à crier haro sur l’immigration, le multiculturalisme, le politiquement correct, une certaine presse, la gauche, le progressisme…
«Je ne saurai jamais ce que pense un ver de terre ou un caillou. Il m’est cependant permis d’espérer comprendre Mathieu Bock-Côté, car on peut toujours aspirer à percer l’écorce d’une idée, même celles qui surgissent devant nous comme des phénomènes extraterrestres.»
Une question sous-tend le court essai de Mark Fortier : comment un tel discours, conservateur et arc-bouté sur la notion d’héritage, peut-il trouver un écho si favorable dans nos sociétés modernes ? La réponse est complexe et se décompose en plusieurs points. Il y a d’abord cette redéfinition du langage que Victor Klemperer, en d’autres circonstances, avait jadis étudiée. Les mots se trouvent soudainement porteurs de significations nouvelles, employés comme des armes, incubateurs de peurs. Mark Fortier évoque « l’empire du verbiage » qui, à ses yeux, unit Mathieu Bock-Côté et un penseur comme Slavoj Žižek. Il décrit des énonciations semblables à des ouragans : à l’extérieur, tout est emporté ; à l’intérieur, cependant, c’est le vide absolu.
Alors qu’il déclare, avec un sens de la métaphore qui lui est typique, s’astreindre à une immersion comparable à celle de Morgan Spurlock dans Super Size Me, Mark Fortier devine derrière les mots de Mathieu Bock-Côté quelques-unes des marottes de la droite populiste et/ou conservatrice : les replis identitaires, la dénonciation d’une censure de gauche au nom du politiquement correct, un appel à abaisser les seuils de l’immigration, une appétence jamais démentie pour l’ordre et les traditions, la crainte d’une société québécoise tombant en déliquescence, etc. « Tous ses raisonnements aboutissent à des notions aussi flamboyantes que leur définition reste vaseuse », écrit l’auteur, qui voit également en MBC un clerc dans l’équilibrisme argumentatif formulé en « Oui, mais… ».
L’examen est loin d’être inutile et Mark Fortier a la bonne idée de le compléter en opérant quelques détours historiques (par le fascisme par exemple), en évoquant Victor Gruen (le créateur déçu des centres commerciaux) ou les luttes de classes, voire en opposant, certes un peu schématiquement, les excès de la bonté (extrême gauche) à ceux du ressentiment (extrême droite). Si on aurait aimé trouver dans cet essai davantage de profondeur théorique, il n’en demeure pas moins un témoin précieux de l’époque.
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Mélancolies identitaires
de Mark Fortier
Paru aux éditions Lux en janvier 2020
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Image bandeau : Pixabay