[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#FBD017″]L'[/mks_dropcap]univers déployé dans Pense aux pierres sous tes pieds d’Antoine Wauters est tellement particulier qu’il ne laissera personne indifférent. L’action de ce roman se situe dans un monde imaginaire mais pas sans lien avec notre réalité. L’auteur nous raconte l’histoire de personnages en quête de liberté. C’est un conte amoral qui met en avant l’acte, plutôt que le destin, comme force de décision. Le style d’Antoine Wauters est atypique tant il est difficile de le placer dans une tradition littéraire précise.
C’est l’histoire de deux jumeaux Leonora et Marcio qui habitent un pays sans nom où les dictateurs se succèdent. La pauvreté et la misère sont leurs lots. Travaillant l’une pour Mams et l’autre pour Paps, ils sont bien plus que frère et sœur, attirés l’un par l’autre, « Sans doute à cause de ce monstre chaud qui nous rongeait le ventre déjà à cette époque. ». Ils s’échangent leurs identités de genre, s’embrassent, se retrouvent dans le fenil pour se caresser. Mais très vite le père les surprend dans leurs jeux érotiques. Les parents décident de les séparer tandis que le pays connait un coup d’État. À partir de là commence une quête de liberté et de retrouvaille.
Ce roman prend de l’ampleur au fur et à mesure de la lecture, quand on commence à s’apercevoir qu’il raconte bien plus qu’une histoire d’inceste entre un frère et une sœur dans un pays pauvre. Il faut pour l’apprécier prendre de la distance avec notre réalité. Cet élan vers la liberté devient absolu et place aux creux de la lecture un optimisme forcené. Antoine Wauters s’affranchit des codes du réel pour mieux en raconter notre besoin de joie. Son écriture est aussi en dehors d’une contemporanéité, plus proche de la narration venant des jeunes Leonora et Marcio que celle d’un écrivain adulte sérieux et austère.
En même temps que la sortie de Pense aux pierres sous tes pas, parait aux mêmes éditions Verdier un autre livre Moi, Marthe et les autres. Ce livre est différent par sa taille et son rapport au réel. Il raconte l’histoire d’une bande errant dans un Paris apocalyptique. Chantant des chansons de Johnny, ils s’abritent dans une « crique » sur les hauteurs de Montmartre et prennent le « funicul’ » pour descendre aller chercher de quoi vivre. Persiste en eux le désir. Les corps libres s’aimantent et pourtant soumis à la survie. Ici, Antoine Wauters est plus proche du réel, les références y sont plus nettes. Mais on regrette tout de même la puissance du précédent opus.
Il y a dans le style d’Antoine Wauters un soupçon de Queneau jouant avec les mots, de Gibran devenu amoral et athée proférant un hymne à la liberté et à la joie. C’est aussi un écrivain à l’univers libre et joyeusement optimiste, sans perte de lucidité, qui vient mettre une autre couleur à la palette de la littérature contemporaine et de sa traditionnelle rentrée littéraire.
Pense au pierres sous tes yeux et Moi, Marthe et les autres d’Antoine Wauters
paru le 23 août aux éditions Verdier