C’est avec son troisième album solo, Broken Flowers, que Nev Cottee a commencé à faire sérieusement parler de lui dans l’hexagone. Pour décrire sa musique il vous invite à imaginer Lee Hazlewood en leader de Spiritualized. Ajoutez du Gainsbourg-Vannier période Melody Nelson et vous aurez une bonne idée de la qualité de ce disque intemporel. Addict-Culture à rencontré Nev Cottee à l’occasion de sa venue à Paris à la FGO Barbara le 18 mai. Des places sont à gagner en fin d’article. Visiblement pressé d’arriver à Paris pour allumer une Gitane en hommage à Serge Gainsbourg, Nev Cottee nous explique comment il s’est réinventé en se lançant en solo. Il évoque également l’enregistrement en Inde de Broken Flowers, et sa passion pour la musique française.
Tu as joué dans plusieurs groupes dans les 90’s, dont Proud Mary, Folks and The Second Floor. As-tu hésité avant de te lancer en solo ?
J’ai toujours voulu faire partie d’un groupe, être membre d’un gang. Plus particulièrement les Rolling Stones. Puis, plus tard, The Band. J’ai finalement réalisé que je ne serais jamais Keith Richards, mais moi-même. J’avais enfin trouvé ma voie. Je n’ai plus jamais regardé en arrière. Je ne pourrais plus faire partie d’un groupe. J’ai un groupe, mais c’est MON groupe.
Tu as mis cinq ans à composer Stations, ton premier album. Depuis sa sortie en 2013, tu en as sorti deux autres, Strange News From The Sun et Broken Flowers. Accoucher de Stations a t-il débloqué quelque chose en toi ?
Sans aucun doute. C’était comme avoir ouvert la boîte de pandore. Ça m’a pris du temps. Depuis je n’arrête plus de composer. J’ai l’impression que c’est un début. Le nouvel album est écrit, et je travaille déjà sur le suivant.
Tu viens de sortir un single inédit, Northern Light. Pourrais-tu nous en dire plus sur ce titre qui se démarque de ceux de l’album Broken Flowers ?
Parfois vous avez un stock de chansons parmi lesquelles un ou deux titres semblent ne pas s’intégrer. Je crée toujours un album pour qu’il fonctionne en tant qu’unité. Northern Light n’avait pas sa place sur Broken Flowers. Comme c’est un titre que j’aime beaucoup, j’ai décidé de le sortir dans un autre cadre.
Pourquoi avoir enregistré l’album en Inde ?
Parce qu’il y fait chaud l’hiver. A l’inverse de Manchester où j’habite. Ça me tenait également éloigné de mon ex compagne. Nous avons réussi à monter un petit studio d’enregistrement sur place. Toutes les conditions étaient réunies, les chansons ont rapidement commencé à prendre forme. Au bout d’un moment, la chaleur a commencé à devenir trop pesante. Mon ex avait déménagé, je suis rentré à la maison.
Ce n’est pas ton premier séjour dans ce pays. Qu’est-ce qui t’attire là-bas ?
Il y a une intemporalité dans ce pays dont j’ai réussi à tirer profit. Une sorte d’ennui Ballardien (« A Ballardian ennui » en Anglais. Une émotion telle que l’on pourrait la ressentir dans l’œuvre de l’écrivain James Graham Ballard ndlr).
Tu ne sembles pas avoir utilisé ton séjour en Inde pour y puiser des influences ou des références. Broken Flowers est un disque plutôt Anglais. Y a t-il une raison qui le justifie ?
Etre loin de chez soi apporte une distance psychologique bénéfique. Je trouve naturel d’écrire sur sa vie à un moment où tu tentes de t’en échapper. Certaines références sont anglaises parce que je n’ai pas chassé mon naturel. Je suis en mission pour redonner une vision intègre à l’identité britannique. Une vision ouverte sur l’extérieur, à l’opposé de ce que représente le Brexit. Mon Royaume-Unis est le pays qui nous a apporté Emily Pankhurst, The Kinks, Dylan Thomas, Bill Forsyth, Petula Clarke, Thomas De Quincy, The Specials et Alan Turring.
Tu as enregistré une partie de Broken Flowers aux mêmes studios que pour ton premier album, The Magic Lantern. Tu as également fait appel à Mason Neely qui s’était occupé des cordes de Stations. As-tu besoin de travailler dans un cadre rassurant ?
Pour ces trois albums, oui. Pour le prochain, je change tout. Broken Flowers a atteint un niveau de production qui va être difficile à égaler. Son successeur va être enregistré plus rapidement. Il aura un feeling centré autour des chansons, plus dépouillé. Je suis devenu obsédé par Neil Young. Il est sans aucun doute un des plus grands songwriter de tous les temps. Son œuvre a influencé mes nouvelles chansons.
D’où te vient ta passion pour les cordes. Y a-t-il des albums qui t’ont profondément marqué qui t’ont donné envie d’explorer cette voie ?
Serge Gainsbourg et Jean-Claude Vannier, John Barry, Morricone, Arthur Lee & Love, George Martin, Air, Richard Hawley, Neil Young & Jack Nitzsche, Beck, Steve Reich, Mercury Rev… Il y a trop d’albums essentiels pour établir une liste définitive. Les plus grands artistes ont toujours mis des orchestres à cordes au premier plan.
Sous quel type de formation vas-tu te produire à Paris ? Y aura t-il des cordes ?
Je suis entouré d’une escouade qui change en permanence. Je ne travaille qu’avec des musiciens talentueux. Ils sont tout le temps occupés. C’est justifié. Il y a quelques réguliers comme Chris Hillman à la guitare et à la pedal steel et Eliot Barlow à la batterie. Pour les cordes, je me produis avec une violoncelliste. Des questions logistiques évidentes font qu’elle ne sera pas présente à Paris. J’espère qu’elle sera disponible si j’arrive un jour à jouer au Sacré Cœur.
Le concert parisien du 18 mai sera ton premier dans la capitale en solo. Que représente cette ville musicalement pour toi ?
Serge Gainsbourg est ma pierre angulaire en tant que compositeur, parolier et bien au-delà. Il est Ukrainien il me semble. Pourtant, il EST Paris. J’ai arrêté de fumer récemment, mais je pense que je vais m’y remettre dès mon arrivée à Paris pour m’imprégner de son esprit. J’ai toujours aimé le travail de Françoise Hardy, surtout son album One Nine Seven Zero (initialement sorti pour le marché anglais ndlr). C’est très chic (en français dans le texte). Tout ce qu’a produit France Gall après l’eurovision est pas mal non plus. Mais il y a aussi Air. Il me semble qu’ils viennent d’une banlieue bourgeoise. J’aime tout ce qu’ils ont produit. C’est un groupe fantastique.
Le traitement de la basse et des cordes sur Broken Flowers rappelle parfois le son du Melody Nelson de Gainsbourg. Tu sembles être un grand fan du fumeur de Gitanes et de l’arrangeur de cet album, Jean-Claude Vannier.
Je pourrais écouter Melody Nelson en boucle. Le phrasé, l’espièglerie, les musiciens, les cordes. J’ai lu des livres et regardé des documentaires sur ce disque. J’ai même essayé d’en recréer l’état d’esprit en studio. L’album L’Enfant Assassin Des Mouches de Vannier est aussi un classique. Le label Finders Keepers l’a réédité il y a quelques années en vinyle. C’est une pierre angulaire. Le son de basse est si particulier sur Melody Nelson. Je ne connais que Lee Hazlewood ou Scott Walker qui ont réussi à créer une sensation similaire. The Shadows ou Joe Meek ont peut-être introduit ce type spécifique de son, mais Serge Gainsbourg l’a sublimé.
Un autre point commun est la lenteur et le phrasé parlé. Initialement ce n’était pas ton style de chant. Pourrais-tu nous dire comment tu as trouvé cette façon de chanter qui te caractérise ?
C’est venu avec l’âge. Qui veut entendre un homme arrivé au milieu de sa vie hurler comme un gamin de 18 ans. Certains rockers y arrivent peut-être, mais pas moi. Si vous êtes en quête de sang, de sueur et de larmes vous allez être déçu si vous venez me voir en concert. Vous trouverez du sang uniquement dans mes paroles. Je suis facétieux… Je ne vais pas refaire ma voix. Je trouve qu’elle offre une richesse harmonieuse dans son approche des chansons. Leonard Cohen, nous le savons, est le maître en la matière. J’aborde mes parties vocales en imaginant que Leonard me surveille discrètement.
Ta musique ne se rattache à aucune scène actuelle. Elle se démarque par son intemporalité. Jouer une musique intemporelle était-il ton objectif de départ ?
Je ne m’intéresse pas vraiment aux nouveautés. J’ai des amis qui me donnent des conseils. Je fais parfois l’effort d’écouter leurs recommandations. J’arrive à y trouver des trucs qui m’inspirent. Pour être honnête je me moque totalement de ce qui se passe dans le « zeigest ». J’ai un dégoût des rouages de l’industrie de la musique. C’est eux qui m’ont rendu amer. Avec certains artistes, la musique passe au second plan. Ils donnent l’impression de promouvoir un style de vie. Sont-ils capables d’écrire une bonne chanson ? Moi oui.
Nev Cottee sera en concert exceptionnel à la FGO Barbara de Paris le 18 mai prochain. Addict-Culture vous fait gagner 2×2 places. Pour tenter votre chance, il suffit de répondre à la question suivante :
JEU CLOTURÉ