Certaines histoires réveillent le rêve que l’on croyait endormi. Où cacher une étoile est l’une de celles-ci. Paru chez Kaléidoscope, cet album d’Oliver Jeffers met en scène une partie de cache-cache, d’abord insignifiante puis merveilleuse et cosmique. Il suffit d’un petit garçon et de ses deux amis (un pingouin et une étoile) pour que l’imaginaire se mette à briller de mille feux.
Oliver Jeffers est un auteur-illustrateur majeur de la littérature jeunesse contemporaine. On lui doit des albums devenus cultes comme Perdu ? Retrouvé ! ou Comment attraper une étoile. Ce nouvel ouvrage dialogue avec ses précédents livres. Dans Comment attraper une étoile, il était question de désir et de quête. Ici, Jeffers va plus loin car l’étoile est déjà là, mais elle se cache, s’échappe, et oblige l’enfant et ses amis à la chercher encore et encore. On ne parle plus seulement d’attraper ce qui nous fait rêver, mais d’accepter qu’on ne peut pas toujours retenir ce qu’on aime.

L’histoire s’ouvre sur une scène d’une grande simplicité. Trois enfants jouent à cache-cache, rient, se défient. Puis le petit garçon qui sait compter part à la rescousse du pingouin, pose l’étoile dans un bateau et l’oublie. L’étoile vogue et à partir de là, tout se transforme. Les enfants fouillent le ciel et la terre, grimpent, se perdent dans des plans absurdes et poétiques. On les voit courir sous des constellations dessinées d’un trait délicat et scruter les profondeurs du noir. C’est finalement un martien qui les aidera à trouver l’étoile sur une nouvelle planète, où elle s’est liée d’amitié avec une petite fille. Mais alors, où doit aller l’étoile, maintenant qu’elle a des attaches à deux endroits différents ? Ce qui semblait être un simple jeu devient une aventure intérieure. La quête se mue en métaphore de l’absence, du lien invisible qui relie ceux qu’on aime même quand on ne les voit pas.

C’est là qu’intervient la subtilité du propos. Pour les plus jeunes, Où cacher une étoile est un pur émerveillement. Mais pour les adultes, le sens caché est limpide. Cette étoile qu’on cherche et qu’on partage peut évoquer une séparation, une distance, une vie entre deux maisons. On peut être aimé par deux personnes à la fois, même si celles-ci vivent chacune sur une planète différente. Le livre devient alors un compagnon précieux pour les enfants dont les parents se séparent ou habitent loin l’un de l’autre. Jeffers offre une manière douce et poétique d’aborder ce sujet délicat, sans jamais nommer la douleur, mais en laissant l’étoile comme symbole d’un amour qui ne s’éteint pas.

Graphiquement, c’est un éblouissement. l’auteur retrouve ses grands aplats aux couleurs profondes, des bleus de nuit qui se fondent dans des noirs veloutés et des éclats de jaune qui surgissent comme des promesses. Les silhouettes enfantines, simples et rondes, tranchent avec l’immensité du ciel. Certaines doubles pages s’imposent comme des moments suspendus. L’étoile minuscule qui scintille au milieu d’un espace vide. À chaque page, on sent le travail sur la lumière et la composition. Jeffers sait quand remplir l’espace et quand le laisser respirer.

Où cacher une étoile se lit donc dans le calme, comme on écouterait une berceuse. Destiné aux enfants dès trois ans, il a pourtant la puissance de ces livres qui accompagnent une enfance entière. C’est un album sur la recherche et l’acceptation, sur le fait d’aimer sans forcément posséder et sur la beauté de ce qui nous échappe. Oliver Jeffers nous rappelle que parfois, ce qu’on croit perdu n’a jamais vraiment disparu. Il brille simplement ailleurs, en attendant qu’on le regarde à nouveau.



