[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#305D77″]D[/mks_dropcap]u nom d’un cinéma de quartier qui fut légendaire dans Paris, « Midi-Minuit » nous emmène sur les traces de Marco Corvo, réalisateur mythique du « cinéma bis » italien des années 60-70. Un quart de siècle plus tard, alors que le cinéaste est passé depuis aux oubliettes, deux cinéphiles français obtiennent une interview exclusive. Mais dans leur sillage débute une série de meurtres sanglants. Entre fiction et réalité, un habile polar de la collection Aire Libre, signé Doug Headline et Massimo Semerano.
Cette bande-dessinée est un vrai patchwork, mêlant à ses cases de nombreuses images de films comme autant de références à un genre totalement à part : le Giallo, dont le cahier des charges est très précis. Celui-ci doit être nourri de sombres secrets, de crimes diaboliques, de vices et de supplices. Le sadisme y a ses entrées, de même que les assassins masqués et les crimes à l’arme blanche. Autant d’ingrédients propres au thriller façon sauce italienne.
D’abord genre littéraire puis code cinématographique à l’esthétisme raffiné, le Giallo place généralement la femme, victime ou criminelle, au centre de son intrigue. Un décorum particulier, usé jusqu’à la corde par Dario Argento, par exemple.
Icône et personnage central de « Midi-Minuit« , Marco Corvo est l’un des précurseurs de ce genre si particulier, prenant une forme de cinéma parallèle. Mais il n’a pas bénéficié de l’aura d’un Sergio Leone, par exemple, avec lequel il a travaillé à ses débuts. En effet, si Corvo est reconnu par les aficionados comme un cinéaste passé maître dans l’art du Gallio et que ces films sont devenus cultes pour certains, il n’a pas échappé à une critique souvent dure par ailleurs : trop expérimental, pas assez commercial, pas assez populaire.
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C’est sur cette base historique et passionnante que les deux auteurs de la BD, Headline (« Fatale« , Dupuis) et Semerano (« Les enfants du crépuscule« , Les Humanoïdes associés) construisent leur fiction. Pour cela, ils mettent en scène deux journalistes fans absolus de cinéma bis, dénommés François Renard et Christophe Lemaire. Ils écument les rares salles qui, plus de 20 ans après, programment encore ces films aux titres improbables : « Des vierges pour le bourreau« , « Le moulin des supplices« , « Virus cannibale« , « La tarentule au ventre noir« …
Et puis un jour, on leur propose de décrocher le Graal : une interview du maestro Corvo, retiré des affaires depuis l’étrange disparition de son actrice fétiche et femme de sa vie, Luisa Diamanti. Direction donc : les collines toscanes.
Cependant, les choses ne vont pas toutes se passer comme prévu. Tel un rappel des scènes les plus barbares et sophistiquées de la grande époque du Gallio, les critiques de cinéma ayant autrefois vilipendé les films de Corvo sont atrocement mutilés les uns après les autres. Un flic tenace mène l’enquête (celui-là même qui tente, depuis 20 ans, de retrouver Luisa Diamanti…).
L’intrigue se révèle particulièrement divertissante et s’inscrit dans un univers original. Sur la forme, la BD se révèle qui plus est de bonne facture, avec en bonus une filmographie de Corvo, un petit laïus sur le genre « Gallio » et de nombreuses affiches de cinéma. Qui a dit que, parfois, le 7e art était maudit ?
Midi-Minuit – Doug Headline, Massimo Semerano
Aire Libre, Dupuis – 15 juin 2018