Enzo, Jofranka, Irène, Emma et Franck. Hommes et femmes liés par la contrainte. L’attente. L’attente du retour d’un journaliste, Etienne (ami, amant et fils) enlevé il y a quelques mois en pleine rue d’un pays en guerre.
De la captivité d’Etienne, Jeanne Benameur ne nous dit pas grande chose. Quelques pages au début du roman mais suffisamment marquantes pour qu’une ambiance lourde, pesante soit présente. Ces pages se mélangent avec les sentiments de la mère d’Etienne, Irène, de ses amis d’enfance, Enzo et Jofranka, de sa dernière compagne Emma avec qui ils se sont quittés avant son départ pour ce dernier reportage photo.
L’emprisonnement n’est pas le thème du roman de Benameur. Ses conséquences par contre prennent toute la place du livre.
Comment rentrer en laissant derrière soit ses compagnons de captivité, comment retourner à la vie et surtout à quelle vie ?
« Pourtant captif. Les deux syllabes ne le lâchent pas. Captif dès qu’il est en présence des autres.
C’est dans les veines, c’est dans le sang maintenant. »
Etienne est le centre, il est au centre de tous les personnages. Tous se définissent en quelque sorte par rapport à lui.
Sa mère, bien sûr, qui n’a plus vécu en l’attendant.
Ses amis, Enzo le taiseux et son épouse Jofranka, juge à La Haye, celle qui écoute et recueille les témoignages des atrocités vécues par les femmes pendant la guerre.
« Au fond d’elle, quelque chose disait Dieu n’existe pas, le Diable n’existe pas. Déjà elle savait que le bien et le mal c’étaient des gens. Rien que des gens. Et que c’était pire. »
Jeanne Benameur situe son écriture au plus près de ses personnages, de leurs sentiments, de leurs angoisses, parfois de la délivrance ou de la paix qu’il leur arrive de ressentir.
C’est un roman prenant, par ses silences, ses chapitres coupés abruptement, par sa violence intérieure, la violence d’un retour si désiré et attendu mais bien plus difficile que prévu. Tous sont bouleversés par Etienne mais tous, différemment. Comme si, en quelque sorte, la captivité du héros avait posé certaines bases et que sa délivrance faisait tout exploser.
Un extrait du livre à suivre :
Otages Intimes de Jeanne Benameur, paru chez Actes Sud, août 2015