L’étiquette collée sur la couverture dit tout ou presque de « Tatouage » (Migoya et Seguï, Dargaud) : « une recette épicée pour un polar réussi ». Tout part de la découverte d’un cadavre flottant à la surface de l’eau. Le visage mangé par les poissons. Avec gravé sur la peau, un énigmatique tatouage. Attention ! Le détective espagnol Pepe Carvalho mène l’enquête. Ça va déménager.
Oui c’est bien lui ! L’un des personnages les plus prolifiques de la littérature policière espagnole est de retour. Fruit de l’imagination de Manuel Vásquez Montalbán, le détective des Ramblas de Barcelone, Pepe Carvalho, reprend des couleurs sous la plume scénaristique d’Hernán Migoya (Rapt à Lima, 2013) et les traits graphiques de Bartolomé Segui (Les Racines du chaos, 2015).
Nous sommes en juillet 1974, en Espagne. Bienvenue dans « Tatouage« , l’une des premières histoires de Carvalho. On y retrouve les longs soliloques de Pepe, dissertant pêle-mêle de la lutte des classes, des femmes, du cinéma, de sa bagnole et, suprême bonheur, de la cuisine barcelonaise. « Qu’attendre d’une jeunesse qui ne sait pas manger ? », lance-t-il ainsi à la cantonade quand, offense suprême, cette même jeunesse ne sait pas faire la différence entre un goût de « sueur de jument » ou une « divine ambroisie ». Sacré Pepe !
Si l’homme a le palais bien élevé, il ne baigne pas pour autant dans le politiquement correct. Bref, quand les chevaux sont lâchés, ce n’est pas l’incarnation du gendre idéal. Des cuistots faisant affront à la cuisine seront ainsi qualifiés « d’enculés », tandis qu’à la sortie d’un bar à pastis, il n’hésitera pas à sortir le poignard devant un prof d’université soucieux de lui donner des leçons d’histoire !
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Les personnages secondaires ne sont pas en reste. À commencer par la maîtresse de Carvalho, prénommée Chiro, dont il aime encourager le bon vouloir érotique entre deux passes.
On en oublierait presque l’intrigue, qui saute de la Plaza de Catalüna au quartier rouge d’Amsterdam, à la recherche du nom porté par le noyé tatoué. Un nom que monsieur Rámon, qui a mandaté le détective pour travailler plus vite que la Police, aimerait connaître afin de mieux assurer ses arrières.
Mais à vrai dire, même si elle se nourrie de plusieurs rebondissements, l’enquête est avant tout un prétexte à la découverte des bas-fonds de Barcelone, de quelques laissés pour compte et du personnage singulier qu’est Pepe Carvalho, pas nécessairement sympathique d’ailleurs.
De ce point de vue, la BD restitue bien tous les éléments constitutifs du détective cynique et désabusé. L’ouvrage se révèle dès lors à la hauteur du mythe littéraire. Et rend un bel hommage… à la salade castillanne. C’est déjà ça.
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