[dropcap]P[/dropcap]arcelle brillante, le sixième album d’Orwell, peut être analysé à travers plusieurs prismes. D’abord, il peut être vu comme une manifestation de la fidélité de Jérôme Didelot, son cerveau, à des communautés.
Communauté historique : avec Thierry Bellia et Alexandre Longo, qui fondèrent le groupe avec lui il y a un peu plus de vingt ans et qui sont toujours présents pour arranger certains titres avec lui ou pour jouer de la guitare ou des claviers.
Communauté solide et durable aussi avec les quatre autres musiciens qui l’accompagnent depuis quelques années avec constance, et qui prennent plaisir à participer à cette aventure collective au long cours. Ils sont rejoints ici par une violoniste et une violoncelliste, clin d’œil à la composition initiale qui intégrait des cordes, et dont les interventions apportent une coloration furieusement Louis XIV.
Mais on s’attardera sur les deux chanteuses qui duettisent avec Jérôme. D’abord, la voix de sucre d’orge d’Armelle Pioline sur Jamais Assez, qui nous procure l’émotion d’entendre à l’unisson deux des timbres les plus précieux de la musique populaire de ce côté-ci de la Manche, du Quiévrain, du Rhin, des Alpes, des Pyrénées, de la Méditerranée et de l’Atlantique et ensuite Teraoka Ayumi, alias Sugar Me, en français dans le texte sur l’entraînant Immature, profitant des connexions japonaises du groupe et de sa tête de proue.
Communauté familiale enfin, qui voit la compagne et le fils du maître des lieux, qui dédie l’album à son père récemment disparu, mettre la main à la pâte respectivement comme choriste et « voix off ». Ces aspects profondément humains sont une marque essentielle de l’œuvre, qui, sans être un gage de qualité musicale à eux seuls, lui font dépasser le simple statut de produit musical.
On peut aussi jouer au petit jeu de l’arbre généalogique, artistique celui-là, pour se dire que tout autant que l’école pop anglo-saxonne si souvent invoquée pour donner à Orwell un livret de famille, et même si la dernière minute instrumentale d’Immature donnera raison à ceux qui invoquent à nouveau l’inspiration de Sean O’Hagan, on a une nouvelle preuve que William Sheller, Alain Chamfort, Elli et Jacno (écoutez le synthé en intro de Lone) et d’autres parmi lesquels on n’admettra que du bout des lèvres Laurent Voulzy, la mièvrerie n’ayant pas droit de cité ici, ont aussi une ascendance à faire valoir.
La marque d’un tropisme cartésien peut-être, qui se garde d’extravagances trop démonstratives et contrebalance ainsi l’excentricité du songwriter pour l’installer à mi-chemin entre France et Angleterre, sans pour autant le noyer dans la Manche.
Autre angle d’attaque : l’inspirateur de l’ambiance thématique, l’écrivain Theodore Sturgeon, auquel Jérôme Didelot a consacré un mooc intitulé « Le plus qu’auteur » en janvier 2019.
À la lisière du fantastique et de la science-fiction, l’Américain est particulièrement envisagé par le groupe français comme un révélateur de l’eau qui dort sous les apparences des personnages méprisés, moqués et isolés. Pas étonnant, au fond, de la part d’un groupe qui s’est baptisé en l’honneur d’un autre maître de la SF du vingtième siècle.
Même si plusieurs titres portent le nom de nouvelles (Les Mains De Bianca, Parcelle Brillante) ou de personnages (Lone) de Sturgeon, on n’évoquera pas le fameux album concept, trop connoté. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois, en tout cas, que l’étrange et la pop sont associés, mais la prégnance de cette œuvre fictionnelle lui offre ici un esprit et un ton bien à elle, amènes et inquiétants à la fois.
Reste finalement la question majeure : Orwell s’est-il décentré de sa zone de confort harmonique, ou est-il demeuré attaché, avant tout, à son cœur de métier ? Les deux premiers titres font pencher la balance vers la première hypothèse. L’instrumental a-Air-ien Dérivation est branché sur les génériques de séries françaises des années 70, et Jamais Assez introduit une répétition inhabituelle tout en se parant d’un déhanché au son du marimba, avant une trouée lumineuse puis les convulsions d’un bref passage au saxo free jazz.
Mais la suite renoue plus franchement avec ce qui a toujours fait la réputation d’Orwell, cet instinct mélodieux hardcore qui règne notamment sur les conquérants Les Ondes et L’Être En Toi.
À l’opposé de ces pépites dynamiques, Rien Ne Pourra Me Rendre Sage, tamisé et nonchalant, fait revenir Burt Bacharach sur le devant de la scène, et plus précisément sous des sunlights carioca. Cette musique enjôleuse trouve en Jérôme Didelot, tout en douceur, son interprète idéal.
Parcelle Brillante, Lone et Immature enfoncent encore le clou, celui qui fixe la connexion presque surnaturelle entre les vibrations produites par le jeu des voix et des instruments et celles qui circulent dans le cerveau, on pourrait presque écrire l’âme, des auditeurs. Orwell atteint plus souvent qu’à son tour cette note bleue pop sur Parcelle Brillante.
Alors, le dernier morceau, Dors Encore, pourra bien atteindre l’objectif affiché par son titre, les dix plages précédentes nous auront rendu la fin du confinement bien plus supportable.
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Parcelle brillante – Orwell
InOuïe Distribution / Hot Puma Records / Europop 2000 – avril 2020
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Photo : Photo de bandeau par Damien Raymond