[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]S[/mks_dropcap]i vous avez eu la chance de voyager dans un endroit lointain, dépaysant, tellement différent du quotidien, vous connaissez sûrement le plaisir de se trouver dans un tel endroit. Si vous êtes encore plus chanceux, peut-être avez vous pu y retourner une seconde fois. Et c’est un plaisir incroyable que de se retrouver à l’autre bout du monde, et d’arriver dans un endroit que l’on connaît déjà et de le redécouvrir. Si c’est votre cas, alors vous aurez une idée du plaisir que j’ai ressenti de me retrouver sous la Pyramid Stage pour une seconde fois cette année.
Glastonbury, ça n’est pas très loin, mais c’est on ne peut plus dépaysant, et on ne peut plus différent du quotidien. Et c’est un euphémisme de le dire. Je m’estimais déjà extrêmement chanceux d’avoir pu y aller rien qu’une fois, en 2014. Pouvoir y retourner c’était inespéré.
Vu la vitesse folle à laquelle se vendent les billets, réussir à aller à Glastonbury est une question de chance. Et je pense que tous ceux présent dans le bus qui nous a amenés depuis Victoria Station à Londres jusqu’au festival en étaient conscients. C’est un murmure de joie qui a parcouru les rangées quand, au détour d’une éclaircie entre les haies des chemins creux du Somerset, nous avons enfin pu apercevoir l’immense site du festival.
Dès la descente du bus, nous sommes accueillis à bras ouvert par la boue. Il faut dire qu’il a plu des trombes d’eau les semaines précédant le festival. Dommage pour ceux qui pensaient « Oh je vais attendre d’être arrivé pour mettre mes bottes« . Dès la file d’attente pour rentrer sur le site, c’est la pataugeoire. Les gens qui tirent des chariots avec toutes leurs affaires et tout leur alcool en sont quitte pour une bonne galère. D’autres, plus malins, ont pris des luges. La boue fut d’ailleurs à l’origine d’embouteillages monstrueux pour tous les festivaliers, sans exceptions. Le site n’est pas très reluisant vu de l’extérieur : une muraille de 4 mètres de haut l’entoure entièrement, soit pour empêcher les resquilleurs, soit pour mieux cacher les merveilles qu’il recèle.
Une fois passé le contrôle des billets, et paré d’un zouli bracelet, direction un endroit pour planter sa tente. Les zones de camping sont à l’intérieur du site, parfois même au ras des scènes. Pour choisir, tout dépend de ce que l’on souhaite : un endroit vivant, ou un endroit plus calme. C’est cette dernière option que je préfère, donc direction la zone Hitchin Hill, tout au nord du site. Elle a de plus l’avantage d’être en hauteur, garantie d’une jolie vue, et aussi garantie de ne pas être inondé en cas de pluie diluvienne (l’édition 2005 est restée dans les mémoires). Autre avantage non négligeable : le Lulu’s Café et ses petits déjeuners anglais revigorants est juste à côté.
A peine les dernières sardines plantées qu’il nous tarde d’aller explorer le site. Tout ce qui m’avait émerveillé il y a deux ans est là, au même endroit. C’est comme si j’étais parti hier !! Cette bonne vieille Pyramid Stage est toujours aussi vaillante, et décorée cette année d’un éclair Ziggy Stardust.
[mks_pullquote align= »left » width= »250″ size= »24″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″] »On ne se retourne pas tant qu’on n’est pas arrivé en haut« [/mks_pullquote]
Et juste derrière, je retrouve le Cider Bus pour la première pinte du festival. Glastonbury a la particularité de n’être sponsorisée par aucune marque de boisson, donc ils vendent ce qu’ils veulent, et les fermiers du coin en profitent pour venir vendre leur production de cidre. Le Cider Bus est présent depuis le premier festival, en 1970.
A l’autre bout du site, nous arrivons au pied de la colline où trônent au sommet les lettres GLASTONBURY façon Hollywood , mais en plus coloré. C’est parti pour la grimpette, avec pour consigne « on ne se retourne pas tant qu’on n’est pas arrivé en haut« . Quand on a enfin le droit de se retourner l’effet est saisissant : on prend vraiment conscience de l’immensité du site. Seuls les endroits proches de l’horizon ne font pas partie du festival. Tout le reste n’est que multitudes de points multicolores (les milliers de tentes), au milieu desquels trônent une centaine de chapiteaux.
La nuit tombe, direction le Sacred Space pour la cérémonie d’ouverture du festival. Le Sacred Space est une vaste étendue d’herbe, une des seules zones vides du festival, à l’exception du Stone Circle, un Stonehenge miniature placé au milieu. Un endroit assez curieux, repère des hippies et des adeptes du protoxyde d’azote (le bruit des cartouches que l’on perce pour gonfler un ballon fait partie du paysage, comme celui des cigales en Provence). Il parait qu’il s’y passe des choses vraiment curieuses en plein milieu de la nuit, et qu’il faut au moins une fois y regarder le lever de soleil. Je n’ai malheureusement expérimenté aucun des deux.
Parmi les animateurs de cette soirée figurent la chorale hippie Shakti Sings, que l’on retrouve facilement puisque tout habillée et maquillée de rouge. En prélude à la cérémonie, ils proposent à quiconque se sent de pousser la chansonnette de les rejoindre pour chanter avec eux. Des chansons à plusieurs voix, mais très simples, et très facile à apprendre. L’effet est saisissant. Qu’est-ce qu’on est bien ici !
Nous suivons ensuite la chorale au travers le Stone Circle en entonnant « Sacred Ground , sacred ground, we are walking on sacred ground….« , et la cérémonie commence. Hippie au possible. Prière pour les dieux du nord, de l’ouest, de l’est et du sud, chants de moines tibétains, la chorale Shakti Sings, cracheurs de feu, et bruits de capsule de protoxyde d’azote.
Enfin, après un feu d’artifice, la cérémonie se clôt avec un bonfire : le feu est mis à un énorme tas de bois au dessus duquel trône un immense phœnix. Il brûlera toute la nuit. Plus longtemps que nous qui rentrons à nos tentes, le temps de traverser le site du festival. Trois bons quarts d’heure…
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]J[/mks_dropcap]eudi matin, l’empereur, sa femme, et le petit prince… euh. Jeudi matin donc. Encore une journée de flânerie avant que les choses sérieuses ne commencent à partir de demain. Une partie de la journée a été occupée à parcourir les zones que nous n’avions pas eu le temps d’explorer hier. Tout d’abord, le Glasto Latino et ses cours de salsa endiablés : c’est très sympa à faire un peu pompette, seulement il y a deux problèmes. Déjà ce n’est pas facile de danser la salsa avec des godillots pleins de boue. Et ensuite, passer la version salsa de « C’est la Vie » c’est l’assurance d’avoir Magic System dans la tête pour toute la durée du festival. Mes compères m’en veulent encore à mort… Bon.
Nous parcourons ensuite le Healing Fields, une zone où ont poussé tout un tas de petites tentes et de petites roulottes, et où il est possible de de faire masser, de consulter une diseuse de bonne aventure, ou même de se marier (si si !). Un peu plus loin, une zone est dédiée à la fabrication artisanale, et il est possible de s’initier à la taille de pierre, de bois, au lancer de hache, il y a même des forgerons.
De retour à la Pyramid Stage, avec l’objectif avoué de faire une sieste, une demoiselle nous demande quel est le drapeau de Trinidad et Tobago, car ses amis sont à côté. « Euuuuuh, peut-être celui-là, là-bas au loin ? » L’occasion de vous dire que les drapeaux sont omniprésents à Glastonbury. Au milieu de la multitude du festival, c’est le meilleur moyen pour retrouver des gens ou sa tente. Et c’est aussi un concours d’originalité et de loufoquerie. A la mode cette année, les drapeaux « Hold the Door » ou « Flaggy Mc FlagFace« . Le meilleur restant « David Baguetta« , avec un morceau de pain qui mixe.
Les concerts n’ayant pas encore commencé, la fosse de la Pyramid Stage est encore pleine d’herbe. Pendant que des gosses font des roulades sans fin à côté, permettez-moi de piquer un petit roupillon… zzz….. Ah ça va mieux. Cet après-midi, un petit hommage à David Bowie, en forme de karaoké géant était prévu dans un coin de la Pyramid Arena.
Malheureusement, on ne peut pas dire que ce fut une grande réussite. La faute à la sono de la Pyramid Stage qui nous bombardait de Tame Impala tout du long (et toujours la même chanson !). A cela s’ajoute le fait qu’il fallait avoir de bon zieux pour pourvoir lire les paroles des chansons sur le petit panneau, et leur sono était légèrement sous-dimensionnée. David Bowie a dû se retourner dans sa tombe. Heureusement, quelques jours plus tard, un flash mob en face de la Pyramid Stage fut beaucoup plus réussi.
Si les concerts sur les grandes scènes n’ont pas encore commencé, en revanche c’est déjà actif sur la multitude de petites scènes. Sous la tente du William’s Green, voici The Smyths, le tribute band de … Chantée par un sosie de Morrissey (moins les glaïeuls), c’est parti pour une petite heure des plus réjouissante, remplie de tubes chantés à tue-tête par le public présent. And if a double decker buuuuuuuus… L’hommage est réussi, Morrissey, contrairement à Bowie, ne se retournera pas dans sa tombe.
[mks_pullquote align= »left » width= »250″ size= »24″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]Les meilleurs souvenirs de Glastonbury commencent souvent par un « Attends, je vais jeter un coup d’œil là, ça à l’air chouette« .[/mks_pullquote]
Direction ensuite le chapiteau Croissant Neuf, où des rumeurs disent que quelque chose de spécial va se passer. C’est ce qu’on pourrait appeler le Glastonbury Off. Au-delà du programme officiel, Glastonbury regorge de concerts et d’évènement secrets ou surprises. Souvent les groupes qui jouent sur les grandes scènes en profitent pour se faire plaisir sur des scènes plus petites. Des musiciens de passage en profitent aussi pour improviser des DJ sets. Pour les connaître, le bouche à oreille ou le twitter à oreille est un moyen d’être au courant. Mais aussi le plus simple est parfois d’être au bon endroit au bon moment. Les meilleurs souvenirs de Glastonbury commencent souvent par un « Attends, je vais jeter un coup d’œil là, ça à l’air chouette« .
Bref, au Croissant Neuf, le groupe Vodka Jellies propose un karaoké avec un vrai groupe derrière. Les inscriptions sont ouvertes. Après une rapide audition (réussie), je m’inscris pour chanter The Boy With The Arab Strap. Le concert / karaoké commence dans la joie et la bonne humeur, et je suis tout excité (et un peu stressé) à l’idée que je vais chanter sur une scène à Glastonbury. Les premiers candidats de « Glastonbury’s got talent » passent les uns après les autres, et réussissent leur passage avec brio, et j’attends qu’on appelle mon nom. Au bout de quelques morceaux, le maitre de cérémonie annonce : « Our next singer is a milk farmer from Pilton !! ****roulements de tambours**** Pilton’s finest !! ****roulements de tambours**** Godfather of the festival farm !!! ****roulements de tambours**** The singing milkman !!! Mr Michael Eavis !!!!« . Lui-même, le fondateur du festival, Notre Suprême Leader (le culte de sa personnalité est pratiqué sans honte au festival), ses 80 balais, sa barbe blanche, vient pousser la chansonnette pour deux morceaux (Can’t Help Falling In Love et My Way). ***coeur avec les doigts*** Je ne lui en veux même pas de me piquer ma place et mon quart d’heure de gloire espéré, il est chez lui après tout.
La journée se termine avec la découverte des zones de nuits, qui ne sont ouvertes qu’à partir de 22h30. Ce sont les zones les plus délirantes de tout le festival. Le Block 9 et son décor de ville en ruine, The Common et son décor de temple maya, et surtout Shangri-La qui est de loin la plus foutraque de toutes. Un dédale de petits bars et clubs, et de stands aux affiches de propagandes. Je ne sais même pas comment décrire cette zone, qui cette année taillait allègrement la société de consommation (avec les studios de SHITV reconstitués, ou des pubs « Advertisement shits in your head« . Le mieux est que je vous renvoie aux photos et à la vidéo. L’idée de cette soirée était d’explorer cette zone avant d’y retourner un autre soir pour l’explorer plus en détail (j’y avais vu des spectacles de cabaret complètement délirants il y a deux ans). Malheureusement, comme la zone est située dans une zone excentrée du site, la durée du trajet multipliée par la quantité colossale de boue m’en ont dissuadé. Un de mes regrets de cette année.
On se couche avec les premières estimations du référendum. Le Remain aurait gagné. Bon, très bien.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]V[/mks_dropcap]endredi matin, on se réveille avec les résultats définitifs du référendum. Le Leave a gagné. Ah merde. Dans la journée et les jours qui ont suivi, les discussions avec les festivaliers britons montraient que la grande majorité d’entre eux étaient pour le Remain, et que tous se sont pris un grand coup derrière la tête avec ce résultat. Plus terre à terre, côté Français, on se dit qu’on n’aurait pas dû retirer en avance toutes nos pounds pour le festival.
Malgré ces nouvelles, le vendredi marque le vrai début du festival, après un jour et demi de chauffe. En fin de matinée, la Pyramid Stage ouvre et est inaugurée par un orchestre de musiciens syriens présenté par Damon Albarn. Passé le discours de ce dernier concernant l’actualité, place à une heure de très chouette musique, avec une multitude d’invités (Baaba Maal, et les rappeurs Bashy et Kano). Damon s’invite même pour pousser la chansonnette sur des morceaux de Gorillaz et Blur. On bouge ensuite à la Other Stage pour attraper la fin du concert de James. Le chanteur Tim Booth est chaleureusement accueilli à Glastonbury, en se faisant tartiner la gueule de boue à l’occasion d’un stage diving.
Mais la pluie menace. Il convient donc de se trouver un chouette concert sous un chapiteau. L’immense toile de la John Peel Stage est parfaite pour ça, il y reste encore un peu d’herbe sèche dans laquelle on peut s’asseoir. Après le concert un peu pénible de Ratboy (un groupe pour jeunes anglais comme il semble y en avoir des centaines), place à Aurora, chanteuse norvégienne pleine de choupitude. Pendant près d’une heure elle nous enchante avec ses jolies ballades. A cela s’ajoute sa gestuelle et son air effrayé tandis qu’elle chante. Et entre les morceaux, c’est une personne qui remercie tout le monde : les gens présents, son groupe, les quelques norvégiens de l’assistance, et les caméras qui permettent de montrer à tout le monde qu’elle avait oublié de se raser sous les aisselles (what ?).
Après ce concert, me vient un coup de folie : « Et si je traversais tout le site du festival, pour grimper tout en haut de la colline, pour aller voir la programmation du Crows Nest ?« . Le Crows Nest est un de mes endroits chéris du Glastonbury. C’est un petit bar, une espèce de grande tente, niché tout en haut de la colline qui surplombe le site du festival. Il accueille pour des concerts secrets en petit comité des groupes qui sont ou vont passer sur les plus grandes scènes du festival. L’unique moyen de connaitre la programmation et une petite ardoise posée à l’entrée, où les noms sont écrits à la craie (ce n’est pas vraiment l’unique moyen, mais chut).
Il y a deux ans, j’avais vu Gruff Rhys et Toy sous cette petite tente. Au moment où j’achève mon ascension glissante de la colline et arrive au Crows Nest, je croise Gwenno, ancienne Pipettes, qui en redescend après son concert, en essayant de ne pas se casser la margoulette. The Big Moon est à l’affiche, groupe de filles londonien. Les quatre filles se serrent sur la toute petite scène, devant une petite cinquantaine de personnes (dont un bon nombre d’ami(e)s du groupe) pour 40 minutes de chansons joyeusement énervées. Pas le concert du week-end, mais un chouette moment, et le plaisir de retrouver ce lieu un peu confidentiel.
Et c’est là que les problèmes de riches commencent. Avec des dizaines de scènes, et donc des dizaines de concerts en même temps les choix sont parfois cornéliens. Un exemple pour ce vendredi soir : il y avait le choix entre Muse sur la Pyramid Stage, Savages et Richard Hawley à la Park Stage, et Disclosure et Sigur Ros ailleurs. Bref, il faut choisir. Et de manière générale, c’est inutile de se lamenter sur les concerts que l’on va rater (on va forcément en rater), ou de faire la course entre les scènes (essayez, avec la boue !). Mieux vaut profiter pleinement de qu’on a la chance de voir, et ne pas penser au reste.
Peut-être pour le côté son et lumière, peut-être aussi par flemme de remonter toute la pente boueuse menant à la Park Stage, ou tout simplement pour assister à l’un de ces grands barnums que sont les concerts de têtes d’affiches sur la Pyramid Stage, j’ai finalement opté pour Muse après de longues hésitations pour la doublette Savages / Hawley. En guise d’apéritif a lieu le concert de Foals sur la Pyramid Stage au soleil couchant. Les britons sont très contents, moi moins. Je n’ai pas d’affection particulière pour ce groupe, et ce n’est pas ce concert, fait un peu en mode pilotage automatique qui me fera changer d’avis. Bon.
Place au pestacle. Il est partout. Sur scène bien sûr, avec Matiou et compagnie, enjolivée d’effets lumineux et scéniques assez impressionnants (mention spéciale à cette immense visage inquiétant qui semble manipuler le groupe telles des marionnettes). Dans le public aussi, au milieu d’une forêt de drapeaux, des dizaines de milliers de personnes conquises d’avance qui scandent jusqu’aux riffs de guitares, et une fosse qui s’illumine de fumigènes pour les gros tubes du groupe. Dans le ciel enfin, avec moult ballons, confettis et feux d’artifice comme points d’orgues de la soirée. Le concert se termine dans l’hystérie collective avec Knights of Cydonia, l’envie de sauter partout est là, mais le dos, les jambes et la boue disent non. Quoiqu’on puisse en dire, le spectacle fut magnifique et impressionnant, et c’est assez merveilleux d’être au milieu de tout ça.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]U[/mks_dropcap]ne nuit de repos et un petit déjeuner anglais ne sont pas de trop pour remettre la machine en route.
Nous prenons la direction de la zone Cabaret, pour une matinée au calme. Le nom officiel du festival est « Glastonbury Festival of Contemporay Performing Arts« . On pourrait vite croire que c’est un long euphémisme pour des tonnes de concerts, mais en fait non. Une zone du festival, loin d’être petite, est consacrée au théâtre, au cirque et au cabaret.
Avec ses chapiteaux immenses et sa programmation dense, c’est presque un festival dans le festival. Sur le chemin, quelques arrêts au Cider Bus (pour le ravitaillement), au stand cartes postales (pour dire à la famille qu’il fait beau, et qu’on s’amuse bien, tout en signant la carte d’un tiret de boue), et devant la Pyramid Stage où un orchestre local entonne God Only Knows. Au moment où nous arrivons, nous tombons sur le spectacle (Paul Currie) d’un monsieur barré complètement barbu (ou l’inverse), qui avec une figurine de Superman au bout d’une perche, parcourt le public en se prenant pour un super héros. Les personnes des toilettes voisines ont dû se demander quelle était cette chose qui voulait au-dessus d’eux pendant qu’ils étaient à la selle. S’ensuit toute une série de sketches du même acabit. Un peu plus tard, nous nous posons en face de la scène Sensation Seekers, où viens de se terminer une partie de Twister géant, pour voir un jongleur acrobate australien. La spectatrice la plus captivée est une choupinette de 4 ans, qui n’en manque pas une miette, jusqu’au clou du spectacle : va-t-il réussir à faire tenir trois œufs en équilibre sur un bâton posé sur son nez (spoiler : oui).
Nous arrivons ensuite au Avalon Inn, sans doute le plus beau de tous les bars du festival. Une merveille de maison ancienne, tout en bois, avec deux étages, et provisoire, comme toutes les structures du festival. A côté se trouve une espèce de phare rouge et blanc d’une dizaine de mètres de haut, qui en plus d’être joli, sert de toboggan géant pour veut le dévaler. Parmi les nombreux futs de bière de l’Avalon Inn, trône discrètement sur le bar un tonneau de cidre fermier qu’un producteur local a dû apporter. Il nous a bien tapé sur le crâne. Nous étions donc dans le meilleur état pour profiter du concert de Beans on Toast, alias le « drunk folk singer« , qui nous a parlé de sa vie éthylique, de ses premiers Glastonbury, de drogue et autres choses.
Direction ensuite la Park Stage pour Kurt Vile. Nous arrivons pendant le concert un brin pénible de Jagwar Ma. Le concert de Kurt Vile n’est pas désagréable, mais n’est pas un concert à faire debout. Ça tombe bien, on entend tout aussi allongé dans la colline qui surplombe la scène que dans la fosse. Pourquoi se fatiguer inutilement alors.
Si vous êtes arrivés jusque-là dans mon compte-rendu (merci !), vous devez êtes déjà familiarisés avec le site du festival (comment ça non ?), et donc savoir que tout en haut de cette colline, il y a le Crows Nest et ses concerts secrets. A l’affiche cet après midi figure Michael Kiwanuka, pour promouvoir son second album Love & Hate et avant son concert du lendemain sur une plus grande scène. Pas la peine de tourner autour du pot, ce concert d’une petite heure fut miraculeux. Un premier miracle d’abord pour que les 6 membres du groupe tiennent sur la minuscule scène du bar. Un second miracle ensuite avec la qualité des nouvelles et anciennes compositions pleines de soul du bonhomme qui ont transporté la petite centaine de personnes (en comptant large) présentes au Crows Nest. Cette petite heure magique fut conclue par la chanson qui donne son nom au nouvel album, merveille soul et entêtante qui se prolonge pendant des minutes et des minutes. Cela restera comme un de mes meilleurs moments de tout ce festival, un de ces instants où l’on est si content d’être au bon endroit au bon moment. J’étais sur mon petit nuage.
Ça m’a permis d’aller en nuage à l’autre bout du site du festival pour le concert de Fatboy Slim sous l’immense chapiteau de la John Peel Stage. L’ambiance n’est plus la même que pour le concert d’Aurora. Le chapiteau est blindé, est la foule est conquise d’avance. Au moment ou Norman Cook envoie ses premiers « EAT SLEEP RAVE REPEAT« , c’est l’explosion. Le quinquagénaire est un habitué de la Worthy Farm. Je crois que son objectif secret est de jouer sur toutes les scènes du festival et qu’il n’est pas loin d’y arriver. Les gens sautent partout et les fumis sont de rigueur. C’est impressionnant, voire presque oppressant. Ajoutez à cela, la difficulté de sauter dans tous les sens avec des chaussures pleines de boue et avec un dos fatigué, je ne peux pas tenir jusqu’à la fin du concert.
Ca me donne le temps de filer tranquillement vers la Other Stage. J’en profite pour m’asseoir un moment le temps de récupérer le temps de discuter un moment avec un couple d’Anglais très sympa. Les notes que j’ai prises pour ce compte-rendu semblent les surprendre, et ils me demandent si je suis journaliste et de ne pas parler d’eux. Je ne vous parlerai donc pas d’eux (oh wait…). Direction enfin la fosse de la Other Stage pour le concert de New Order. Celle-ci n’est pas particulièrement remplie, la faute certainement à la concurrence d’Adele qui têtedaffiche la Pyramid Stage en même temps. Les mauvaises langues auront vite fait de conclure que ceux qui sont venus au festival avec leur copine sont à Adele, alors que les autres sont à New Order. Arrivé au lieu des gens, un Anglais me dit « Bonjour – Euh bonjour – Excusez-moi, j’essaye d’être amical avec les gens, ma femme (présente) me plaint d’être grognon – Ah mais pas de problèmes« . S’ensuit une discussion un peu surréaliste sur les différents types d’assholes. Un de leurs amis revient chargé de bières et l’Anglais m’en tend une « Tiens c’est pour toi, on savait que tu allais venir« . Sympa !
Bref le concert de New Order commence, sans grosses surprises mais avec un public déchaîné. Les classiques sont là (dois-je vous les citer ?), et certains nouveaux morceaux (comme Plastic) sont particulièrement efficaces. Juste avant le rappel, Bernard Sumner glisse un petit mot à propos d’Adele : « She’s got a beautiful voice, but what has her boyfriend done to her ? he must be a right twat ! » avant d’entamer un Love Will Tear Us Apart fort à propos. Comme elle l’avait fait pendant Blue Monday, la fosse s’embrase une dernière fois de multiples fumis.
Le retour à la tente est des plus compliqués, car le flot immense de gens sortant du concert d’Adele arrive en face. C’est un peu comme parcourir à l’envers les rayonnages d’Ikéa un samedi après-midi, mais à la puissance mille. Heureusement, une boutique sur le chemin à la bonne idée de passer Freed From Desire en boucle, et c’est l’occasion de faire une pause le temps que le flot se tasse tout en chantant Will Griggs on Fire avec des nord-irlandais.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]B[/mks_dropcap]ouh c’est le dernier jour. Le dernier petit déjeuner au Lulu’s Café, les derniers arrêts au Cider Bus, le dernier… Oh hé mais zut, pas question que ça nous mine, c’est encore une belle journée qui s’annonce. Pour éliminer les mauvaises ondes, nous arrêtons un moment à la tente des Hare Krishna, qui harekrishnatent 24/24. Le midi c’est plutôt calme, mais il parait que cette tente est un endroit magique au milieu de la nuit (avec pleins de gens joyeux pour entonner les Hare Krishna Hare Krishna Krisha Krishna Hare Hare…). Impossible de sortir de la tente sans connaître le mantra par cœur.
Direction ensuite la Glade Stage pour le concert de Touretteshero & Captain Hotknives. Touretteshero est la super héroïne au syndrome de Tourette, qui utilise son handicap et ses supers pouvoirs pour faire rire ceux qui le méritent, et tailler un short à ceux qui le méritent. Un des nombreux spectacles loufoques que l’on peut voir à Glastonbury. Et l’occasion de me faire passer le regret d’avoir encore raté cette année le spectacle de Frank Sanazi (un monsieur qui reprend du Frank Sinatra habillé en Adolf Hitler, oui). Dans l’hilarité générale du public, tout le monde en prend pour son grade : les Tories, les chiens de bergers, UKIP, la Reine (avec une merveilleuse version anarchiste du God Save The Queen). L’occasion d’apprendre du vocabulaire. Le concert se termine avec une distribution de biscuits, en rapport àl’un des tics de notre super-héroïne.
Petite pause ensuite en écoutant le concert de Kamasi Washington assis sur le côté de la West Holts Stage avant de prendre la direction de la Pyramid Stage pour le « legend slot« . C’est en effet une tradition à Glastonbury, le dimanche après-midi, à l’heure du thé, est invité une légende, plus toute jeune, et plutôt rare en concert. Il y a deux ans c’était Dolly Parton qui avait rassemblé une foule considérable. Cette année, c’est Jeff Lynne, pour nous rappeler au souvenir d’Electric Light Orchestra. Au terme d’un concert très carré et très bien mais baigné par le crachin, nous avons été des milliers à espérer un petit miracle comme seul Glastonbury le permet, à savoir une éclaircie sur Mr Blue Sky, à la manière de Travis il y a quelques années où il s’était mis à pleuvoir pendant Why Does It Always Rain on Me. De miracle il n’y eut point. Mr Blue Sky est un gros pignouf. Ce qui ne nous a pas empêché de bien profiter du concert et surtout du final irrésistible avec Mr Blue Sky donc et Roll Over Beethoven.
Suite à ce concert la traversée du food court s’avère des plus périlleuse. La boue est devenue collante au possible en cette fin de festival, et c’est un sacré effort que de mettre un pied devant l’autre. Il faut même secourir des gens dont les bottes se retrouvent embourbées. Au risque de faire un calembour vaseux, je dirais qu’on a été poussé à boue tout au long de ce festival.
Sous la Acoustic Stage nous attend un groupe habillé dans de beaux costumes. Le guitariste a une Rickenbacker et s’appelle John, tandis que le bassiste est gaucher, a une Höfner et s’appelle Paul. C’est parti pour le concert des Bootleg Beatles. Le mimétisme est tellement poussé à l’extrême (costumes, instruments, accent liverpuldien, mimiques, chambrage entre morceaux…) que c’en est troublant. Pendant une heure, on se prend à rêver que se sont les vrais Beatles en face de nous. On est venu pour un immense singalong, et on n’est pas déçu, comme lors de Yesterday, où « Paul » souhaite vérifier d’abord que le public connaît les paroles. Pour un public qui a dû apprendre la chanson à l’école primaire, c’est du pain béni. Au point qu’une fois le public lancé, il est impossible de l’arrêter. Un petit changement de costume à la mi-concert pour enfiler ceux de 1968 (cheveux long inclus), et c’est reparti pour des morceaux qui on rarement été joué en live par les Beatles originaux. Tout au long du concert, les morceaux sont joués à la note près, sauf à la fin de While My Guitar Gently Weeps, où « George » met un point d’honneur à prolonger le solo pour notre plus grand plaisir. Puis tout le monde part heureux après un superbe Hey Jude collectif.
Mon choix pour le dernier concert de festival ne va peut-être pas vous plaire, et je m’en excuse par avance. En effet, alors qu’il y avait sur les autres scènes LCD Soundsystem, PJ Harvey ou Earth Wind & Fire, j’ai opté pour Coldplay sur la Pyramid Stage. Un peu comme pour Muse, histoire de vivre un de ces grands sons et lumières sur la Pyramid Stage, et car les derniers concerts sur cette scène son toujours un peu spéciaux. Même n’étant pas, et de loin, un fanatique de la bande à Chris Martin, je n’ai pas été déçu sur ce point là. C’est effectivement un sacré spectacle qui nous attend, avec la triplette feux d’artifices / ballons / confettis, auquel s’ajoutent les bracelets lumineux qui ont été distribués pendant la journée. Difficile de ne pas être saisi par l’effet produit par toutes ces petites lumières dans une foule de 50000 personnes. Pour le reste, c’est du Coldplay, mais on passe un bon moment.
Au milieu du concert, Chris Martin introduit comme invité de marque Barry Gibb, seul Bee Gees encore vivant, pour venir jouer To Love Somebody avant de transformer la Pyramid Arena en discothèque géante avec le morceau-que-vous-savez. Tout le monde est content, Chris Martin joue ses dernières notes au piano et remercie tout le monde. Voilà, c’est fini. Et puis non, il ne veut pas que ça s’arrête là, et demande à parler à un responsable du festival pour avoir l’autorisation expresse de jouer un morceau de plus. L’autorisation lui est donnée sans difficultés par un nouvel invité, Notre Suprême Leader Michael Eavis (hiiii), qui vient clore le festival de fort belle manière en chantant My Way. Cette fois c’est vraiment fini, et les bracelets lumineux illuminent les sentiers qui mènent aux tentes.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]undi matin, le soleil est revenu au moment de dire au revoir à la Worthy Farm. Mr Blue Sky est vraiment un pignouf. Le site du festival ressemble à champ de bataille, avec ses bottes et tentes abandonnées. Les paquets faits, il est temps de repartir la tête pleine de chouettes souvenirs, dont on ne tardera pas à faire profiter les autres. Comme ces grosses galettes de glaise que nous partagerons généreusement dans le bus, l’aire d’autoroute, et la Victoria Coach Station, souvenirs de nos nuits de boue.
Le site du festival de Glastonbury
Photos: Bopper en Larmes