[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#0d9e9e »]S[/mks_dropcap]acré beau pavé que ces presque 200 pages de bande dessinée adaptées d’un roman noir de Manchette. Aux manettes, Doug Headline, fils du célèbre écrivain. Et Max Cabanes, dont le dessin inspiré a déjà été récompensé à Angoulême. Nada (Aire Libre) est un polar mythique autant que politique : au début des années 70, un groupe de paumés affiliés à l’extrême gauche va tuer le mauvais temps en enlevant l’ambassadeur des États-Unis.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#0d9e9e »]C[/mks_dropcap]e qui est intéressant avec cet ouvrage, c’est qu’il se compose comme un puzzle. Les premières pages prennent le temps de nous familiariser avec les personnages, avant de nous amener jusqu’au bout de leur parcours idéaliste et mortifère. On les suit ainsi dans leurs connexions troubles.
L’alcoolique Darcy est une connaissance du plus tout jeune Epaulard, « expert en tas de choses » qui a vendu ses services du Mexique à la Guinée, de l’Algérie à Cuba. À l’époque du FLN algérien, ce dernier a bien connu un autre incontournable du groupe Nada, le dénommé Buenaventura Dia, anarchiste catalan, lui-même ami de Marcel Treuffais, professeur de philosophie raciste et malade de la bourgeoisie ambiante. Il y a aussi Meyer, serveur de bar portant nœud papillon, introverti, et tout aussi dépressif que sa femme, qui n’en finit plus de nourrir son spleen au Gardénal.
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Et puis enfin, le rôle de femme fatale, passionaria du groupe, est incarnée par Véronique Cash. Regard vert intrusif, nez délicieux, bouche rouge aguicheuse… Caution sexy de tout bon polar qui se respecte, la belle ne sera pas la moins dangereuse. Même Epaulard, l’aventurier international, se laissera embarquer.
Face à eux, un terrorisme d’État s’organise autour du commissaire Goémond, pour qui la bande de voyous politiques ayant enlevé l’ambassadeur mérite avant tout d’être collée au mur… Ainsi donc, même si Epaulard avait mis dans sa tête de ne pas tomber les armes à la main, le massacre aura bien lieu. Et le scénario nous entraîne vers le paroxysme de la violence et des règlements de compte politique, sous couvert de retour de rétablissement de l’ordre public. La scène de l’assaut final, notamment, tient absolument en haleine et vaut son pesant de situations assassines.
En dehors même des dialogues, les textes, très écrits et très denses, sont placés dans des encadrés blancs et leur typographie donne l’illusion d’un rapport de police distancié tapé à la machine, nous rendant compte au fur et à mesure de l’histoire qui se trame.
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Quant aux dessins – à commencer par la magnifique couverture de la BD, happée par une volute de fumée de cigarette – ils donnent à voir quelques sacrés belles gueules et sont baignées dans des couleurs teintées de bleu, de vert et de gris, illustrant l’ambiance de fin du monde dans laquelle va baigner Nada.
Nada (adaptation du roman de Manchette) par Doug Headline et Max Cabanes
Collection Aire Libre (Dupuis), octobre 2018