[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]U[/mks_dropcap]n opéra folk moderne, c’est par ces mots que Micah P. Hinson nous présente son tout nouveau projet dénommé The Holy Strangers. Dans la bouche d’un autre, on serait prêt à prendre nos jambes à nos cous, mais venant de notre drôle de bonhomme avec sa dégaine d’adolescent à la tête de petit vieux, on n’a qu’une hâte, c’est poser la galette sur la platine et de découvrir ses saints étrangers.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]E[/mks_dropcap]n me replongeant dans la discographie de Micah P. Hinson, j’ai trouvé le seul petit bémol que je ferais à cette nouvelle excellente cuvée : la pochette…, non qu’elle soit moche, elle est même plutôt drôle avec cette frimousse, mélange de hobbit et de dandy. Il faut bien avouer en effet avoir repéré ce petit bonhomme par la grâce de quelques pochettes sublimes et sensuelles, à commencer par son premier disque paru en 2004, Micah P. Hinson And The Gospel Of Progress.
Micah Paul Hinson est né en 1981 à Memphis avant de s’installer au Texas, à Abilène plus précisément. Découvrant la musique grâce à son grand frère, c’est John-Mark Lapham des Earlies qui lui met les pieds à l’étrier pour se lancer et produit ses premiers enregistrements qu’on retrouvera sur l’EP The Baby & The Satellite.
Ils réalisent également ensemble Lights From the Wheelhouse un magnifique EP où folk et post-rock se mêlent et s’entremêlent avec brio, sous le nom de The Late Cord.
Malgré ses addictions, ses problèmes de santé et un terrible accident de voiture, il enchaîne les albums à un rythme de métronome, avec sa superbe voix fracassée et des compagnons de route fidèles mais discrets. Ses meilleures chansons sont à trouver sur Micah P. Hinson And The Opera Circuit ou Micah P. Hinson And The Red Empire Orchestra.
En 2014, sort le magnifique Micah P. Hinson And The Nothing, enregistré en Espagne, en pleine convalescence suite à cet accident qui faillit le priver de l’usage de ses bras.
C’est donc avec un grand plaisir qu’on le retrouve aujourd’hui, toujours aussi cabossé, rejeton malicieux et torturé des Johnny Cash ou de Townes Van Zandt, qui aurait trop écouté Brian Eno.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]a filiation avec Johnny Cash est d’ailleurs évidente sur le magnifique Lover’s Lane, petite chanson country délicieuse, mais Micah P. Hinson nous fait comprendre, dès les premières envolées de cordes du superbe instrumental The Years Tire On, que l’ambition est ailleurs et qu’il veut dépasser les limites du folk traditionnel.
Violons et violoncelles sont ainsi omniprésents, portés par des musiciens dont le fidèle T. Nicholas Phelps ou Ambra Chiara Michelangeli du Trio Improvviso, au diapason de leur capitaine de route, modestes et ambitieux.
The Holy Strangers alterne en effet chansons classiques et morceaux instrumentaux audacieux, avec en son milieu, pierre angulaire du disque, le long morceau parlé Micah Book One, triste et fascinante élégie, renvoyant à son enfance, élevé par des parents fondamentalistes.
C’est d’ailleurs le tour de force et le paradoxe du disque : les morceaux non chantés, bien loin d’être d’inutiles intermèdes, se révèlent les plus beaux moments du disque, frissons instantanés à l’écoute de The Memorial Day Massacre ou The War, la splendeur parmi les splendeurs de cet opéra folk, quitte à nous donner envie qu’il se taise à jamais.
Nous avons en effet beau aimer la voix inégalable de Micah P. Hinson, c’est quand il se tait qu’on l’adore, et ce, dès les premières notes de The Years Tire On, c’est vous dire s’il est fort ! C’est même difficile de ne pas se passer en mode repeat The War, ces quelques notes de piano envoutantes, la pureté de ces cordes pincées, un joyau de 4 minutes.
The Holy Strangers raconte l’histoire forcément dramatique d’une famille en temps de guerre, la naissance et la mort, les joies et les peines. L’émotion s’inscrit au creux de The Void, torch song lancinante ou la somptueuse ballade à la Tom Waits Oh Spaceman.
The Darling nous renvoie à ses premiers albums, chanson d’un amour qu’on noierait dans un verre de bière alors que The Last Song, d’une fracassante beauté, finit de vous faire chialer toutes les larmes de notre corps, jusqu’aux notes finales de Come By Here, version à l’os d’un Kumbaya rachitique et désolée.
Micah P. Hinson Presents The Holy Strangers, disque majestueux et envoûtant est disponible chez Full Time Hobby/PIAS, depuis le 8 septembre.