Quand vient à sortir Vauxhall & I, son quatrième album solo, Morrissey vient de passer quelques sales moments, méchamment éreinté par la presse qui l’avait toujours jusque là soutenu. Il faut dire que l’ex chanteur des Smiths l’avait bien cherché, avec ses provocations ultranationalistes, l’ambigu National Front Disco sur Your Arsenal, son disque précédent ou bien l’Union Jack fièrement porté sur scène. Le bonhomme fera bien plus nul encore par la suite mais là, il a besoin de redorer son blason et se lance dans ce disque, comme si c’était le dernier.
Entouré d’Alan Whyte, Boz Boorer, Jonny Bridgewood et Woodie Taylor, qui réussissent ici à se mettre vraiment au niveau de leur patron, produit par Steve Lillywhite, Morrissey atteint le sommet de sa carrière solo, chantant comme jamais, entre colère et flamboyance, fortement marqué et influencé par la mort d’amis proches comme Mike Ronson, l’ex-guitariste de David Bowie, qui avait produit Your Arsenal mais aussi son manager et son directeur vidéo.
L’album s’ouvre sur ces mots « There’s Gonna Be Some Trouble A House Will Need A Re-Building » sur le splendide Now My Heart Is Full, donnant le ton d’un album explorant l’amitié et l’amour, la solitude et le passage définitif à l’age adulte, Morrissey a alors 35 ans et sa jeunesse commence à foutre le camp, le laissant amer et sombre.
Cela se traduit par des chansons comme le terrible et terrifiant The More You Ignore Me, the Closer I Get, Hold On To Your Friends (But Now You Only Call Me When You’re Feeling Depressed
When You Feel Happy I’m So Far From Your Mind) ou bien encore I Am Hated For Loving.
Il faut le talent et l’humour très tordu de Morrissey pour ne pas sombrer dans la déprime à l’écoute de tels propos, car capable d’autodérision et de prise de conscience sur l’excellent Used To Be A Sweet Boy. Surtout et comme jamais, Morrissey retrouve la magie des Smiths sur des incroyables chansons comme Lifeguard Sleeping, Girl Drowning ou The Lazy Sunbathers.
Ses musiciens sont aussi au rendez-vous du génie du bonhomme, précis, ambitieux, sans lourdeur aucune même sur les morceaux les plus enlevés comme Spring-Heeled Jim, Billy Bud ou le final Speedway, sur lesquels la doublette basse-batterie de Bridgewood et Taylor est remarquable. 30 ans plus tard, Vauxhall & I n’a pas pris une ride et reste le chef d’œuvre incontesté de Morrissey.